Histoire du Travail en citations (du XXe siècle à nos jours) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

1er mai, fête du Travail. Historiquement, aux USA, c’est l’appel de syndicats ouvriers qui revendiquent la journée de huit heures. Anecdotiquement, c’est le premier jour de l’année comptable des entreprises.

En France, c’est le régime de Vichy qui instaure en 1941 un 1er mai férié en tant que « Fête du Travail et de la Concorde sociale », en référence à la devise de Pétain : « Travail, Famille, Patrie ».

2023, la réforme des retraites donne la vedette au travail, vécu comme une corvée avec sa pénibilité tout terrain. Cela renvoie à l’étymologie latine du « tripalium », instrument de torture fait de trois pieux… et à la souffrance, la douleur endurée par une mère lors de l’accouchement.
Une loi sur le travail (but à définir) va bientôt remettre le travail à la une des débats et des médias.

Reste à voir la place du Travail dans l’Histoire. Des origines à nos jours, le mot évolue, le travail évoque les travailleurs, majoritairement paysans, ouvriers, mais aussi les intellectuels, les artistes, le roi lui-même… Les philosophes du XVIIIe dénoncent les injustices, les théories du travail s’en mêlent au XIXe, avec l’apparition du socialisme s’opposant au capitalisme, d’où le droit au travail, le droit du travail, les lois sur le travail, les syndicats, la grève… Révoltes et révolutions tournent encore et toujours autour du travail, du Front populaire de 36 à Mai 68, le féminisme s’en mêle, les partis tentent de suivre…

En deux semaines, tout va être évoqué sous forme de chronique. Une histoire passionnante et pour finir, un florilège étonnant de citations toujours sourcées (mais sans plus de commentaire). Alors, au travail !

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Du XXe siècle à nos jours : le travail en quête d’autres repères, à l’image de la politique et la société.

« La CGT groupe en dehors de toute école politique tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat. »2542

Chartes d’Amiens, votée au congrès fédéral, le 12 juillet 1906. Syndicalisme et politique (1985), René Mouriaux

La Confédération générale du travail ne se borne pas à défendre des intérêts professionnels, elle met en cause la structure et les finalités de la société. Confédération de syndicats constituée à Limoges le 23 septembre 1895, la CGT réalise l’unité du mouvement syndical à Montpellier en 1902 (avec l’entrée de la Fédération des Bourses du travail). Jusqu’à la guerre de 1914, le syndicalisme français se montre d’une grande violence, dominé par les révolutionnaires et les anarcho-syndicalistes.

« [La grève] éduque, elle aguerrit, elle entraîne et elle crée. »2550

Victor GRIFFUELHES (1874-1923), L’Action syndicaliste (1908)

Ancien ouvrier cordonnier, blanquiste, puis militant au sein du mouvement syndicaliste, il est secrétaire général de la CGT de 1902 à 1909, pendant les années chaudes. La charte d’Amiens de juillet 1906 a exalté l’action directe : l’émancipation des travailleurs se fera par un effort des ouvriers eux-mêmes.

1908 est l’année de la plus grave agitation sociale : grèves fréquentes, violentes. En juillet 1908, à Draveil, la répression fait plusieurs morts et des dirigeants de la CGT sont arrêtés. Les affiches du syndicat dénoncent « la Bête rouge de France », « Clemenceau le tueur ». Lui-même, républicain de gauche depuis son entrée en politique au début de la Troisième République, se qualifie sans complexe de « premier flic de France » au poste qu’il occupe : ministre de l’Intérieur (1906-1909).

« C’est par la quantité de travail fourni par l’artiste que l’on mesure la valeur d’une œuvre d’art. »

Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918), Les Peintres cubistes, peintres nouveaux, Picasso (1913)

Vaste question, pas vraiment résolue au XXe siècle sur le marché de l’art qui obéit à la loi de l’offre et de la demande, mais plus encore à la mode, les spéculations, voire les combines de coulisses. « Un Picasso » dépasse en valeur marchande des toiles classiques ayant exigé dix, cent, mille fois plus de « quantité de travail ». Picasso avait sa réponse personnelle et pertinente, à une dame qui lui demandait avec un certain mépris combien de temps il avait pris pour « faire ça » : « Une heure et quarante ans, Madame ! »

Mais c’était Picasso. La même question peut se poser pour d’autres « œuvres » qui échappent aux critères de l’art, si tant est qu’il existe dans tout ce qu’il prétend être.

« Ce ne sont pas des soldats : ce sont des hommes. Ce ne sont pas des aventuriers, des guerriers, faits pour la boucherie humaine […] Ce sont des laboureurs et des ouvriers qu’on reconnaît dans leurs uniformes. Ce sont des civils déracinés. »2576

Henri BARBUSSE (1873-1935), Le Feu, journal d’une escouade (1916)

Première Guerre mondiale. Engagé volontaire, son témoignage sur la vie des tranchées obtient le prix Goncourt en 1917. Barbusse, idéaliste exalté, militant communiste bientôt fasciné par la révolution russe de 1917, se rend plusieurs fois à Moscou où il meurt en 1935. Le roman soulèvera nombre de protestations : en plus du document terrible sur le cauchemar monotone de cette guerre, les aspirations pacifistes transparaissent.

En 2022, la guerre en Ukraine nous rappelle que ce genre de guerre qui mobilise tout un peuple de travailleurs et parmi eux nombre de volontaires est encore possible.

« Faisons donc la grève, camarades ! la grève des ventres. Plus d’enfants pour le Capitalisme, qui en fait de la chair à travail que l’on exploite, ou de la chair à plaisir que l’on souille ! »2637

Nelly ROUSSEL (1878-1922), La Voix des femmes, 6 mai 1920. Histoire du féminisme français, volume II (1978), Maïté Albistur, Daniel Amogathe

Rares sont les féministes de l’époque aussi extrêmes que cette journaliste marxiste, militante antinataliste, en cette « Journée des mères de familles nombreuses ». Le féminisme, revendiquant des droits pour une catégorie injustement traitée, se situe logiquement à gauche dans l’histoire. Mais, du seul fait de la guerre, la condition des femmes a bien changé.

Devenues majoritaires dans le pays, avec un million de veuves de guerre et plusieurs millions de célibataires, elles ont pris l’habitude d’occuper des emplois jadis réservés aux hommes et d’assumer des responsabilités nouvelles. De tels acquis sont irréversibles. Le droit, la médecine, la recherche, le sport leur ouvrent enfin de vrais débouchés. Il faut attendre 1924 pour avoir les mêmes programmes d’enseignement secondaires, d’où l’équivalence des baccalauréats masculin et féminin. Les femmes entreront au gouvernement à la faveur du Front populaire de 1936, dans le ministère Blum. Sur le marché du travail, presque toutes les places leur sont accessibles – mais pour des salaires encore inférieurs. C’est un combat à suivre.

« Cet état ne peut être basé que sur le travail indigène équitablement rémunéré. Le travail à peu près gratuit, si voisin du travail servile, ne peut être qu’une solution transitoire. »2639

Maréchal LYAUTEY (1854-1934), Paroles d’action, 1900-1926 (posthume, 1927)

Lyautey, éphémère ministre de la Guerre en 1916-1917, retourne au Maroc et poursuit sa politique coloniale, mal comprise de son temps : plutôt que l’assimilation, il préfère un développement culturel proprement marocain. Malgré cela, la domination européenne se trouve contestée par des mouvements politiques et sociaux, des révoltes de paysans suivies de répressions. La guerre du Rif (1925) écartera Lyautey. La Troisième République fait de la France la deuxième puissance coloniale du monde (après la Grande-Bretagne) : le triomphe de l’idée coloniale culminer lors de l’Exposition de 1931 – la mauvaise conscience européenne viendra plus tard.

