Deuxième République
Suffrage universel (masculin) : un progrès institutionnel sans équivalent en Europe.
Créé sous la Révolution, inscrit dans la Constitution de 1793 et jamais appliqué, supprimé par le Directoire, passionnément attendu par les républicains, décrété par le gouvernement provisoire, chanté par le peuple : le corps électoral passe de 250 000 électeurs (suffrage censitaire) à plus de 9 millions. D’où 86% de votants ! Triomphe des républicains modérés (Lamartine en tête) à la nouvelle Assemblée (constituante).
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Désormais, le bulletin de vote doit remplacer le fusil. »2156
M. L. BOSREDON (XIXe siècle), légende de L’Urne et le fusil, gravure illustrant le rétablissement du suffrage universel (masculin) par décret du 5 mars 1848
La France, comme en 1792, est le premier État du monde à s’engager dans cette voie. D’autres pays européens vont l’imiter, mais l’échec des révolutions de 1848 en reportera l’application à plus tard. On passe de 250 000 électeurs (suffrage censitaire) à plus de 9 millions (les femmes n’auront le droit de vote qu’en 1944).
« Tout Français est électeur,
Quel bonheur ! moi, tailleur,
Toi, doreur, lui, paveur,
Nous v’là z’au rang d’homme […]
Faut savoir c’qu’on nomme.
Sachons bien, sachons bien
Élire un homme de bien,
Craignons bien, craignons bien
D’prendre un propre à rien. »2157Eugène POTTIER (1816-1888), Le Vote universel (1848), chanson
On reconnaît la « fibre politique » de l’auteur rendu célèbre par L’Internationale. Le peuple chante le rétablissement du suffrage universel, le 5 mars 1848. C’est la fin des abus du régime censitaire, mais aussi le début d’une course aux suffrages qui va défavoriser la gauche. Le principe, définitivement acquis, n’en reste pas moins très populaire. Sur les 9 millions d’électeurs, il y aura 86 % de votants.
« Il n’est pas nécessaire pour faire un bon représentant d’avoir de l’éducation et de la fortune […] Un brave paysan, avec du bon sens et de l’expérience, représentera mieux les intérêts de sa condition qu’un citoyen riche et lettré. »2158
Lazare Hippolyte CARNOT (1801-1888). Recueil des lois et actes de l’instruction publique (1848), Delalain, imprimeur
Il s’adresse aux recteurs, à l’occasion des élections à l’Assemblée constituante du 23 avril 1848.
(…) Résultat des élections : triomphe des républicains modérés (et donc de Lamartine) avec 500 élus sur 900 députés. À gauche, radicaux et socialistes, malgré les pressions de Ledru-Rollin, ne sont qu’une centaine. À droite : près de 130 légitimistes ou catholiques (tendance Montalembert) et 170 orléanistes.
« Le monde a la démarche d’un sot, il s’avance en se balançant mollement entre deux absurdités : le droit divin et la souveraineté du peuple. »2159
Alfred de VIGNY (1797-1863), Journal d’un poète (posthume)
Élevé dans une famille de vieille noblesse avec le culte de la monarchie de droit divin, heurté par les bouleversements de la société depuis sa naissance, Vigny s’est pris d’enthousiasme pour la Révolution de 1848 et présenté à la députation en Charente. Il obtient si peu de voix que cet échec politique le rend de nouveau bien amer. Ses confrères ont plus de chance : Lamartine triomphe (dans dix départements, avec 1 600 000 voix) et Hugo est bien élu (…)
« Attentat contre la dignité humaine, violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Égalité, Fraternité. »2160
Victor SCHŒLCHER (1804-1893), Le Moniteur, 2 mai 1848
Sous-secrétaire d’État dans le gouvernement provisoire, il plaide contre l’esclavage et voit l’aboutissement de sa longue lutte : « Par les décrets du 27 avril 1848, rendus sur l’initiative de Schœlcher, l’esclavage, aboli une première fois par la Convention, a été définitivement supprimé dans nos colonies primitives » (Alfred Rambaud, Histoire de la civilisation contemporaine).
« Aujourd’hui que le droit du travail est le premier de tous les droits […] je viens, au nom du travail, affirmer les droits politiques des femmes, la moitié du peuple. »2161
Benjamin Olinde RODRIGUES (1794-1851), Discours à la Bourse, 30 avril 1848
Disciple du père Enfantin, donc rattaché à l’école socialiste saint-simonienne qui accueille un courant féministe, il parle devant les travailleurs et ajoute : « La République fondée sur la liberté, l’égalité, la fraternité, doit reconnaître désormais au travail des femmes autant et plus de droits que l’ancien régime n’en reconnut autrefois à leur oisiveté féodale. » (…)
« Tremblez tyrans portant culotte !
Femmes, notre jour est venu ;
Point de pitié, mettons en vote
Tous les torts du sexe barbu !
Notre patience est à bout,
Debout, Vénusiennes, debout […]
Refrain
Liberté sur nos fronts verse tes chauds rayons,
Tremblez, tremblez, maris jaloux,
Respect aux cotillons ! »2162Louise de CHAUMONT (XIXe siècle), La Marseillaise des femmes (ou Marseillaise des cotillons), chanson de 1848
Les « Vénusiennes » chantent et défilent, jupes retroussées, corsage en bataille, jeunes ouvrières vivant parfois en communauté à la mode saint-simonienne. La Marseillaise, parmi tous les chants de l’histoire de France, est le plus constamment repris, parodié, récupéré, exploité en d’innombrables versions. C’est la rançon du succès, disons même de la gloire.
« L’Assemblée nationale […] déclare, au nom du peuple français, à la face du monde entier, que la République proclamée le 24 février 1848, est et restera la forme du Gouvernement de la France. »2163
Assemblée constituante, Proclamation du 4 mai 1848
La nouvelle assemblée élue au suffrage universel le 23 avril ne siégera qu’un an (…) Elle proclame la République (déjà proclamée le 24 février, mais sous réserve de ratification par le peuple). Puis elle désigne, pour succéder au gouvernement provisoire, une Commission exécutive de cinq membres. On retrouve Lamartine, Arago, Garnier-Pagès, Ledru-Rollin et Marie. Les socialistes avec Louis Blanc sont éliminés : choix logique des républicains modérés qui ont la majorité (…)
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