La Restauration court à sa fin, vite et visiblement. L’opposition incarnée par Chateaubriand ou Talleyrand a beau jeu de commenter les événements avec esprit. Le roi lui-même, qui voit venir le pire, garde son humour contre son successeur de frère. L’Histoire en citations profite de cette aubaine politique.
« Le pied lui a glissé dans le sang. »1978
Causeries du lundi, volume II (1858), Charles-Augustin Sainte-Beuve.
Cet humour noir vise très injustement le ministre et favori de Louis XVIII. Sainte-Beuve, s’exprimant à la fois comme historien et critique littéraire, d’ajouter aussitôt : « Cette parole contre un homme aussi modéré que M. Decazes a pu paraître atroce. Sachons pourtant qu’avec les écrivains, il faut faire toujours la part de la phrase. »
Rappelons les faits. 13 février 1820, à l’entrée de l’Opéra (rue de la Loi). Louvel, ouvrier cordonnier et fervent républicain a poignardé le duc de Berry, fils du futur Charles X et chef des ultras, seul membre de la famille royale pouvant donner un héritier à la dynastie (en mourant, le duc révèle que sa femme est enceinte – ce sera « l’enfant du miracle »).
La droite se déchaîne : « Monsieur Decazes, c’est vous qui avez tué le duc de Berry. Pleurez des larmes de sang. Obtenez que le Ciel vous pardonne, la patrie ne vous pardonnera pas ! » Louis XVIII soutient son ministre qui devra quand même démissionner le 20 février, sous la pression des ultras.
Chateaubriand se situe (pour l’heure) dans ce camp et renchérit : « Ceux qui ont assassiné Monseigneur le duc de Berry sont ceux qui, depuis quatre ans, établissent dans la monarchie des lois démocratiques, ceux qui ont laissé prêcher dans les journaux la souveraineté du peuple, l’insurrection et le meurtre. »
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Le règne du roi est fini, celui de son successeur commence. »1979
Duc de BROGLIE, après la chute du ministère Decazes, fin février 1820
Constitutionnel modéré, il a compris : c’en est fini de la période libérale voulue par Louis XVIII, les ultras vont avoir le pouvoir, avec à leur tête le futur Charles X. Le duc de Richelieu, rappelé à la présidence du Conseil par le roi, prend trois ultras dans son cabinet et tente une réaction modérée face à l’opposition libérale. Trop modérée, au goût des ultras.
« Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, c’est tout le monde. »1985
TALLEYRAND, défendant la liberté de la presse contre la censure, 24 juin 1821
Il a perdu presque tout pouvoir politique après 1815. On le retrouve membre de la Chambre des pairs, dans le camp de l’opposition libérale au régime. La liberté est bien malade et la presse aussi, avec les ultras au pouvoir. Beaucoup de journaux vont disparaître.
« Que voulez-vous ? Il a conspiré contre Louis XVI, il a conspiré contre moi, il conspirera contre lui-même. »1986
LOUIS XVIII, parlant de son frère au duc de Richelieu, 12 décembre 1821
Richelieu, chef du gouvernement, est menacé par les ultras. Il est allé rappeler au comte d’Artois sa promesse d’aider Louis XVIII. En vain. Il fait part de sa déconvenue au roi, qui lui fait cette réplique. Toujours cet humour royal et sa cible préférée, le futur Charles X aussi dépourvu d’humour que d’intelligence. Mais il a le physique de l’emploi, royal.
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