« L’artiste qui renonce à une heure de travail pour une heure de causerie avec un ami sait qu’il sacrifie une réalité pour quelque chose qui n’existe pas. »:

Marcel PROUST (1871-1922), Le Temps retrouvé (1927)

Étonnant témoignage d’un auteur de génie qui, par définition, travaille dans l’imaginaire « à la recherche du temps perdu » et en fait sa réalité personnelle. Proust, mort à 51 ans, aura beaucoup travaillé à partir de 24 ans, vivant en reclus dans sa chambre aux murs tapissés de liège, jusqu’à la limite de ses forces diminuées par sa maladie de toujours (un asthme persistant). Mais il aura aussi beaucoup conversé avec beaucoup d’amis (amitiés d’élection, relations mondaines, clans et coteries) dont il s’est largement inspiré, cela faisant la matière même de son œuvre.

« Croire que le travail est une vertu est la cause de grands maux dans le monde moderne […] La voie du bonheur et de la prospérité passe par une diminution méthodique du travail. ».

Bertrand RUSSELL (1872-1970), L’Éloge de l’oisiveté (1932)

Mathématicien, logicien, philosophe, homme politique et moraliste britannique, il remet en cause l’idée selon laquelle l’augmentation des richesses produites conduit à l’augmentation du bien-être social, prônant le premier la décroissance, concept politique, économique et social visant une réduction de la consommation, que l’on croit à tort « né dans les années 1970 ».

Russell est très clair dans son Éloge de l’oisiveté : « Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment. »

« Il n’y a pas de dignité possible, pas de vie réelle pour un homme qui travaille douze heures par jour sans savoir pourquoi il travaille. »

André MALRAUX (1901-1976), La Condition humaine (1933)

À 32 ans, intellectuel engagé, auteur célèbre et déjà philosophe, il défend ici une idée évidente sur la condition humaine et le travail, qui peut se résumer en quelques mots. Ce roman, prix Goncourt 1933 reconnu aujourd’hui comme l’un des chefs d’œuvre de la littérature mondiale du XXe siècle, est évidemment plus complexe.

Il met en scène le dernier épisode de la révolution chinoise de 1911 mettant fin à la Dynastie impériale Qing pour instaurer la République. En mars 1927, l’Armée révolutionnaire du Kuomintang, commandée par Tchang Kaï-Chek, est en marche vers Shanghai. Pour faciliter la prise de la ville (port stratégique), les cellules communistes organisent le soulèvement des ouvriers locaux. Craignant leur puissance et gêné dans sa quête de pouvoir personnel, Tchang Kaï-Chek se retourne contre les communistes, avec l’aide des Occidentaux occupant les concessions. Le 12 avril, il fait assassiner des milliers d’ouvriers et de dirigeants communistes par la Bande Verte, une société criminelle secrète.

Ironie de l’Histoire, cette révolution faite pour l’homme le mène à sa perte – Vergniaud le disait à la veille de la Terreur : « Il a été permis de craindre que la Révolution, comme Saturne, dévorât successivement tous ses enfants. » Paradoxe de ces hommes qui luttent pour la condition humaine et acceptent l’instrumentalisation de leur destin jusqu’à la mort. Reste toujours « l’Espoir » cher à Malraux qui se distingue en cela des intellectuels de son époque : « Une civilisation se transforme, lorsque son élément le plus douloureux - l’humiliation chez l’esclave, le travail chez l’ouvrier moderne - devient tout à coup une valeur, lorsqu’il ne s’agit plus d’échapper à cette humiliation, mais d’en attendre son salut, d’échapper à ce travail, mais d’y trouver sa raison d’être. »

« Le travail : une malédiction que l’homme a transformé en volupté. »

Emil CIORAN (1911-1995), Sur les cimes du désespoir (1934)

Toute l’œuvre de ce roumain en exil de son paradis perdu et adopté par la France est marquée par un scepticisme philosophique et un pessimisme existentiel. Ses écrits sont toujours sombres, à la limite du désespoir. Mais l’homme était plutôt gai et de bonne compagnie, déclarant non sans humour qu’il passait sa vie à recommander le suicide par écrit, mais à le déconseiller en paroles… Tout le contraire d’un Montherlant qui finit par se suicider, acte de stoïcisme plus que de désespoir, mais lui aussi concerné par le Travail.

« Le caractère sacré du travail manuel est une trouvaille purement et spécifiquement bourgeoise. »

Henry de MONTHERLANT (1895-1972), Les Célibataires (1934)

Il n’y a pas moins socialiste que cet Henry Marie Joseph Expedite Millon de Montherlant, avec ses quatre quartiers de noblesse et ses armes également affichées, quoique contestées par ses confrères. Mais ce grand bourgeois qui n’est pas à un paradoxe et une contradiction près possède, entre autres qualités littéraires et personnelles, une franchise d’expression qui le rend unique et sans doute très seul et solitaire en son genre. Il exprime donc une vérité bonne à dire, relire et méditer. Mais difficile à vivre pour celui qui écrit dans ses Carnets : « Être patriote, et être Français, en 1932, c’est vivre crucifié. La France est en pleine décomposition. » La suite de l’Histoire lui donnera bientôt raison.

« Donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse, et au monde la grande paix humaine. »2671

André CHAMSON (1900-1983), Jean GUÉHENNO (1890-1978), Jacques KAYSER (1900-1963), Serment de la gauche au vélodrome Buffalo à Montrouge, 14 juillet 1935. Socialistes à Paris : 1905-2005 (2005), Laurent Villate

Deux intellectuels de gauche et un journaliste radical signent ce Serment et participent à ce grand rassemblement populaire. Face à la montée des périls (fascisme et nazisme), la « grande paix humaine » est bien menacée. Mais les contingences économiques se rappellent également au souvenir des responsables politiques !

Le Front populaire fait déjà front avant de prendre forme, dans un climat politique, social, idéologique et un contexte international de plus en plus difficiles. Les divisions de la France entre gauche et droite s’exaspèrent de nouveau. C’est dans ce contexte tragique que le printemps 1936 va entrer dans l’Histoire sous le signe du Travail vécu autrement, avec une forme de grève révolutionnaire et totalement nouvelle.

« Il s’agit, après avoir toujours plié, tout subi, tout encaissé en silence, d’oser enfin se redresser. Se tenir debout. Prendre la parole à son tour. Se sentir des hommes pendant quelques jours… Cette grève est en elle-même une joie. »2678

Simone WEIL (1909-1943), La Révolution prolétarienne, 10 juin 1936. Histoire de la Troisième République, volume VI (1963), Jacques Chastenet

Agrégée de philosophie, ouvrière chez Renault un an avant, pour être au contact du réel, elle écrit son article sous le pseudonyme de Simone Galois.

Passionnée de justice, mystique d’inspiration chrétienne quoique née juive, toujours contre la force et du côté des faibles, des vaincus et des opprimés, la jeune femme vibre à cette aventure et – comme elle le fera jusqu’à sa mort, à 34 ans – participe pleinement : « Joie de vivre parmi ces machines muettes, au rythme de la vie humaine. Bien sûr, cette vie si dure recommencera dans quelques jours. Mais on n’y pense pas, on est comme des soldats en permission pendant la guerre. Joie de pénétrer dans l’usine avec l’autorisation souriante d’un ouvrier. Joie de trouver tant de sourires, tant de paroles d’accueil fraternel. Joie de parcourir ces ateliers où on était rivé sur sa machine. »

« Il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications. »2680

Maurice THOREZ (1900-1964), secrétaire général du PCF, Déclaration du 11 juin 1936. Le Front populaire en France (1996), Serge Wolikow

Le lendemain débute la semaine des accords Matignon (signés le 18 juin) entre représentants du patronat français et de la CGT. S’ajouteront diverses mesures imposées par le gouvernement Blum au Parlement. En résumé, reconnaissance du droit syndical, institution de contrats collectifs de travail, de délégués du personnel ; et semaine de quarante heures, congés payés de deux semaines, augmentation de salaires de 7 à 15 %.

