Née au milieu des épreuves (guerre et Commune), la Troisième République affronte des temps difficiles et des problèmes récurrents (jusqu’en 1914) : perte de l’Alsace-Lorraine et plus présente encore, la question religieuse.
Gambetta sait être aussi discret et prudent sur le premier cas, que véhément et violent sur la seconde cause.
« Pensons-y toujours, n’en parlons jamais. »2419
(1838-1882), Discours de Saint-Quentin, 16 novembre 1871
Pages d’histoire, 1914-1918, Le Retour de l’Alsace-Lorraine à la France (1917), Henri Welschinger.
Silence forcé de la France ; silence, encore plus forcé, de l’Alsace.
Gambetta, comme tous les Français, pense aux deux provinces sœurs et devenues étrangères, l’Alsace et la Lorraine. Charles Maurras traduira à sa façon l’unanimité nationale autour du culte de l’Alsace-Lorraine en parlant de « la Revanche reine de France ». Paul Déroulède, créant la Ligue des patriotes en 1882, incarnera un patriotisme nationaliste et revanchard qui fera beaucoup de bruit et déchaînera bien des fureurs, jusqu’à la prochaine guerre.
Mais les milieux gouvernementaux font preuve d’une grande réserve, sachant la France trop isolée pour mettre la revanche dans les faits. Il faudra beaucoup de temps et d’efforts pour se dresser devant l’Allemagne unie, avec à sa tête Guillaume Ier, vainqueur et proclamé empereur du nouveau Reich, Bismarck devenant chancelier (équivalent de Premier ministre) de cette nouvelle puissance européenne.
« La France est-elle réduite à n’être que le dernier boulevard de la politique des jésuites ? »2416
Léon GAMBETTA (1838-1882), Chambre des députés, été 1871
Plus que jamais ardent républicain, il apostrophe les monarchistes majoritaires à l’Assemblée, qui veulent aller rétablir le pouvoir temporel du pape à Rome ! L’expédition n’aura pas lieu.
« Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi. »2450
Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours sur les menées ultramontaines, Chambre des députés, 4 mai 1877
La question religieuse prend des proportions démesurées, sous la Troisième. On pourrait presque parler de guerre civile. Gambetta se fait soldat laïc et plus que jamais ré-pu-bli-cain.
« Vous êtes le gouvernement des prêtres et le ministre des curés. »2451
Léon GAMBETTA (1838-1882), au ministre de l’Intérieur Fourtou, mi-juin 1877
Fourtou a pour mission d’empêcher le retour en force des républicains à l’Assemblée. La coalition monarchiste et conservatrice caresse à nouveau la France « à rebrousse-poil ». C’est la crise la plus grave depuis la Commune : le sort du régime républicain est en jeu !
« L’ordre moral atteint au délire de la stupidité. »2452
Gustave FLAUBERT (1821-1880). Campagne électorale, été 1877
Le président Mac-Mahon prend parti. Fervent catholique, très maréchal à la tête de ses troupes, il lance dans la bataille les fonctionnaires et le clergé. Les républicains font bloc, avec deux têtes d’affiche : le toujours jeune Gambetta (40 ans) et le déjà vieux Thiers (80 ans) qui se verrait bien succéder à Mac-Mahon.
« Nous avons dit : le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Il appartient au suffrage universel de répondre, en appelant le monde à contempler son ouvrage : le cléricalisme, voilà le vaincu. »2457
Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours du 9 octobre 1877
La formule fait mouche et Gambetta, en bon avocat, la replace au fil de ses nombreux discours. Il va gagner son pari républicain contre Mac-Mahon et remporter ces élections, capitales pour l’avenir du régime. Bien joué !
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