Revenu au pouvoir dix ans plus tôt pour régler le drame algérien et en finir avec la guerre d’Algérie, de Gaulle va devoir gérer Mai 68, révolte étudiante. Le président n’est pas l’homme de la situation, ni par son caractère, ni par son âge - 78 ans. S’ensuit un gigantesque happening, à la fois folklorique et historique. Suspense jusqu’à l’épilogue - en fait, il y en aura trois, en deux ans.
« La récréation est finie. »3056
(1890-1970), Orly, samedi 18 mai 1968
Mai 68 et la question de la révolution (1988), Pierre Hempel.
Le président n’avait pas décommandé son voyage, refusant que des querelles internes passent avant ses engagements internationaux. C’était sous-estimer l’importance des événements. En moins d’une semaine, ouvriers en grève, usines et locaux occupés, directeurs et cadres séquestrés, d’abord à Sud-Aviation (Nantes).
Le 13 mai, la « prise de l’Odéon » est un coup de génie médiatique. La grève « officielle » (organisée par les syndicats) touche une des usines Renault : « Billancourt est occupé ! » Les étudiants se précipitent pour fraterniser. La radio annonce 70 000 grévistes. Ils seront 300 000 le lendemain 17 mai. La France débraie.
Débarquant d’avion, retour de Roumanie avec 12 heures d’avance, de Gaulle qui siffle la fin de la récré ajoute : « Ces jeunes gens sont pleins de vitalité. Envoyez-les donc construire des routes. »
L’humour n’est pas feint, mais la réponse est inappropriée. Son Premier ministre en place, Georges Pompidou qui fut professeur avant de s’engager en politique, est plus proche de cette jeunesse : « C’est qu’il ne s’agit pas simplement de réformer l’Université… » Il évitera le pire, dans une situation explosive.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« La réforme, oui, la chienlit, non. »3057
Charles de GAULLE, Bureau de l’Élysée, dimanche matin, 19 mai 1968
Le président de la République réunit les responsables de l’ordre qui n’existe plus, demande le nettoyage immédiat de la Sorbonne et de l’Odéon (occupés), au risque de déclencher un engrenage de violences. Ses interlocuteurs à l’Élysée obtiennent un sursis d’exécution, pour éviter l’irréparable. Le mot redevenu à la mode revient comme un boomerang.
La chienlit, c’est lui.3058
Slogan sous une marionnette en habit de général aux Beaux-Arts, 20 mai 1968
La chienlit ? Ce sont surtout 6 à 10 millions de grévistes. Et tout ce qui s’ensuit : usines occupées, essence rationnée, centres postaux bloqués, banques fermées. Les ménagères stockent. Les cafés sont pleins. La parole se déchaîne jusque dans les églises. La moindre petite ville a son mini-Odéon et sa micro-Sorbonne.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.