Les grèves cesseront peu à peu, en juillet, août : les dirigeants de gauche n’ont nulle envie de mener les troupes à une révolution – sauf une minorité à la SFIO qui ne veut cependant pas compromettre l’unité du parti, et quelques trotskystes qui se trouvent très isolés.

Thorez, en dirigeant responsable, a mis en garde contre l’illusion que « tout est possible ». Son mot sera souvent repris par les chefs syndicalistes. Dans Fils du peuple (1937), il revient sur cette idée : « S’il est important de bien conduire un mouvement revendicatif, il faut aussi savoir le terminer. » Tous les responsables syndicaux connaîtront ce dilemme.

« Le patronat de droit divin est mort. »2787

Léon BLUM (1872-1950), résumant l’une des idées force du Front populaire de 1936. Le Procès de Riom (1945), James de Coquet, Robert Jacomet

Au Procès de Riom (15 février-11 avril 1942), accusé d’être responsable de la défaite de 1940, Blum parle en socialiste et comparaît en chef de gouvernement du Front populaire : « L’autorité patronale analogue au commandement hiérarchique, au commandement totalitaire, c’est fini, c’est mort. On ne donnera plus à des masses ouvrières le sentiment qu’elles sont asservies au travail par le lien d’une hiérarchie qu’elles n’ont pas eu le droit de discuter et auquel elles n’ont pas consenti. » Ces mots pèchent par excès d’optimisme, mais le Front populaire reste quand même comme une victoire du Travail sur le Capital définitive pour quelques acquis définitifs.

« Il est revenu un espoir, un goût du travail, un goût de la vie. »2681

Léon BLUM (1872-1950), constat du chef du gouvernement, 31 décembre 1936. Histoire de la France : les temps nouveaux, de 1852 à nos jours (1971), Georges Duby

« … La France a une autre mine et un autre air. Le sang coule plus vite dans un corps rajeuni. Tout fait sentir qu’en France, la condition humaine s’est relevée. »

Georges Duby confirme, dans son Histoire de la France : « Le Front populaire, ce n’est pas seulement un catalogue de lois ou une coalition parlementaire. C’est avant tout l’intrusion des masses dans la vie politique et l’éclosion chez elle d’une immense espérance […] Il y a une exaltation de 1936 faite de foi dans l’homme, de croyance au progrès, de retour à la nature, de fraternité et qu’on retrouve aussi bien dans les films de Renoir que dans ce roman de Malraux qui relate son aventure espagnole et justement s’appelle L’Espoir. »

La Seconde Guerre mondiale va tout bouleverser.

« C’est sous le triple signe du Travail, de la Famille et de la Patrie que nous devons aller vers l’ordre nouveau. »2763

Pierre LAVAL (1883-1945), « Réunion d’information » des députés, 8 juillet 1940. Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident (1956), Jacques Benoist-Méchin

La France et la Grande-Bretagne sont entrées en guerre contre l’Allemagne le 3 septembre 1939. Après la « drôle de guerre » de huit mois où rien ne se passe en France, c’est l’invasion allemande en mai-juin 1940 et la débâcle. Paris tombe le 14 juin. Pétain, héros de la Première Guerre mondiale, aujourd’hui vieillard de 84 ans devenu chef de gouvernement, appelle à cesser le combat le 17 juin, signe l’armistice le 22 et commence à poser les bases d’un « ordre nouveau » pour le pays.

Après un long parcours politique, Laval entre dans le gouvernement Pétain installé à Vichy depuis le 3 juillet. Il a provisoirement le portefeuille de la Justice et manœuvre pour que Pétain obtienne les pleins pouvoirs. On travaille à réviser la Constitution : le slogan trinitaire hérité de la Révolution de 1789 – Liberté, Égalité, Fraternité – est trop républicain et remplacé par cette autre trilogie : Travail, Famille, Patrie. Tout l’esprit de révolution nationale du régime de Vichy est dans ces mots et la loi constitutionnelle du 10 juillet en prend acte : « Cette Constitution doit garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. »

« En combattant, la classe ouvrière ne se coupe pas de la nation, au contraire […] La cessation collective du travail, à ce moment-là, devient une action sociale et patriotique. »2805

Appel de la CGT aux ouvriers, manifeste du 12 décembre 1943. Esquisse d’une histoire de la CGT, 1895-1965 (1967), Jean Bruhat, Marc Piolot

Dissoute officiellement le 9 novembre 1940 par le gouvernement de Vichy, la Confédération générale du travail (CGT) se reconstitue dans la clandestinité en octobre 1943. Dans toute l’Europe occupée, les communistes vont répondre à l’appel de Staline pour aider l’URSS en difficulté. Tactique dite « d’action immédiate » et « d’action des masses », par attentats contre les collaborateurs et les soldats de la Wehrmacht, sabotages, grèves, manifestations de foules, créations de maquis et de réseaux FTP (Francs-tireurs et partisans français), discipline et dynamique, langage patriotique, sens révolutionnaire mis au service d’une cause qui s’impose : tout cela fait des communistes de grands résistants et militants, à tous les niveaux de responsabilité.

« La seule arme qui reste aux travailleurs pour défendre le pain de leurs enfants, quand tous les autres moyens ont été utilisés, c’est la grève. »2872

Georges MARRANE (1888-1976), Conseil de la République, 1er décembre 1947. Notes et études documentaires, nos 4871 à 4873 (1988), Documentation française

Ramadier, ancien président du Conseil, parla du PCF comme d’un « chef d’orchestre clandestin » organisant des grèves en mi-juin, alors que les communistes (dont Marrane) ont quitté le gouvernement. Reprise des grèves en septembre, le gouvernement ayant refusé d’entériner un accord CGT-CNPF risquant de conduire à une hausse excessive des salaires, et donc des prix.

Les manifestations prennent un caractère insurrectionnel, début novembre : c’est la « Grande peur d’automne ». Les éléments non communistes du monde du travail font bloc contre les consignes de la CGT : le travail recommence le 10 décembre. Le 18, les groupes Force ouvrière qui militaient au sein de la CGT décident de prendre leur autonomie : ainsi naîtra, en avril 1948, la CGT-FO, tandis que pour maintenir son unité, la Fédération de l’Éducation nationale (FEN) devient elle aussi autonome par rapport à la CGT.

« C’est par le travail que l’homme se transforme. Je suis un homme donné et non un autre. J’ai mon métier, je suis défini socialement par-là. Et à ceux qui me demandent : à la fin qui êtes-vous, communiste ou écrivain ? je réponds toujours, je suis d’abord un écrivain et c’est pourquoi je suis communiste. »

Louis ARAGON (1897-1982), article dans L’Humanité. 27 janvier 1967 à la télé

Poète et romancier, Aragon le fut toujours et reconnu comme tel à juste titre. Communiste, il l’est devenu en 1927, adhérant au Parti et réaffirmant cette adhésion à plusieurs reprises : dans la tourmente politique de l’avant-guerre, pendant la Résistance où les communistes ont joué un rôle reconnu même par leurs adversaires politiques, puis après-guerre, où l’écrivain communiste pose et se pose en tant que tel, mais… après la mort de Staline, le « rapport Khrouchtchev » et les révélations sur ce qui se passe derrière le « rideau de fer » communiste déchirent sa conscience politique : « Cette cage des mots, il faudra que j’en sorte / Et j’ai le cœur en sang d’en chercher la sortie / Ce monde blanc et noir, où donc en est la porte / Je brûle à ses barreaux mes doigts comme aux orties. » Le Roman inachevé (1956).

