Retour à l’idéal de la Deuxième République et au suffrage universel.
Pourtant, ce mode de scrutin ne fait pas l’unanimité chez les auteurs et autres intellectuels… qui ont parfois de bonnes raisons. Il faut toujours contextualiser : règle absolue de notre Histoire en citations.
« Désormais, le bulletin de vote doit remplacer le fusil. »2156
(XIXe siècle), légende de L’Urne et le fusil, gravure illustrant le rétablissement du suffrage universel (masculin) par décret du 5 mars 1848
Histoire de la France (1989), André Burguière, Jacques Revel.
La France, comme en 1792, est le premier État du monde à s’engager dans cette voie républicaine et démocrate du suffrage universel (masculin). D’autres pays européens vont l’imiter, mais l’échec des révolutions de 1848 en reportera l’application à plus tard. Dans notre pays, on passe de 250 000 électeurs (suffrage censitaire) à plus de 9 millions.
Contesté dès le début pour bien des raisons, ce vote démocratique peinera à s’installer dans les cœurs et dans les faits - en cela du moins, la Politique a réalisé un indéniable progrès.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Il faut s’avouer impuissant devant cette fatalité politique d’un nouvel ordre dans l’histoire : le suffrage universel. »2187
George SAND, Lettre à Joseph Mazzini, novembre 1848
Deuxième République. « Je travaille, j’attends le 10 décembre comme tout le monde. Il y a là un gros nuage, ou une grande mystification, et il faut s’avouer impuissant… » Résignée comme Lamartine, mais Hugo se bat. On craint la « folie impériale », l’engouement du peuple pour Louis-Napoléon Bonaparte… élu président à 75% des votants.
« Surtout n’ayez pas peur du peuple, il est plus conservateur que vous. »2142
(1808-1873), Du système électoral
Questions de mon temps : 1836 à 1856 (1865), Émile de Girardin.
C’est fort bien vu, dans la France de l’époque - Deuxième République. Durant toute sa carrière politique et son irrésistible ascension jusqu’à l’Empire, triomphalement élu et massivement plébiscité à plusieurs reprises, LNB saura se présenter comme le champion du suffrage universel (masculin).
1848. Élu en juin député dans quatre départements par la magie de son nom, il entre en campagne présidentielle. En ces temps de grande éloquence politique, il est conscient de ses insuffisances à la tribune : « Une Chambre ressemble trop à un théâtre où les grands acteurs seuls peuvent réussir. » Le talent lui vient en parlant. Il devient un personnage public et populaire : « Toute ma vie sera consacrée à l’affermissement de la République. » Et on le croit !
Premier résultat, scrutin du 10 décembre 1848 : « Le citoyen Bonaparte élu président de la République ». Triomphe avec 75 % des votants (5,5 millions de voix). Les voix républicaines se sont dispersées entre Cavaignac, Ledru-Rollin et Raspail, candidats relativement ignorés hors Paris et la minorité éclairée. Rappelons la déroute de Lamartine (17 914 voix).
Hugo est désormais l’opposant républicain le plus ardent au prince Napoléon qu’il a soutenu au départ : « Cet homme ment comme les autres hommes respirent. Il annonce une intention honnête, prenez garde ; il affirme, méfiez-vous ; il fait un serment, tremblez. Machiavel a fait des petits. Louis Bonaparte en est un. » Napoléon le Petit (pamphlet de 1852).
« La grande moralité de ce règne-ci sera de prouver que le suffrage universel est aussi bête que le droit divin, quoique un peu moins odieux. »2244
FLAUBERT, Lettre à George Sand, 1869
Progrès pour la démocratie, le suffrage universel paraît prématuré à nombre de contemporains et d’historiens : l’opinion publique est aisément manipulée, souvent sollicitée par l’empereur et ses préfets. L’Empire va naître de ce suffrage populaire et vivre sur cette assise très large, avant de s’effondrer.
« Le suffrage universel, la plus monstrueuse et la plus inique des tyrannies, – car la force du nombre est la plus brutale des forces, n’ayant même pas pour elle l’audace et le talent. »2396
Paul BOURGET, Le Disciple. À un jeune homme (1889)
Ce romancier analyse les « maladies morales » de son époque. Le suffrage universel fut une forme d’égalité politique longtemps contestée – voir la correspondance de Flaubert (à George Sand) : « Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois. Le rêve est en partie accompli. »
« Pour plus d’un jeune révolté des barricades, il y aura du désenchantement, sinon du désespoir, à voir « sa » révolution se coucher dans les draps anonymes du suffrage universel. »3079
Claude IMBERT, L’Express, juin 1968
C’est l’épilogue de Mai 68. Les élections de juin donnent la majorité absolue à la droite gouvernementale. De Gaulle, président sorti vainqueur, quoique blessé par les « évènements », ironise sur les « élections de la trouille ».
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