« Ce n’est point pour lui-même que les dieux l’ont fait roi : il ne l’est que pour être l’homme des peuples : c’est aux peuples qu’il doit tout son temps, tous ses soins, toute son affection ; et il n’est digne de la royauté qu’autant qu’il s’oublie lui-même pour se sacrifier au bien public. »
(1651-1715), Les Aventures de Télémaque (1699)
Précepteur du duc de Bourgogne pour lequel il compose cette œuvre édifiante, ce théologien, devenu archevêque de Cambrai, apporte ici plus qu’une nuance à la notion de monarchie absolue. Ses vues politiques hardies vont déplaire à Louis XIV, mais représentent un courant d’opinion et d’opposition qui se dessine dans la seconde partie du règne, avec les ducs de Saint-Simon, Beauvillier, Chevreuse.
Fénelon précise à propos du roi : « Il peut tout sur les peuples ; mais les lois peuvent tout sur lui. Il a une puissance absolue pour faire le bien et les mains liées dès qu’il veut faire le mal. »
« Les princes ont un pouvoir infini sur ceux qui les approchent ; et ceux qui les approchent ont une faiblesse infinie en les approchant. »
FÉNELON (1651-1715), Examen de conscience sur les devoirs de la royauté
Fénelon annonce parfois les philosophes du XVIIIe siècle. Mais Louis XIV, bien plus que Louis XV après lui, a une conscience aiguë des droits, devoirs et exigences de son métier de roi, ce qui est une façon personnelle de limiter son pouvoir.
« À force de vouloir paraître grand, vous avez failli ruiner votre propre grandeur. »
FÉNELON (1651-1715), Les Aventures de Télémaque (1699)
Cette phrase de Mentor à Idoménée, c’est en fait Fénelon s’adressant à Louis XIV, dans cette oeuvre rédigée en 1695. Ce jugement sévère, malgré l’effet de style et la métaphore mythologique, s’applique bien à cette année 1683, tournant du règne.
Un excès de confiance en soi fait perdre au roi sa prudence et son sens inné de la mesure. Les ambitions territoriales et les continuelles provocations de Louis XIV (encouragé par Louvois) auront bientôt pour conséquence de coaliser au sein de la ligue d’Augsbourg toute l’Europe (sauf la Suisse) contre la France. Déjà les « réunions » ont révolté bien des populations, depuis 1681 : voulant renforcer stratégiquement les frontières du royaume, Louis XIV se sert de l’imprécision juridique des traités pour annexer les « dépendances » des villes conquises. Stupeur, puis fureur des souverains concernés : roi d’Espagne, roi de Suède, empereur d’Allemagne.
« Il faut être toujours prêt à faire la guerre, pour n’être jamais réduit au malheur de la faire. »
FÉNELON (1651-1715), Les Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse (1699)
Ce traité d’éducation paraît quand Fénelon a fini son rôle de précepteur auprès de Louis de France, duc de Bourgogne et fils du Grand Dauphin.
Mme de Maintenon l’a recommandé au roi, quand il était son conseiller spirituel. Il s’applique à insuffler au petit-fils de Louis XIV, enfant de 7 ans, toutes les vertus d’un prince et d’un chrétien. Mission accomplie, Fénelon est nommé archevêque de Cambrai.
Mais la disgrâce est proche. Il déplaît au tout-puissant Bossuet, sur une question théologique brûlante – le quiétisme. Ensuite, et contre sa volonté, des copies du Télémaque circulent, avant une publication d’abord anonyme. La critique du règne autoritaire et belliciste frappe l’opinion. Ces vues politiques hardies vont déplaire au roi et achever de discréditer Fénelon à ses yeux. Exilé dans son diocèse, l’archevêque de Cambrai prêche et pratique si généreusement la charité qu’il se ruinera pour les pauvres.
À la mort du duc de Bourgogne (1712), Louis XIV fait brûler tous ses écrits trouvés dans les papiers du prince. Mais le Télémaque sera l’un des livres les plus lus par les jeunes, jusqu’au XXe siècle. De nombreuses citations de Fénelon annoncent le siècle des Lumières.
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