Beaucoup d’intellectuels vivent un drame et quittent le Parti, Aragon tient bon. Mais après notre mai 68, les troupes soviétiques mettent fin au Printemps de Prague en envahissant la Tchécoslovaquie : « Et voilà qu’une fin de nuit, au transistor, nous avons entendu la condamnation de nos illusions perpétuelles… » écrit Aragon. Il n’en finit plus d’être déchiré, mais il est et reste communiste, toujours « officiellement » membre du Comité central du PCF jusqu’à sa mort en 1982.

« La limite idéale vers laquelle tend la nouvelle organisation du travail est celle où le travail se bornerait à cette seule forme de l’action : l’initiative. »

Jean FOURASTIE (1907-1990), Le Grand espoir du XXe siècle (1949)

Économiste du genre optimiste, on lui doit l’expression des « Trente Glorieuses », période prospère vécue par la France et la plupart des pays industrialisés, de la fin de la Seconde Guerre mondiale au premier choc pétrolier (1947-1973). Il est également connu pour ses travaux sur les prix, la productivité et le progrès technique : ce trinôme explique les mécanismes fondamentaux de l’économie : évolution des prix et de la rente, explication des crises et du chômage, ressort du commerce extérieur, évolution de la production et de la population active…

Son optimisme technologique résumé dans Le Grand Espoir du XXe siècle, suivi de Machinisme et Bien-Être (1951) et Les 40 000 heures (1965) lui permet d’annoncer la semaine de 30 heures et une durée de vie active d’environ 35 années, l’évolution de la société vers une civilisation de type tertiaire dominée par les services, avec l’espoir que le comportement moral des hommes progressera également - Essais de morale prospective (1966). C’est l’époque où Joffre Dumazedier, préfacé par Edgar Morin, publie La Civilisation des loisirs ? (1962). Dans le même temps, le « budget culturel » des Français, mesuré par l’INSEE, est en progrès constant.

« C’est par le travail que la femme a en partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. »;

Simone de BEAUVOIR 1908-1986), Le Deuxième Sexe (1949)

Une évidence enfin reconnue comme telle, après des siècles d’exploitation souvent consentie par les « intéressées » elles-mêmes. Bien avant le mouvement Me Too, les féministes du XXe siècle ont dénoncé cette inégalité : « Il n’y a qu’un travail autonome qui puisse assurer à la femme une authentique autonomie. » Philosophe et romancière (prix Goncourt), mémorialiste et essayiste, « Notre-Dame de Sartre » a écrit le livre événement dans l’histoire du féminisme et Sartre, son compagnon de vie et de plume, a trouvé le titre. La Cinquième République, dans les années 1970, verra aboutir l’essentiel des luttes au féminin, d’où une égalité de droit, sinon de fait.

« Sans travail, toute vie pourrit. Mais sous un travail sans âme, la vie étouffe, et meurt. N’est-ce pas alors le véritable effort d’une nation de faire le plus possible que ses citoyens aient le riche sentiment de faire leur vrai métier, et d’être utiles à la place où ils sont ? »,

Albert CAMUS (1913-1960), L’Express (1955)

Journaliste engagé (deux ans au PC), résistant qui travaille avec Sartre à Combat, il se méfie bientôt de l’endoctrinement et choisit la morale contre la stratégie politique. Il écrit L’homme révolté (1951), rejetant le marxisme, la révolution et l’utilisation de la violence, quelles qu’en soient les raisons. Constatant l’absence de sens à la vie, il élabore une philosophie existentialiste de l’absurde, victoire de la lucidité qui permet d’assumer l’existence en vivant dans le réel pour conquérir sa liberté. L’homme peut ainsi dépasser cette absurdité par la révolte contre sa condition et contre l’injustice. Prix Nobel de littérature en 1957, il meurt dans un accident d’auto, après une vie riche de passions – le sport, le théâtre, quelques femmes dont la comédienne Maria Casarès.

« Je n’ai jamais été heureux, je le sais, ni pacifié, que dans un métier digne de moi, un travail mené au milieu d’hommes que je puisse aimer. Je sais aussi que beaucoup, sur ce point, me ressemblent. » Camus l’humaniste reste le philosophe préféré des jeunes.

« Plus le trouble est grand, plus il faut gouverner. Sortant d’un immense tumulte, ce qui s’impose, d’abord, c’est de remettre le pays au travail. Mais la première condition est que les travailleurs puissent vivre. »

Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre tome III, Le Salut, 1944-1946 (1959)

Il a sauvé la France en 1940 et conduit le pays à la victoire. Après une traversée du désert, il revient au pouvoir en 1958, rappelé par le président Coty pour sauver le pays déchiré par le drame algérien et au bord de la guerre civile.

De Gaulle reste dans l’Histoire comme un militaire et un politique d’exception, mais on oublie à tort son souci de l’économie : « L’intendance suivra. » … Il niera être l’auteur de ce mot apocryphe, expression militaire soulignant que la politique intérieure devait être, dans la vision du général, au service de la politique extérieure. Malgré tout, l’« intendance » (l’économique) est une condition de la grandeur française. Il lui arrivera de le reconnaître : « C’est l’économie qui me paraît l’emporter sur tout le reste, parce qu’elle est la condition de tout et en particulier la condition du progrès social » (13 décembre 1965). Le travail, la condition de vie des travailleurs sont donc indispensables à la vie du pays.

« Ce n’est pas le travail qui est la liberté : c’est l’argent qu’il procure, hélas ! »

Gilbert CESBRON (1913-1979), Journal sans date (1963)

Il reste connu pour un (beau) titre : « Les saints vont en enfer » (1952). Cet écrivain catholique décrit l’aventure des prêtres-ouvriers. À Marseille en 194, le Père Loew, un Dominicain, se fait embaucher comme docker pour connaître le monde du travail. La Mission de Paris est créée en 1944. Son but : convertir les ouvriers. En 1952, la Mission compte une centaine de prêtres-ouvriers qui s’activent en région parisienne et dans les grandes villes, les usines, les chantiers. Mais en 1953, Rome va condamner brutalement ce mouvement, pour cause de politisation et d’engagement syndical.

Avec une empathie et une sincérité évidente, le romancier se penche sur la misère, la souffrance, l’humiliation des classes défavorisées. Voulant « évoquer la morale sans se prétendre moraliste », il touche un vaste public. Il se tournera vers l’action sociale et dirigera le Secours Catholique, recevant le Prix de la Ville de Paris en 1971 pour l’ensemble de son œuvre et mourant à 66 ans.

« Il n’est pas exact que la machine supprime toute joie au travail. Ce sont les conditions imposées par une rationalisation étroitement techniciste, au service d’intérêts particuliers, qui approfondissent la scission entre l’ouvrier et son travail mécanisé. »

Georges FRIEDMANN (1900-1977) Sept études sur l’homme et la technique (1966)

Philosophe français, il élabore après la Seconde Guerre mondiale une sociologie du travail humaniste. Après des études en chimie industrielle, il entra à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1923. Il fut pendant la guerre un intellectuel marxiste, proche du Parti communiste français. Il consacra la plus grande partie de ses travaux à l’étude des relations de l’homme avec la machine dans les sociétés industrielles de la première moitié du XXe siècle.

Ses travaux et ses ouvrages comme Le Travail en miettes (1956) l’ont souvent réduit à être présenté comme un sociologue du travail. Il est vrai que, dès 1931, il abordait les problèmes posés par le travail et les techniques. En 1946, sa thèse, « Problèmes du machinisme industriel », introduit en France la nouvelle sociologie du travail. À cette époque, il est déjà reconnu par ses pairs américains, et lui-même fait connaître dans son pays les travaux des sociologues d’outre–Atlantique. Mais le parcours de Friedmann et ses travaux dépassent cette unique identité de sociologue du travail. Au début des années 1960, il explore un autre champ de la culture technique : les communications et la culture de masse. À la tête du Centre d’études sociologiques (CNRS), il fut un grand organisateur et initiateur de recherches.

