Henri IV et le peuple, c’est aussi un « duo » : dialogue sans formalité, véritable histoire d’amour, faite de raison et de passion, de fraternité humaine, voire de sensualité.
Mais malgré toute la (bonne) volonté du souverain, les gens du peuple, essentiellement paysans (à 90%), souffrent d’une vraie misère, de faim et d’épidémie. Cette condition misérable vaut en France comme partout en Europe, jusqu’au XVIIIe siècle.
« Les rois tenaient à déshonneur de savoir combien valait un écu, et moi, je voudrais savoir ce que vaut un liard, combien de peine ont ces pauvres gens pour l’acquérir, afin qu’ils ne fussent chargés que selon leur portée. »611
(1553-1610)
Histoire de France au dix-septième siècle, Henri IV et Richelieu (1874), Jules Michelet.
Cet intérêt pour les petites gens est une originalité royale - plus encore que le nombre de femmes prêtées à ce riche tempérament ou le folklore guerrier associé à son image de chef en tête de ses troupes !
Matthieu, chroniqueur et historien du XVIIe siècle, qui attribue ces paroles au roi, précise : « Quand il allait par pays, il s’arrêtait pour parler au peuple, s’informait des passants, d’où ils venaient, où ils allaient, quelles denrées ils portaient, quel était le prix de chaque chose ». Ainsi la légende du bon roi Henri a sa part de vérité. Selon Gudin de la Brenellerie, Henri IV est le « seul roi de qui le peuple (pauvre) ait gardé la mémoire. »
« Je veux qu’il n’y ait si pauvre paysan en mon royaume qu’il n’ait tous les dimanches sa poule au pot. »650
HENRI IV (1553-1610)
Histoire du Roy Henry le Grand (1681), Hardouin de Péréfixe
Cet historien (et homme d’Église) lui attribue le mot célèbre. Et la poule au pot fait partie de sa légende, au même titre que son panache blanc pour rallier ses troupes.
Vœu pieux et sûrement sincère, de la part d’un souverain proche de son peuple. Mais malgré les efforts de l’équipe au pouvoir, les petits paysans français, écrasés d’impôts, ruinés par d’interminables guerres, exploités par des usuriers, sont souvent dépossédés de leurs parcelles de terre. Quel que soit le redressement économique du pays, et en dépit de mesures de circonstance prises en cas de misère criante par Sully (surintendant des Finances), leur condition ne s’améliore pas vraiment. Et le temps fait défaut à Henri IV, plus encore que la volonté et les moyens.
« La France et moi avons besoin de reprendre haleine. »642
HENRI IV (1553-1610), 2 mai 1598
Les Grandes Crises de l’histoire de France (1945), Robert Lacour-Gayet
La France est une personne déjà chantée par Ronsard entre autres poètes de la Renaissance, et elle a beaucoup souffert, pendant les guerres de Religion : trente-huit ans de guerres civiles et étrangères.
Heureuse année 1598 : la France est pacifiée ! Après l’édit de Nantes et la paix faite avec les protestants, le roi signe la paix de Vervins avec Philippe II d’Espagne. Notre pays retrouve les frontières du traité de Cateau-Cambrésis qui mit fin aux guerres d’Italie (1559) et gagne en Europe une autorité accrue. Les troupes espagnoles, si souvent alliées aux ligueurs et autres ennemis de la couronne, quittent enfin le territoire.
Paris, reconquis et libéré depuis quatre ans, se reconstruit (Pont-Neuf, place des Vosges), se repeuple et se remet au travail étonnamment vite. Mais le pays est dans un triste état. Et le peuple de France souffre encore et toujours.
« La Ligue nous a réduits non à la pauvreté, mais à la mendicité. »643
Étienne PASQUIER (1529-1615), Les Recherches de la France (1633)
Ce magistrat, historien contemporain, témoigne et juge la Ligue (ultra-catholique, minorité active déjà sous Henri III). Trente-huit années de guerres de Religion doublées de guerres avec l’étranger ont fait des ravages. La misère due à la crise économique s’aggrave avec les épidémies qui déciment les populations (la peste est de retour) et le brigandage qui paralyse le commerce. Soldats et officiers sans plus d’emploi détroussent les voyageurs et les rouliers, tiennent le maquis, défient les troupes royales. On retrouve l’engrenage fatal des pires époques du Moyen Âge (Guerre de Cent-Ans).
« En ce temps, la guerre étant finie entre les hommes, commença celle des loups contre eux. » Pierre de l’Estoile, chroniqueur contemporain, tient son Journal durant les règnes d’Henri III et Henri IV. En juin 1598, autour de Paris et en Normandie, « on oyait parler d’autre chose que femmes, enfants mangés par les loups, pour châtier les péchés des hommes ». Vincent de Paul, futur saint, témoignera un peu plus tard, sous Louis XIII : « Le pauvre peuple des champs meurt de faim et se damne. »
Même le dimanche, la « poule au pot » d’Henri IV n’est pas au menu du peuple.
Henri IV échappe à une série d’attentats. Le dernier lui sera fatal. Il meurt, poignardé par Ravaillac (1610) et entre dans la légende qui va faire de lui le plus populaire des rois de France. Un règne passionnant à retrouver dans le tome 2 des Chroniques de citations historiques (Feuilletez les 20 premières pages de notre livre électronique).
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