L’épilogue se joue au XXe siècle, après deux guerres mondiales et des millions de morts, civils et militaires. Les derniers condamnés et exécutés sont majoritairement des « politiques », à l’heure de la Libération et de l’épuration. Quelques « droit commun » relèvent de la catégorie des faits divers - assassins d’enfant. En 1981, Mitterrand impose l’abolition à l’opinion publique. Rappelons que la France, patrie des droits de l’homme, est le dernier pays d’Europe occidentale à avoir aboli la peine de mort.
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« Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité. »2821
(1890-1970), refusant la grâce de Robert Brasillach
Mémoires de Guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 (1959), Charles de Gaulle.
À la Liberation, sur 2 071 recours présentés, de Gaulle en acceptera 1 303. Condamné à mort pour intelligence avec les Allemands, Brasillach est fusillé le 6 février 1945. Ses convictions hitlériennes ne font aucun doute et son journal (Je suis partout) en témoigne abondamment. Le procès est bâclé, de nombreux confrères tentent de le sauver. Mais le PC voulait la tête de l’homme responsable de la mort de nombreux camarades et de Gaulle ne lui pardonnait pas celle de Georges Mandel, résistant exécuté par la Milice, après les appels au meurtre signés, entre autres, par Brasillach.
« Et ceux que l’on mène au poteau / Dans le petit matin glacé,
Au front la pâleur des cachots, / Au cœur le dernier chant d’Orphée,
Tu leur tends la main sans un mot, / O mon frère au col dégrafé. »2822Robert BRASILLACH (1909-1945), Poèmes de Fresnes, Chant pour André Chénier
Référence à Chénier, poète exécuté sous la Révolution, à la fin de la Terreur, presque au même âge. Jean Luchaire (journaliste, directeur des Nouveaux Temps) et Jean Hérold-Paquis (de Radio-Paris) subiront le même sort, parmi quelque 3 000 condamnés.
« La haine est un devoir national. »2820
Florimond BONTE (1890-1977), titre d’un article dans L’Humanité, 11 janvier 1945
Les communistes se distinguèrent en cela. Quand la justice disait « non coupable », L’Humanité titrait : « Le collabo X est acquitté. » À la Libération, les règlements de comptes prennent bien des formes, de la nationalisation sanction des usines Renault à l’indignité nationale, qui frappe près de 50 000 personnes de 1944 à 1951. L’épuration sauvage frappe aussi : 9 000 exécutions sommaires, mais des chiffres dix fois supérieurs seront avancés.
Pour l’épuration judiciaire, on crée des cours de justice spéciales. Un an après la Libération, le garde des Sceaux présente un premier bilan : 5 000 condamnations à mort, 11 000 aux travaux forcés, 19 000 à la réclusion ou à la prison. Une Haute Cour de justice traite des cas majeurs : Pétain (condamné à mort, peine commuée par de Gaulle en détention perpétuelle, mort à l’île d’Yeu en 1951, à 95 ans), Laval (condamné à mort, ranimé après sa tentative de suicide, et avant le peloton d’exécution).
« Aujourd’hui ou demain, envers et contre tous, le traître de Gaulle sera abattu comme un chien enragé. »3010
Tract CNR (Conseil national de la résistance, recréé par l’OAS) reçu par tous les députés, après l’attentat du Petit-Clamart, août 1962
C’est une retombée de la guerre d’Algérie. De Gaulle échappe par miracle à l’attentat, le soir du 22 août, au carrefour du Petit-Clamart, près de l’aéroport militaire de Villacoublay. Sa DS 19 est criblée de 150 balles et seul le sang-froid du chauffeur, accélérant malgré les pneus crevés, a sauvé la vie au général et à Mme de Gaulle. Condamné à mort par la Cour militaire de justice, le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, chef du commando et partisan de l’Algérie française, est fusillé le 11 mars 1963 – dernier cas en France.
« La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêvé de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution. »3217
Robert BADINTER (né en 1928), garde des Sceaux, citant mot pour mot Jean JAURÈS (1859-1914), et plaidant pour l’abolition, Assemblée nationale, 17 septembre 1981
La peine de mort n’était pratiquement plus appliquée en France, mais le symbole est très fort. Allant à l’encontre de l’opinion publique, l’abolition est la 17e des « 110 propositions pour la France » du candidat Mitterrand, et Badinter, l’avocat des grandes causes : « Je regarde la marche de la France. La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire […] La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l’esclavage, ce crime qui déshonore encore l’humanité. Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d’efforts courageux, l’un des derniers pays, presque le dernier en Europe occidentale dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort. Pourquoi ce retard ? »
L’Assemblée vote massivement l’abolition le 18 septembre : 363 pour, 127 contre, certains députés de l’opposition se joignant à la majorité. Au Sénat : 160 pour, 126 contre. Le 9 octobre 1981, la peine de mort est abolie par la loi. Jacques Chirac, président, donnera en 2007 valeur constitutionnelle à l’abolition de la peine de mort.
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