Georges Friedmann a toujours veillé à maintenir les liens entre la sociologie et la philosophie métaphysique occidentale. Grand lecteur de Leibniz et de Spinoza, il livre ses réflexions d’ordre moral et philosophique sur l’avenir de la civilisation technicienne dans La Puissance et la Sagesse, publié en 1970.

Métro-boulot-dodo.2249

Pierre BÉARN (1902-2004), Slogan emblématique de Mai 68, extrait de : Couleurs d’usine, poèmes (1951)

L’expression est empruntée à ce poème de Béarn publié chez Seghers. Une strophe décrivait ainsi la monotonie quotidienne du travail en usine : « Au déboulé garçon pointe ton numéro / Pour gagner ainsi le salaire / D’un énorme jour utilitaire / Métro, boulot, bistrot, mégots, dodo, zéro. »

Le texte, tiré à deux mille exemplaires au théâtre de l’Odéon, est distribué à la foule des étudiants. Quelques meneurs d’opinion vont expurger le dernier vers de trois mots pouvant être mal interprétés : bistrot, mégots, zéro. Reste la trilogie qui va enrichir les graffiti peints sur les murs de Paris, résumant le cercle infernal propre à des millions de travailleurs : « Métro, boulot, dodo ». On rêve forcément d’une autre vie. C’est l’une des raisons de l’explosion sociale de Mai 68.

« Ne travaillez jamais ! »

Guy DEBORD (1931-1994), inscription sur un mur de la rue de Seine à Paris (en 1953), slogan repris en mai 1968

Écrivain et cinéaste, théoricien et poète, révolutionnaire dans l’âme, il s’intéresse au « lettrisme » considéré comme le seul mouvement d’avant-garde subversif de l’après-guerre, héritier du dadaïsme. Mais il rompt avec les « lettristes » et fonde une « Internationale lettriste » (1952 à 1957), sans aucun rapport avec le lettrisme, le but étant de rompre avec un art en décomposition pour que la poésie puisse investir la vie, à travers des situations vécues.  Composé principalement d’artistes, ce mouvement cherche un dépassement de l’art pour qu’il redevienne une communication, avec la participation de tous, et qu’il intègre le poétique dans la vie quotidienne transformée en jeu.

Il crée ensuite l’Internationale situationniste (1957 à 1972) dont il est le principal animateur, dirigeant la revue française.

Debord se veut surtout stratège, créant la notion sociopolitique de « spectacle » dans son œuvre la plus connue, La Société du spectacle (1967). Il montre comment le consumérisme signe lu début de la marchandisation des valeurs, la société ne pouvant plus être décrite que comme une représentation.

« Ne travaillez jamais » résume son rejet définitif du salariat. Ce slogan repris par les émeutiers se retrouve idéalement en situation en Mai 68. Après le succès des idées du situationnisme pendant les évènements de mai 1968 qui lui donnent ses lettres de noblesse, Guy Debord préfère dissoudre l’International Situationniste en 1972, pour ne pas en perdre le contrôle et parce qu’elle a « fait son temps ». En 1984, il interdit la diffusion de l’ensemble de son œuvre cinématographique.

Atteint d’une grave maladie de foie due à l’alcool, Guy Debord se suicide le 30 novembre 1994.

« Le travail c’est la santé / Rien faire c’est la conserver
Les prisonniers du boulot / N’font pas de vieux os. »

Henri SALVADOR (1917-2008). Le Travail c’est la santé (1965)

Interprète et compositeur de ce « tube », sur des paroles de Maurice Pon, cette chanson est parfaitement dans le ton des Trente Glorieuses et de la croissance économique. La troisième semaine de congés payés a dix ans et la « civilisation des loisirs » s’annonce bel et bien. Le titre, repris comme slogan jusque dans la décennie 2010, aurait pu retrouver une nouvelle jeunesse dans les manifestations contre la retraite à 64 ans.

Ouvriers, enseignants, étudiants solidaires.3047

Inscription sur les bannières, 13 mai 1968

Manifestation digne, imposante, historique, mais sage : 200 000 personnes défilent de la République à Denfert-Rochereau en lançant ce nouveau slogan solidaire. Les dirigeants étudiants prennent parfois le pas sur les leaders syndicaux, d’où la réflexion de Cohn-Bendit qui est leur bête noire : « Ce qui m’a fait plaisir, cet après-midi, c’est d’être en tête du défilé où les crapules staliniennes étaient dans le fourgon de queue. »

Ouvriers, paysans, étudiants, tous unis.3065

Slogans lors de la manifestation du 24 mai 1968

Le 24 mai, la manifestation prévue prend un tour imprévu. Malgré l’hostilité de la CGT, des ouvriers se sont joints aux étudiants et scandent en chœur : trahison – ni Mitterrand, ni de Gaulle – les usines aux travailleurs. Et en faveur de Cohn-Bendit : Les frontières, on s’en fout, répétant le slogan : Nous sommes tous des juifs allemands.

Paysans, ouvriers, tous unis, nous garderons le Larzac.3146

Slogan de la manifestation du Larzac, 24 et 25 août 1973. L’Histoire au jour le jour, 1944-1985 (1985), Daniel Junqua, Marc Lazar, Bernard Féron

Autre affaire et mouvement frère de Lip, d’où manifestation commune et slogan qui unit « Paysans, ouvriers… »

Le plus grand causse du sud du Massif central abrite un camp militaire de 3 000 hectares. Le ministre de la Défense, Michel Debré, a décidé de l’agrandir jusqu’à 13 700 hectares : protestations des agriculteurs menacés d’expropriation et des défenseurs de l’environnement. Certains voient dans ce rassemblement un gentil feu de camp d’amateurs de roquefort authentique. Pour d’autres, cette rencontre entre les ouvriers-producteurs de Lip et les paysans-travailleurs du Larzac marque l’ébauche d’une nouvelle culture politique, et la naissance de l’altermondialisme à la française. Les militants s’organisent en collectif, la résistance non violente multiple les actions de « désobéissance civile », quelque 150 Comités Larzac multiplient les défilés, meetings, grèves de la faim et mobilisent des dizaines de milliers de sympathisants, derrière des slogans à la Mai 68 : Faites labour, pas la guerre – Des moutons, pas des canons – Debré ou de force, nous garderons le Larzac – Le blé fait vivre, les armes font mourir – Ouvriers et paysans, même combat.

José Bové prend goût à l’écologie avec cette forme de révolte médiatique, et Sartre solidaire, deux ans avant sa mort, exprime son soutien : « Je vous salue paysans du Larzac et je salue votre lutte pour la justice, la liberté et pour la paix, la plus belle lutte de notre vingtième siècle » (lettre du 28 octobre 1978).

L’histoire finit bien : François Mitterrand, élu président de la République le 10 mai 1981, renoncera au projet d’extension du camp militaire du Larzac.

« Le premier jour d’usine est terrifiant pour tout le monde, beaucoup m’en parleront ensuite, souvent avec angoisse. Quel esprit, quel corps peut accepter sans un mouvement de révolte de s’asservir à ce rythme anéantissant, contre nature, de la chaîne ? »

Robert LINHART (né en 1944), L’Établi (1978)

Ancien élève de Louis-le-Grand et de l’École normale supérieure, docteur en sociologie, maître de conférences au département de philosophie de l’université Paris VIII, adhérent de l’UEC, l’Union des étudiants communistes (1964), il y anime le cercle des « ulmards », marqué par la figure tutélaire de Louis Althusser. Prochinois et très critique à l’égard du « révisionnisme » du PCF, il est exclu de l’UEC et fonde en décembre 1966 l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, UJC. C’est l’un des fondateurs du mouvement maoïste en France.

