« Car je suis né et été nourri jeune au jardin de France : c’est Touraine. »
(vers 1494-1553), Pantagruel (1532)
Moine médecin, né près de Chinon et lancé en littérature par ce personnage de géant (fils de Gargantua) qu’il a créé. Paris reste capitale de la France, mais les Valois au pouvoir fuient ses violences révolutionnaires et vont en Val de Loire construire leurs châteaux : Amboise, Blois, Chambord, Chenonceau. Là se situe la vie culturelle, galante et bien souvent politique de la France : Léonard de Vinci le prestigieux invité finira sa vie près d’Amboise, les États généraux se tiennent à Blois, à Tours. Et ce qui deviendra au XVIe siècle la langue nationale est le français parlé en Touraine, réputé le plus pur.
« Je prouverai […] que notre langue vulgaire n’est pas si vile, si inepte, si indigente et à mépriser qu’ils l’estiment. »
François RABELAIS (vers 1494-1553), Le Cinquième Livre, prologue (posthume)
Rabelais se bat de son côté avec sa langue, bien à lui et bien française. Il s’adresse ici aux « rapetasseurs de vieilles ferrailles latines, revendeurs de vieux mots latins, tous moisis et incertains ».
« Nos lois sont comme toiles d’araignes […] les petits moucherons et petits papillons y sont pris […] les gros taons les rompent […] et passent à travers. »
François RABELAIS (vers 1494-1553), Le Cinquième livre (posthume)
Jusqu’à la Révolution, l’idée revient souvent de cette inégalité devant la loi des Français, qui ne sont pas encore citoyens. La France, de par la volonté de ses rois, devient pourtant « pays des lois » : la justice royale s’enrichit de deux nouveaux Parlements sous François Ier et Henri II (Normandie et Bretagne) ; la frontière se précise entre juridictions civiles et ecclésiastiques (ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539) ; Henri III réalise une importante oeuvre de codification (Grande ordonnance de Blois de 1579 et Code Henri III de 1587).
Il y a parfois un abîme entre les principes et la pratique, mais les procès de Grands du royaume, suivis de condamnations exemplaires (parfois à mort) montrent que les « gros taons » peuvent être pris : connétable (chef de l’armée), surintendant des Finances, amiral, et même chancelier (chef de la justice). Dans ces affaires, les Bourbon, Semblançay, Chabot et autres Poyet se retrouvent parfois victimes de l’autoritarisme royal qui s’affirme sous la Renaissance.
« Guerre faite sans bonne provision d’argent n’a qu’un soupirail de vigueur. Les nerfs des batailles sont les pécunes. »
François RABELAIS (vers 1494-1553), Gargantua (1534)
Moine et médecin, Rabelais a créé le géant Pantagruel, et deux ans plus tard, Gargantua, son géant de père. Des cinq livres de son oeuvre, c’est le plus polémique : il aborde des questions sérieuses, comme la guerre. Il ridiculise le roi Picrochole, sa folie ambitieuse qui le pousse aux guerres de conquête (Charles Quint est visé), et l’oppose au bon roi Grandgousier, pacifique et prudent, conscient de ses devoirs vis-à-vis de ses sujets et animé d’une vraie fraternité chrétienne. Mais pour mener cette politique, il faut être fort, donc disposer d’une armée permanente – allusion à la politique militaire de François Ier.
On note au passage l’origine de l’expression « nerf de la guerre » – ou sa réapparition, Thucydide en ayant usé, dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse, au Ve siècle avant J.-C. La métaphore va faire fortune dans l’histoire : les guerres sans fin recommencées sont ruineuses. Le XVIe siècle bat néanmoins le record historique de quatre-vingt cinq années de guerre en Europe, avec des effectifs croissants et des armes toujours perfectionnées.
« L’appétit vient en mangeant, disait Angest on Mans, la soif s’en va en buvant. »
François RABELAIS (vers 1494-1553), Gargantua (1534)
Outre la guerre et l’éducation, la religion est l’une des graves questions traitées dans ce livre. Rabelais, moine cordelier, puis bénédictin, curieux de tout, passionné de grec et de latin, bien que prônant l’usage du français, est pour la nouvelle doctrine évangélique, avec les humanistes du Collège royal et contre la Sorbonne – qui en 1523 lui confisqua ses livres de grec, interdiction étant faite d’étudier l’Écriture sainte dans les textes originaux.
Rabelais parle ici de Jérôme de Hangest, évêque du Mans (mort en 1538) et gardien de l’orthodoxie. Les mauvaises moeurs dans l’Église sont l’une des raisons de la Réforme. Le sérieux Calvin lui-même les dénonce en s’adressant au roi, en 1536 : « Contemplez d’autre part nos adversaires […] Leur ventre leur est pour dieu, la cuisine pour religion. » Mais Rabelais comme Calvin et leurs amis « hérétiques » vont devoir quitter Paris après une nouvelle provocation.
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