Première Guerre mondiale. L’humour de guerre dans tous ses états est porté au maximum, sur le terrain politique, patriotique, militaire, littéraire, chanté, journalistique, alors que la tragédie bat tous les records : 20 millions de morts en quatre ans. Clemenceau « assure », plus que jamais présent, parlant et agissant, mais des auteurs se distinguent à leur manière.
« Ah Dieu ! que la guerre est jolie Avec ses chants, ses longs loisirs. »2574
(1880-1918), Calligrammes, « L’Adieu du cavalier » (1918)
Le poète s’engage en décembre 1914. Blessé d’un éclat d’obus à la tempe le 17 mars 1916 en contrebas du Chemin des Dames, évacué, trépané, il ira d’hôpital en hôpital, continuant d’écrire, immortalisé par son ami Picasso dans le portrait de l’homme à la tête bandée. Il meurt deux jours avant la fin de la guerre, le 9 novembre 1918, affaibli par les suites de sa blessure et victime de la grippe espagnole - pandémie comparée à la peste noire au Moyen Âge et au SIDA à la fin du XXe siècle, quelque 50 millions de morts.
Un mois avant, il en plaisante : « Alphonse XIII a la grippe espagnole. La nouvelle ne nous étonne qu’à moitié : un bon roi doit avoir à cœur de n’user que des produits nationaux. »
« Ah Dieu ! que la guerre est jolie… » Le vers le plus célèbre de cet écrivain combattant est aussi le plus incompris. Personnage complexe, cet aristocrate russe d’origine polonaise (Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky) a voulu s’engager dans la Légion étrangère, avant d’être affecté comme canonnier-conducteur au 38e Régiment d’artillerie de campagne de Nîmes, pour bouter les « Boches » hors de France et satisfaire un orgueil viril. Il a trouvé des « moments de bonheur véritable, même sur la ligne de feu », mais également détesté cette guerre vécue avec les poilus dans les tranchées : « Si tu voyais ce pays, ces trous à hommes, partout, partout ! On en a la nausée, les boyaux, les trous d’obus, les débris de projectiles et les cimetières. »
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Que ceux déjà qui m’en veulent se représentent ce que fut la guerre pour tant de très jeunes garçons : quatre ans de grandes vacances. »2573
Raymond RADIGUET, Le Diable au corps (1923)
L’auteur meurt à 20 ans, l’année de la publication du roman. Récit d’une passion d’adolescent sur fond de guerre : le héros est l’amant d’une très jeune femme dont le mari se bat au front. Scandale, surtout pour cette raison, et grand succès. Cocteau a rencontré Radiguet lors d’un hommage à Guillaume Apollinaire, il tombe amoureux fou du poète de 15 ans et s’impose en Pygmalion.
« Pourvu que les civils tiennent ! »2572
Jean-Louis FORAIN, légende d’une caricature
Propos souvent répété pendant la guerre de 1914-1918 : ironie, certes, mais dans un pays en guerre, le moral de l’arrière est aussi important que celui du front. Il passe du meilleur au pire (en 1917), avant de se ressaisir. Presque tous les pays vivent à peu près en même temps cette évolution. Au total, 10 millions de civils périront plus ou moins directement de cette guerre.
« J’admire les poilus de la Grande Guerre et je leur en veux un petit peu. Car ils m’eussent, si c’était possible, réconcilié avec les hommes, en me donnant de l’humanité une idée meilleure… donc fausse ! »2577
Georges COURTELINE, La Philosophie de Georges Courteline (1929)
Spécialiste du comique troupier le plus applaudi par la génération d’avant 1914. Inspiré par son service militaire (en 1879) au 13e régiment de Chasseurs à Bar-le-Duc, il a ciblé les militaires, capitaine Hurluret et sergent Flick, des Gaietés de l’escadron (1886) au Train de 8 h 47 (1891). Le « poilu » qui a finalement désarmé Courteline est synonyme de brave soldat, les poils étant associés à l’idée de virilité.
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