Le 10 mai 1968, il entre en cure de sommeil, victime de problèmes psychologiques. À l’été, l’UJC se scinde et Robert Linhart rejoint la Gauche prolétarienne, fondée à la fin de l’année par Benny Lévy. Dans le cadre du mouvement des « établis », il entre comme ouvrier spécialisé dans l’usine Citroën de la porte de Choisy à Paris et tiré de cette expérience son ouvrage le plus célèbre, L’Établi, paru en 1978 aux éditions de Minuit : « L’insulte et l’usure de la chaîne, tous l’éprouvent avec violence, l’ouvrier et le paysan, l’intellectuel et le manuel, l’immigré et le Français. Et il n’est pas rare de voir un nouvel embauché prendre son compte le soir même du premier jour, affolé par le bruit, les éclairs, le monstrueux étirement du temps, la dureté du travail indéfiniment répété, l’autoritarisme des chefs et la sécheresse des ordres, la morne atmosphère de prison qui glace l’atelier… Essayez donc d’oublier la lutte des classes quand vous êtes à l’usine : le patron, lui, ne l’oublie pas. »

« Comment ne pas rêver à une société idéale où des hommes égaux et justes dans une cité ordonnée par leurs soins se répartiraient les fruits de leur travail, toute forme de profit écartée, quand il n’y a autour de soi qu’exploitation de l’homme par l’homme. »3195

François MITTERRAND (1916-1996), Ici et maintenant (1980)

Dernier écrit avant son élection à la présidence de la République : il donne à rêver au « socialisme à la française », qui emprunte à l’utopie sociale et à la théorie marxiste, et qu’il voudrait exemplaire pour le monde, ici et maintenant.

Re-créateur du PS, Premier secrétaire à qui le parti doit une force électorale double de l’ancienne SFIO de Guy Mollet, homme de la mythique et défunte Union de la gauche, challenger courageux face à de Gaulle en 1965 et s’opposant au gaullisme toujours vivant, Mitterrand a acquis une stature d’homme d’État. Il doit cependant compter avec Michel Rocard qui pose sa candidature à la présidence le 19 octobre 1980, et qui le dépasse largement dans les sondages.

« Notre nouvelle frontière, c’est l’emploi. »2945

Jacques CHIRAC (1932-2019), Discours à l’Assemblée nationale, 9 avril 1986. Revue politique et parlementaire, nos 921 à 926 (1986), Marcel Fournier, Fernand Faure

Premier discours du nouveau Premier ministre (et de la première cohabitation avec un président de gauche, Mitterrand, et un gouvernement de droite). Après l’inflation, le chômage est la seconde plaie de l’économie française. Nul jusque vers 1950, le nombre de chômeurs a passé la barre des 500 000 à la fin des années 1960, celle du million au milieu des années 1970, des 2 millions en 1982, pour atteindre 2,5 millions en septembre 1986. La courbe est insensible aux changements de majorité et rebelle aux mesures prises par chaque gouvernement dans sa lutte pour l’emploi. Le plein emploi appartiendrait-il à une époque révolue ? En tout cas, la France frôle la barre des 3 millions de chômeurs en 2012, la crise mondiale n’étant pas seule en cause.

« La crise morale française porte un nom : c’est la crise du travail. »3328

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Le Monde, 23 janvier 2007

Parole de campagne (alors qu’il est ministre de l’Intérieur). Rappelons qu’il fut aussi ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

Le travail est une valeur essentielle à la vie (et d’abord à la sienne) comme au pays. Il va décliner ce thème sur tous les tons : « Il faut tout faire pour que le travail rapporte davantage que l’assistance », « Je veux permettre à ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus de pouvoir le faire », « On ne dira jamais assez le mal que les 35 heures ont fait à notre pays. Comment peut-on avoir cette idée folle de croire que c’est en travaillant moins que l’on va produire plus de richesses et créer des emplois ! »
Cette fois-ci, « haro sur les socialistes ». C’est de bonne guerre.

Malheureusement, le « travailler plus pour gagner plus » se heurte à la crise mondiale de 2008, qui affole les statistiques du chômage. C’est l’une des raisons de la cote d’impopularité du président, survenue très vite.

« Travailler plus pour gagner plus, c’est mon programme. »3404

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Discours de Rungis, 1er février 2007

La « valeur travail » avait une connotation marxiste, le candidat de la droite lui redonne un autre sens, économique, politique et idéologique. Rungis est un lieu symbolique : ce marché international remplace les anciennes halles de Paris, les travailleurs se lèvent tôt et travaillent dur.

Le « travailler plus pour gagner plus » est l’un des points forts de sa campagne, décliné en plusieurs versions : « Je veux être le président du pouvoir d’achat », « La crise morale française porte un nom : c’est la crise du travail », « Il faut tout faire pour que le travail rapporte davantage que l’assistance », « Je veux permettre à ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus de pouvoir le faire », « On ne dira jamais assez le mal que les 35 heures ont fait à notre pays. Comment peut-on avoir cette idée folle de croire que c’est en travaillant moins que l’on va produire plus de richesses et créer des emplois ? »

Le « travailler plus pour gagner plus » se heurtera bientôt à la crise mondiale qui affole les statistiques du chômage durant tout le quinquennat. Ce n’est pas une raison pour nier l’intérêt de ces arguments.

« La civilisation des loisirs, le chômage de longue durée et les nouvelles technologies ont changé notre rapport au travail. »

André COMTE-SPONVILLE (né en 1952), Détoxique, Maif Social Club

Trois idées en une courte citation. C’est toujours bon à prendre et le parcours de l’auteur est intéressant, ne serait-ce que par la diversité de ses sources d’inspiration.

Marqué par Mai 68 qui lui permet de s’affirmer contre son père, en classe de terminale à 17 ans, il rencontre l’athéisme en la personne de son professeur Pierre Hervé, figure de la Résistance qui initie ses élèves à la phénoménologie de Sartre et Merleau-Ponty. Ses écrits, encore brouillons, deviennent prolixes et philosophiques : « J’ai lu Céline et Proust vers dix-huit dix-neuf ans, j’ai vu d’évidence que je ne ferais jamais aussi bien. Alors qu’en philosophie, quitte à paraître immodeste, je n’ai pas été écrasé d’admiration pour les contemporains. Je me suis mis au travail avec la volonté de faire une œuvre. »

À dix-huit ans, tout en gardant pour le christianisme un « sentiment de gratitude », il quitte la Jeunesse étudiante chrétienne pour le Parti communiste français. Porté par l’espoir de renouveau qu’est l’eurocommunisme, il consacre l’essentiel de son temps à l’Union des étudiants communistes (UEC). Il s’initie au marxisme en lisant « presque tous les livres » d’Althusser, figure qui a marqué toute une génération de laquelle il dira : « il était mon maître, et l’est resté »

« Philosopher, c’est penser par soi-même, chercher la liberté et le bonheur, dans la vérité. Mais nul n’y parvient sans l’aide de la pensée des autres, sans ces philosophes qui, depuis l’Antiquité, ont voulu éclairer les grandes questions de la vie humaine. Selon lui, « chaque branche de nos connaissances est nécessairement assujettie dans sa marche à passer successivement par trois états théoriques différents : l’état théologique ou fictif ; l’état métaphysique ou abstrait ; enfin l’état scientifique ou positif ».

« La double dimension contradictoire du travail, à la fois source d’aliénation et acte social porteur d’émancipation. »

Faut-il un revenu universel ? (2017) Fondation Copernic/Économistes atterrés

Toute affirmation sur le travail pose question et renvoie à d’autres problèmes. Cela devient un jeu intellectuel de poupées gigogne avec un effet miroir qui peut aussi déboucher sur des réponses et inspirer des textes importants, connoté de gauche comme de droite.

