Petite histoire de la justice : 2e épisode. Justice et monarchie française. Un équilibre délicat à trouver.
Il faut que le roi ait un vrai pouvoir pour faire régner la justice et respecter les lois, mais si le roi a tout pouvoir, l’arbitraire menace. C’est le dilemme non résolu de la monarchie absolue, au siècle de Louis XIV.
« Les gens de justice sont mon bras droit, mais si la gangrène se met au bras droit, il faut que le gauche le coupe. »646
(1553-1610), Déclaration au Parlement, 7 février 1599
Lettres intimes de Henri IV (1885), Henri IV.
Le pouvoir du roi doit s’affirmer face à tous les corps intermédiaires : cours souveraines, états provinciaux, collèges d’officiers, assemblées d’ordres.
Avec les Parlements, Henri IV se montre tour à tour bonhomme et menaçant : « J’ai autrefois fait le soldat ; on en a parlé, et n’en ai pas fait semblant. Je suis Roi maintenant et parle en Roi. Je veux être obéi. À la vérité, les gens de justice sont mon bras droit, mais… » En fait, le roi respectera les institutions (sauf rares exceptions), mais les videra de leur signification.
Notons au passage le langage toujours imagé et incarné de ce grand roi de France qui préfigure l’époque de la monarchie absolue… sans en avoir encore les excès.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« On a raison de dire qu’il n’y a point d’innocence assurée en un temps où on veut faire des coupables. »673
Commentant la mort de la Galigaï (femme du favori Concini assassiné par ordre du jeune roi), jugée, suppliciée comme sorcière le 8 juillet 1617 et décapitée.
« Qui a la force a souvent la raison, en matière d’État. »685
RICHELIEU, Testament politique
Principal ministre de Louis XIII, il « invente » la raison d’État et la justifie : le pouvoir monarchique vient de Dieu et la puissance du pays n’existe que par ce pouvoir. Le roi doit donc se faire obéir à l’intérieur et craindre à l’extérieur.
« Je dois la justice à mes sujets, et en cet endroit je dois préférer la justice à la miséricorde. »694
LOUIS XIII à la femme du baron de Guémadeuc
Défiant l’édit royal, Guémadeuc a tué son adversaire en duel. Louis XIII le fait comparaître devant un tribunal qui le condamne à mort. Il est décapité en 1627.
« [Louis XIV] est Dieu, il faut attendre sa volonté avec soumission, et tout espérer de sa justice et de sa bonté, sans impatience, afin d’en avoir plus de mérite. »831
Duchesse de MONTPENSIER
Rescapée de la Fronde et de l’exil qui s’ensuit, la Grande Mademoiselle souffre de voir la noblesse impuissante et humiliée, sous Louis XIV. C’est la monarchie absolue.
« Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »842LA FONTAINE, Les Animaux malades de la peste (1678)
Se servant « d’animaux pour instruire les hommes », il fait une satire de son époque - comme Molière et La Bruyère. Ici, il met en cause la justice.
« Si j’étais accusé d’avoir volé les tours de Notre-Dame, je commencerais par m’enfuir. »843
Appréciation sur la justice attribuée à divers hauts magistrats à la fin du XVIIe siècle
La monarchie absolue va de pair avec un certain arbitraire. L’autorité royale n’intervient qu’en cas d’oppression flagrante.
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