Entre-deux-guerres
L’aveuglement face à la montée des périls
Trois dictateurs campent à nos frontières et multiplient les provocations : Franco, Mussolini, Hitler. L’aveuglement est quasi général, même chez les intellectuels (Malraux fait exception), les pacifistes sont légion, à gauche par tradition, à droite par calcul - Hitler est un rempart contre le communisme.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Il faut s’entendre avec quiconque veut la paix, avec quiconque offre une chance, si minime soit-elle, de sauvegarder la paix. Il faut s’entendre avec l’Italie en dépit de la dictature fasciste. Il faut s’entendre même avec l’Allemagne de Hitler. »2682
(1900-1964), Chambre des députés, 2 septembre 1936
Histoire du parti communiste français (1948), Gérard Walter.
(…) Cette gauche ne sait pas encore que le fascisme, c’est la guerre, et elle n’a pas compris la vraie nature d’Hitler, qui a réoccupé la Rhénanie, le 7 mars.
(…) Le pacifisme et l’aveuglement ne sont pas l’apanage de la gauche : par peur du communisme qui est son ennemi numéro un, la droite elle aussi cherchera l’accord avec Hitler, sûre qu’il attaquera l’URSS et non la France. Par ailleurs, le Front populaire lance un programme de réarmement de 14 milliards de francs. Et la guerre d’Espagne vient soudain tout compliquer.
« Des avions, des canons pour l’Espagne ! »2683
Cris des militants, meeting du Parti communiste à Luna Park, dimanche 6 septembre 1936. L’Enjeu espagnol : PCF et guerre d’Espagne (1987), Carlos Serrano
(…) Le Frente Popular a remporté les élections (comme en France). Mais le général Franco (…) prend la tête d’un soulèvement nationaliste le 18 juillet, aidé par la Phalange (inspirée du fascisme italien). L’Espagne entre dans une tragique guerre civile, républicains contre nationalistes.
Hitler fournit des armes et Mussolini des hommes à Franco, au mépris de l’accord international de non-intervention, signé le 28 août à Londres. Blum hésite, crucifié entre pacifisme et antifascisme – les mots ne sont pas trop forts, il avoue avoir songé à démissionner. Il ne veut pas se couper de l’Angleterre non interventionniste (ni de la gauche radicale qui l’est aussi, en France) et risquer une guerre européenne (…)
« Les grandes manœuvres sanglantes du monde étaient commencées. »2684
André MALRAUX (1901-1976), L’Espoir (1937)
L’écrivain aventurier s’est engagé aux côtés des républicains qui combattent au cri de « Viva la muerte », dans cette guerre civile qui va durer trois ans, et servir de banc d’essai aux armées fascistes et nazies (…)
« Les communistes […] sont des missionnaires historiques de la liberté. »2685
Paul VAILLANT-COUTURIER (1892-1937), Rapport du 16 octobre 1936 au Comité central du PCF. La Politique en citations : de Babylone à Michel Serres (2006), Sylvère Christophe
Membre du Comité central depuis 1921, rédacteur en chef de L’Humanité en 1928, député en 1936, il est de cette gauche qui ne participe pas au gouvernement et critique à présent Léon Blum pour sa passivité.
Plus de pacifisme qui tienne, l’Espagne devient pour les communistes un terrain de bataille contre le fascisme (…)
« On ne va pas chercher les ministres sur les bancs des conseils de guerre. »2686
Henri de KÉRILLIS (1889-1958), L’Écho de Paris, 19 novembre 1936. Le Quatrième pouvoir, la presse française de 1830 à 1960 (1969), Jean André Faucher, Noël Jacquemart
Épilogue de l’affaire Salengro, vue par un député républicain national (extrême droite).
Député socialiste et maire de Lille, ministre de l’Intérieur du gouvernement Blum, Roger Salengro refuse de faire évacuer par la force les usines occupées pendant les grandes grèves. C’est l’homme à abattre pour l’extrême droite. Il sera abattu par une campagne de presse.
L’Affaire Salengro commence dans l’été 1936 : Gringoire (hebdomadaire nationaliste) relance une accusation de désertion remontant à 1915 (…) Salengro avait demandé l’autorisation de quitter la tranchée pour ramener le corps d’un camarade, n’était pas revenu et avait été jugé déserteur par contumace, alors qu’il était prisonnier de guerre en Allemagne. À son second procès, il est acquitté. Traqué par les journaux d’extrême droite, victime de la rumeur, Salengro se suicide au gaz, le 17 novembre 1936.
« L’ennemi numéro un […] est l’Allemagne. Après Hitler, ou, qui sait ? avant lui, sur un tout autre plan, il y a un autre ennemi. C’est la République démocratique, le régime électif et parlementaire légalement superposé comme un masque grotesque et répugnant à l’être réel du pays français. »2687
Charles MAURRAS (1868-1952), L’Action Française, 11 janvier 1937. L’Action française (1964), Eugen Weber
(…) Maurras influence toujours une classe dont il est à la fois « l’enfant terrible et la mauvaise conscience » (Roger Stéphane). À l’égard d’Hitler, sa position est simple à dire, sinon à vivre : il n’est pas contre lui en tant que dictateur ni contre le fascisme en tant que doctrine – il serait même plutôt pour un régime d’« ordre » et une puissance susceptible de contrer l’URSS . Mais il est contre Hitler menaçant la France, l’intégrité de son territoire. Un an plus tard, il écrira : « Rien pour une guerre de doctrine, tout pour la défense de notre sol sacré. »
« Je veux pas faire la guerre pour Hitler, moi je le dis, mais je veux pas la faire contre lui, pour les Juifs… On a beau me salader à bloc, c’est bien les Juifs et eux seulement, qui nous poussent aux mitrailleuses… Il aime pas les Juifs Hitler, moi non plus… »2688
Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961), Bagatelles pour un massacre (1937)
(…) Ce n’est pas le seul antisémite de ces années-là, mais c’est l’un de ceux qui s’expriment avec le plus de violence, et un génie littéraire non contestable. Ce pamphlet où la haine l’égare achève de faire l’unanimité contre lui (…)
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