« Quand le travail vient à manquer, les communautés se délitent, les liens se distendent, les hommes et les femmes se retrouvent désœuvrés au sens propre. Le travail est l’activité princeps, celle qui définit l’identité individuelle et collective au plus haut point. »

Dominique MÉDA (née en 1962), Le Travail (2022)

Philosophe et sociologue, enseignante travaillant aussi dans la fonction publique, elle interroge en théoricienne la notion de travail d’un point de vue historique, résultat de la sédimentation de trois couches de signification : le travail facteur de production (XVIIIe siècle) ; le travail-essence de l’homme (début XIXe) ; le travail pivot de la distribution des revenus, des droits et des protections caractéristiques de la société salariale (fin XIXe).

« C’est par le travail, et par plus de travail, que nous pourrons préserver notre modèle social. »

Emmanuel MACRON (né en 1977), Le Monde, 10 novembre 2021

Évoquant notamment, le système de retraites et sa future réforme, il plaide pour un allongement de la durée des carrières professionnelles, comme il l’avait fait, le 12 juillet, lors de sa précédente allocution. On retrouve assez naturellement la logique de Nicolas Sarkozy qu’il rencontre régulièrement.

« L’intelligence artificielle conduira à des transformations profondes du travail. Pour s’y préparer, le rapport passe au crible trois secteurs – transports, bancaire et santé, élabore des scénarios d’évolution et propose des pistes d’action. »

Intelligence artificielle et travail | France Stratégie. https://www.strategie.gouv.fr ›, 15 janvier 2023

Immense chantier de réflexion et de débats à venir, comparable à l’introduction de la machine qui se généralise au XIXe siècle, l’utilisation des robots capables de faire plus et mieux que l’homme en divers domaines au XXe siècle et l’Internet qui a changé nos vies au quotidien. Autrement dit, trois révolutions systémiques.

Nouveau venu, « Chat GPT » fait la une des médias qui se savent directement concernés : tous les « travailleurs intellectuels » peuvent s’inquiéter ou se réjouir, cependant que les développeurs sont à l’œuvre et les investissements donnent le vertige. En janvier 2023, le groupe de réflexion américain Center for Data Innovation, au vu des progrès réalisés par les trois grandes puissances de l’IA au cours des deux dernières années, conclut : les États-Unis conservent une avance substantielle au niveau mondial, mais la Chine comble rapidement son retard, tandis que l’UE, pour sa part, « continue de se laisser distancer ».

Florilège d’aphorismes et autres considérations personnelles sur le travail :

« Il n’y a point de travail honteux. »

SOCRATE (470/469- 399 av. J.-C.). Ce philosophe grec n’a rien écrit, Platon nous a transmis les pensées de son maître.

« Le plaisir dans le métier met la perfection dans le travail. »

ARISTOTE (384-322 av. J.-C.), auteur de deux traités sur le plaisir et fondateur de l’école péripatéticienne à Athènes, la marche mettant de l’ordre dans les idées.

« Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger. »

Saint PAUL (9-67), Deuxième lettre aux Thessaloniciens, 3.10. Il est considéré comme le second fondateur du christianisme après le Christ.

« Si les gens savaient combien j’ai travaillé dur pour maîtriser mon art, ils verraient qu’il n’est pas aussi merveilleux qu’ils le croient. »

MICHEL-ANGE (1475-1564), artiste sculpteur, peintre, architecte, poète et urbaniste génie florentin de la Haute Renaissance.

« L’homme naquit pour travailler comme l’oiseau pour voler. »

François RABELAIS (1483 ou 1494-1553), Le Quart Livre (1552). Moine et médecin, créateur des géants Pantagruel et Gargantua, d’une langue infiniment riche et d’une morale originale.

« Le fruit du travail est le plus doux des plaisirs. »

VAUVENARGUES (1715-1747), Réflexions et Maximes posthumes. Moraliste et aphoriste du siècle des Lumières, très apprécié par Voltaire qui aurait pu signer ce mot.

« La paresse rend tout difficile, le travail rend tout aisé ; celui qui se lève tard s’agite tout le jour, et commence à peine ses affaires quand il est déjà nuit. »

Benjamin FRANKLIN (1706-1790), L’Almanach du pauvre Richard (1733). Imprimeur, éditeur, écrivain, naturaliste, inventeur, abolitionniste, homme politique, l’un des signataires de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis.

« Je travaille autant que je peux, mais jamais autant que je voudrais. »

RIVAROL (1753-1801), Maximes, Pensées et Paradoxes. Bel esprit fort caustique vis-à-vis des beaux esprits de son temps, journaliste, essayiste et monarchiste émigré sous la Révolution, il meurt à 47 ans, sans avoir eu le temps de tout exprimer.

« Je travaille souvent avec passion, mais bien rarement avec plaisir. »

Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859), Correspondance. Magistrat lancé dans une carrière politique avec une reconversion intellectuelle très réussie sous le Second Empire, historien et précurseur de la sociologie.

« La racine du travail est parfois amère, mais la saveur de ses fruits est toujours exquise. »

Victor HUGO (1802-1885), 300 citations pour motiver (2009), Michaël Aguilar. Mot repris par les manuels de « feel-good » à la mode, dans une œuvre gigantesque, exutoire à une vie (privée et politique) riche en drames et combats.

« Laissez-moi fuir la menteuse et criminelle illusion du bonheur ! Donnez-moi du travail, de la fatigue, de la douleur et de l’enthousiasme. »

George SAND (1804-1876), La Comtesse de Rudolstadt (1843). C’est la « vache à écrire » dont se moque le critique Sainte-Beuve, c’est surtout la best-seller de romans qui lui permettent de vivre et d’entretenir le domaine de Nohant.

« Je travaille la nuit, je monte à cheval le jour, je joue au billard le soir, je dors le matin. C’est toujours la même vie. »

George SAND (1804-1876), Correspondance. Infatigable presque jusqu’à la fin de sa longue vie bien remplie, elle aura beaucoup travaillé, aimé (hommes et femmes), agi (intellectuelle engagée, mais pas féministe au sens actuel).

« Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s’amuser. »

Charles BAUDELAIRE (1821-1867), Mon cœur mis à nu (1864). Poète génial et tourmenté des Fleurs du mal, entre classicisme et romantisme, Parnasse et symbolisme, chantre de la « modernité ».

« La vie humble, aux travaux ennuyeux et faciles,
Est une œuvre de choix qui veut beaucoup d’amour. »

Paul VERLAINE (1844-1896) Romances sans paroles. Sagesse (1874-1880). Poète autoproclamé « maudit », se sentant incompris et volontiers provocateur, autodestructeur. Mais il nous parle toujours.

« Si l’on veut gagner sa vie, il suffit de travailler. Si l’on veut devenir riche, il faut trouver autre chose. »

Alphonse KARR (1808-1890), Les Guêpes. Romancier, journaliste, directeur du Figaro (né hebdomadaire satirique), il crée en 1839 cette revue mensuelle dont les pamphlets visent le monde des arts, des lettres et de la politique jusqu’en 1849.

« La suprême récompense du travail n’est pas ce qu’il vous permet de gagner, mais ce qu’il vous permet de devenir. »

John RUSKIN (1819-1900), Éternelle opposition ou subtile distinction entre « être et avoir ». Il se préoccupe surtout de la déshumanisation du travail dans une Angleterre hyperindustrialisée.

« On vit en travaillant… On ne s’enrichit qu’en faisant travailler. »

Octave MIRBEAU (1848-1917), Le Foyer (1908), comédie de mœurs au vitriol comme Les Affaires sont les affaires, critique de son époque et multipliant les succès, sans aucune concession de forme ni de fond.

« Le travail acharné n’est que le refuge des gens qui n’ont rien d’autre à faire… »

Oscar WILDE (1854-1900) L’âme de l’homme sous le socialisme (1891) « …à faire que de s’auto décimer pour faire croire à une vie remplie. » Irlandais mondialement célèbre par son Portrait de Dorian Gray, sa liberté de ton et de mœurs.

