Gobineau : « La République, en France, a ceci de particulier que personne n'en veut et que tout le monde y tient. »

Présidence de la République. Petite histoire de l’institution et des stratégies électorales.

1er jour : Troisième République. Ses premières années expliquent toute la suite de l’Histoire… en quatre citations ! Il faut choisir : régime présidentiel avec pouvoir à l’exécutif ou régime parlementaire avec un président faible.

Encore faut-il que la France soit (réellement et constitutionnellement) une République.

« La République, en France, a ceci de particulier que personne n’en veut et que tout le monde y tient. »2388

Comte de GOBINEAU (1816-1882), La Troisième République française et ce qu’elle vaut (1873)

La Première République (sous la Révolution) a débouché sur le Premier Empire de Napoléon, avec un coup d’État plébiscité par le peuple. Même destin de la Deuxième République qui se termine par le Second Empire de Napoléon III. La troisième fois sera la bonne, mais cette Troisième République peine à s’installer. Gobineau, écrivain et diplomate, exprime parfaitement la situation. Le pays est à l’image de l’Assemblée nationale, en majorité monarchiste : 400 royalistes, 250 républicains modérés et radicaux (extrême gauche), 80 « centristes », 15 bonapartistes.

Il n’existe pas de grande nation républicaine dans l’Europe de l’époque et en France, la République fait peur : la Révolution de 1789 engendra la Terreur, la Deuxième République mena aux désordres sanglants dès 1848. La Commune de Paris en 1871 a encore gauchi l’idée qu’on se fait du républicain.

La République entre dans les textes, sinon dans les cœurs, avec Thiers, républicain de toujours (quarante ans de carrière politique) et chef du gouvernement, qui obtient le titre de président de la République (loi Rivet, août 1871). Deux ans après, l’Assemblée, toujours monarchiste, le remplace par le maréchal Mac-Mahon qui promet de rétablir la monarchie, mais le candidat légitimiste est vraiment trop royaliste, avec son drapeau blanc.     

Deux ans plus tard, la République s’installe constitutionnellement, quoique discrètement, avec l’amendement Wallon, qui passe à une voix près (353 pour, contre 352) !

Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.

« Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. »2443

Henri WALLON, amendement du 30 janvier 1875

Député catholique tolérant, promu Père de la République : « Un homme dont l’aspect vaudrait un passeport pour le gendarme le plus soupçonneux. L’amour de l’ordre est inscrit sur son front en rides majuscules », ironise Pelletan, député radical.

« Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, […] il faudra se soumettre ou se démettre. »2453

GAMBETTA, Discours de Lille, 15 août 1877

Mac-Mahon a déclenché une crise institutionnelle : renvoi du président du Conseil, dissolution de l’Assemblée. Le président veut un régime présidentiel. Mais il va se soumettre à la voix du peuple (devenu républicain), puis se démettre. La République sera désormais parlementaire - jusqu’à la Cinquième.

« Votons pour Carnot, c’est le plus bête, mais il porte un nom républicain ! »2491

CLEMENCEAU, fin 1887, parlant de Sadi Carnot, petit-fils du « Grand Carnot », et lui-même polytechnicien, ingénieur des ponts et chaussées, préfet, puis député républicain et ministre

« Bête » n’est pas le mot, mais « le Tigre » a la dent dure et Mauriac expliquera : « Je vote pour le plus bête, la boutade de Clemenceau, n’est cruelle qu’en apparence. Elle signifiait : Je vote pour le plus inoffensif. »