Trois grands professionnels de l’humour morts prématurément : Coluche, Desproges, Le Luron. Ils entrent dans le jeu politique et s’engagent plus ou moins directement, sinon « sérieusement ».
Rappelons-nous ces bons moments en un jour et trois citations.
« Jusqu’à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ! »3196
(1944-1986), slogan du candidat à l’élection présidentielle de 1981
Dictionnaire des provocateurs (2010), Thierry Ardisson, Cyril Drouhet, Joseph Vebret.
30 octobre 1980, il convoque la presse en son théâtre du Gymnase, pour une déclaration de candidature fidèle à son image : « J’appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter pour moi, à s’inscrire dans leurs mairies et à colporter la nouvelle. Tous ensemble pour leur foutre au cul avec Coluche. Le seul candidat qui n’a aucune raison de vous mentir ! » Qui oserait ça, aujourd’hui ?
Pour le prix de l’humour politique, Coluche joue hors concours et gagne à tout coup : « Je ferai remarquer aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n’est pas moi qui ai commencé. » Et paraphrasant la blague communiste sur le communisme : « La dictature, c’est « ferme ta gueule » et la démocratie c’est « cause toujours ». »
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Premièrement, peut-on rire de tout ?
À la première question, je répondrai oui sans hésiter […]
Deuxièmement, peut-on rire avec tout le monde ?
C’est dur. »3232Pierre DESPROGES, réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen, 28 septembre 1982. Les Réquisitoires du Tribunal des Flagrants Délires
Cette émission quotidienne s’inscrit dans la tradition des tribunaux comiques. Le juge, Claude Villers, présente le prévenu (c’est-à-dire l’invité) et l’interroge. L’avocat, Luis Rego, le défend à sa manière. Entre les deux, le procureur, Pierre Desproges, se lance dans un réquisitoire qui tourne souvent au morceau de bravoure. Face à Le Pen présent sur le plateau (et filmé), Desproges s’est surpassé : « Françaises, Français, Belges, Belges, Extrémistes, Extrémistes, Mon président français de souche, Mon émigré préféré, Mesdames et Messieurs les jurés, Mademoiselle Le Pen, Mademoiselle Le Pen, Madame Le Pen, Public chéri, mon amour… »
Il aligne tous les clichés les plus bêtes et méchants qu’il a pu entendre ou imaginer contre les arabes et les juifs. Tous les réseaux sociaux s’en font aujourd’hui encore l’écho, images et sons. Le plus étonnant, c’est qu’à cette date, Le Pen est au tout début de sa carrière : très jeune député (élu à 27 ans), décoré de la Croix de la valeur militaire, il préside le Front national depuis 1972, mais le score aux élections est quasi nul (jusqu’en 1983), les dérapages verbaux sont rares et peu remarqués. Et pourtant, Desproges a flairé le péril frontiste !
On résume sa pensée par une citation inexacte : « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde » ou « … pas avec n’importe qui ». En tout cas, c’est bien au Le Pen des décennies à venir qu’il pensait.
« L’emmerdant, c’est la rose. »3251
Thierry LE LURON, en direct sur le plateau de « Champs-Élysées », 10 novembre 1984, chanson
Parodie de Gilbert Bécaud : « L’important, c’est la rose » - la rose dressée dans un poing serré demeure l’emblème du PS. Connu pour ses imitations de Giscard en sketchs avec la complicité de Bernard Mabille, Le Luron se lance en solo dans un pastiche cruellement « rewrité ». Il dédie sa chanson au président Mitterrand : devant des millions de téléspectateurs et Michel Drucker, présentateur-producteur qui a tremblé pour son avenir sur la chaîne publique.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.