« La peur de l’ennui est la seule excuse du travail. »

Jules RENARD (1864-1910), Journal, 1892. Il a vécu pauvre et surtout malheureux dans la peau de Poil de carotte, roman autobiographique d’un enfant martyr à force d’être mal aimé, qui lui apporta finalement le succès et l’argent.

« Je n’aime pas le travail, nul ne l’aime ; mais j’aime ce qui est dans le travail, l’occasion de se découvrir soi-même. »

Joseph CONRAD (1857-1924), Au cœur des ténèbres (1925). Anglais d’origine polonaise, irrésistiblement attiré par la mer, il réussit sa carrière d’officier de marine qui inspire toute son œuvre romanesque.

« La meilleure chose que la vie a à nous offrir est de loin la capacité que nous avons de travailler fort pour quelque chose en quoi nous croyons. »

Théodore ROOSEVELT (1858-1919), considéré comme l’un des cinq plus grands présidents des États-Unis, il fut également explorateur, écrivain, naturaliste, historien et militaire. Une grande force de travail au service de ses convictions.

« L’homme n’est pas fait pour travailler et la preuve, c’est que ça le fatigue ! »

Tristan BERNARD (1866-1947). Romancier et auteur de théâtre fécond, rendu très populaire par son humour, cet aphorisme est repris par d’autres humoristes.

« On doit faire faire par d’autres le travail qu’on n’est pas absolument obligé d’exécuter soi-même. »

Tristan BERNARD (1866-1947), Secrets d’État (1908). L’humour est de règle, mais la pensée critique est claire.

« Le propre du travail, c’est d’être forcé. »

ALAIN (1868-1951), Les Arts et les Dieux (1958). Philosophe de référence, professeur, essayiste, pamphlétaire et journaliste, tous les moyens sont bons pour diffuser sa pensée réputée complexe, sous divers pseudonymes.

« Éveiller et renforcer le plaisir de travailler chez le jeune homme est la tâche la plus importante pour les éducateurs. Seule une telle base conduit au bonheur de posséder l’un de ces biens les plus précieux du monde : la connaissance ou l’habileté artistique. »

Albert EINSTEIN (1879-1955), La relativité (1956). Un des génies scientifiques du siècle, prix Nobel de physique en 1921, auteur de la célèbre équation « E=mc² » (équivalence entre l’énergie et la masse de matière).

« Le travail est nécessaire à l’homme : il en a inventé le réveil-matin. »

Pablo PICASSO (1881-1973). Parole d’un artiste infatigable jusqu’à ses derniers jours.

« Les paresseux essaient en vain de travailler… moi j’essaie en vain de ne rien faire. »

Sacha GUITRY (1885-1957), Le Veilleur de nuit (1911). Auteur-acteur de la vie parisienne et d’un théâtre de boulevard amoureusement misogyne, il aura naturellement beaucoup vécu et travaillé.

« Je n’aime pas travailler, mais j’admets que les autres travaillent. »

Arthur ADAMOV (1908-1970), Le Ping-pong (1955). Homme de théâtre, écrivain et traducteur français d’origine russo-arménienne, il passe du surréalisme au théâtre de l’absurde, en perpétuelle opposition politique.

« La vie n’est pas le travail : travailler sans cesse rend fou. »

Charles DE GAULLE (1890-1970), cité par Malraux dans Les chênes qu’on abat (1979). Étonnante confidence de ce militaire de carrière devenu homme d’État à cinquante ans et deux fois sauveur de la France.

« Le travail est l’art de gagner de l’argent en faisant quelque chose que l’on n’aurait pas envie de faire gratuitement. »

Groucho MARX (1890-1977). Il fait partie de la fameuse fratrie des Marx Brothers qui enchaîne les succès dans la comédie musicale américaine, adaptés au cinéma, il anime des émissions de radio adaptées à la télé, publie ses Mémoires, nommé commandeur des Arts et des Lettres en 1974 par le gouvernement français…

« Le travail a quelque chose de semblable à la mort. C’est une soumission à la matière. »

Simone WEIL (1909-1943), La Connaissance surnaturelle. Philosophe humaniste, personnalité mystique, brûlant sa vie et vibrante au Front populaire de mai 1936.

« Tout travail travaille à faire un homme en même temps qu’une chose. »

Emmanuel MOUNIER (1909-1955), philosophe catholique, fondateur de la revue Esprit et à l’origine du courant personnaliste en France.

« A travailler, on s’ennuie moins qu’à s’amuser. »

Françoise GIROUD (1916-2003) Journal d’une Parisienne (1994). Dépressive et sauvée par la psychanalyse de Lacan, elle accomplit une brillante carrière de journaliste, ministre, femme d’influence irrésistiblement médiatique et souriante.

« Vous n’aimez pas le travail ?
- C’›est terrible ! ça rabaisse l’homme au rang de la machine. »

Boris VIAN (1920-1959), L’Écume des jours (1947). Passionné de jazz, il aura fait presque tous les métiers qui le passionnent en une vie écourtée par sa maladie de cœur.

« Le travail est l’opium du peuple et je ne veux pas mourir drogué. »

Boris VIAN (1920-1959), J’irai cracher sur vos tombes (1946). Cardiaque et se sachant condamné, il a quand même brûlé sa vie pour créer.

« Tu peux t’épuiser au travail, tu peux même t’y tuer, mais tant qu’il n’est pas mêlé d’amour, il est inutile. Travailler sans amour est un esclavage. »

Mère TERESA (1910-1977). Religieuse catholique albanaise naturalisée indienne, missionnaire en Inde, canonisée comme sainte Teresa de Calcutta, prix Nobel de la paix en 1979.

« La plupart des êtres humains sont habitués à leur travail ou à leur occupation, et si ce travail, cette occupation s’arrêtent, ils perdent instantanément leur contenu et leur conscience et ne sont plus alors autre chose qu’un état de désespoir morbide. »

Thomas BERNHARD (1931-1989), La Cave (1990). Écrivain et dramaturge autrichien, marqué par son enfance à Salzbourg au temps du nazisme et par la maladie (tuberculose), ses drames sont très prisés d’un public intellectuel.

« Le travail vous donne le but et le sens de la vie qui serait vide sans lui. »

Stephen HAWKING (1942-2018), Une brève histoire du temps (1988). Génie scientifique surmontant ses handicaps moteurs et parvenant à révolutionner sa discipline, physicien théoricien et cosmologiste britannique, il est devenu mondialement célèbre.

« Quand je ne travaille pas, je pense, et quand je pense, je deviens déprimé. »

Woody ALLEN (né en 1935) Les Aphorismes. Cinéaste américain en perpétuelle psychanalyse, il tourne (et joue) un film par an depuis un demi-siècle, souvent primé, très prisé des cinéphiles et parfois du grand public (français).

« Ceux qui prétendent réussir sans travailler sont des menteurs. »

Jacques ATTALI (né en 1943), Courrier Cadres, 2 août 2021. Polytechnicien et énarque, écrivain, homme d’affaires (multiples), économiste et haut fonctionnaire, conseiller d’État et enseignant, conseiller de Mitterrand pendant dix ans, intellectuel très médiatique ayant assurément beaucoup travaillé, financièrement bien réussi.

« La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler. »

Emmanuel MACRON (né en 1977). Candidat à la présidence en mai 2016, pris à partie par des grévistes pour son soutien à la loi El Khomri, il répond à un jeune lui reprochant alors de « s’acheter des costards avec son pognon ».

« Je traverse la rue, je vous en trouve. »

Emmanuel MACRON (né en 1977) 15 septembre 2018, en une petite phrase, le jeune président, sortant du palais de l’Élysée, expose sa vision du travail à un chômeur.

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