« J’appartiens à ce peuple qu’on a souvent appelé élu… Élu ? Enfin, disons : en ballottage. »2791
(1866-1947), Propos, conférence à Nice (1942)
Il faut un courage certain pour faire preuve publiquement d’humour juif pendant cette guerre, quand la « solution du problème juif », selon Hitler, se voit appliquer le terme sans équivoque de solution définitive.
Le statut discriminatoire des juifs, promulgué en septembre 1940 en zone occupée, est vite étendu à la zone sud, dite (momentanément) libre, et fortement aggravé en juin 1941. Le port de l’étoile jaune est imposé en juin 1942, les rafles se font systématiques dans les villes, les juifs sont parqués dans des camps et déportés dans d’autres camps dont bien peu reviendront.
Durant la grande rafle du Vel’ d’Hiv’ à Paris (nuit du 16 au 17 juillet 1942), 13 000 juifs, hommes, femmes, enfants, sont arrêtés par la police française. Sur 8,3 millions de juifs présents en 1939 dans les pays occupés par les nazis, 6 millions sont tués entre 1940 et 1945.
« Nous vivions dans la crainte, maintenant nous allons vivre dans l’espoir. »2802
Tristan BERNARD (1866-1947), à sa femme, dans le car de la Gestapo qui emmène le couple à Drancy, 1er octobre 1943
Le Nouvel Observateur, n° 1784 (14 janvier 1999), article de Françoise Giroud.
Avec plus de cinquante comédies, vingt-cinq romans et mille traits d’esprit, il a fait rire trois générations. C’est l’esprit parisien, nuance humour juif. « Non seulement je suis juif, mais mes moyens me permettent de ne pas être israélite », dit l’auteur à succès. À 78 ans, il refuse d’écouter ceux qui l’avertissent du danger : « Comment voulez-vous qu’on fasse du mal à un Français qui est dans le dictionnaire ? »
Le couple sera sauvé par l’intervention de ses amis, Arletty et Sacha Guitry, qui ont des amis allemands. Tristan Bernard meurt deux ans après la guerre, muré dans le silence – son petit-fils n’est pas revenu du camp de Mauthausen.
« Ce crime a été commis en France par la France. Ce fut aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur. »3487
François HOLLANDE (né en 1954), Commémoration du 70e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, Paris, 22 juillet 2012
La presse (de droite) s’empresse de critiquer la déclaration du nouveau président, ne retenant que la première phrase, alors que la seconde répond à la critique. En introduction de son discours, il a précisé : « La reconnaissance de cette faute a été énoncée pour la première fois, avec lucidité et courage, par le président Jacques Chirac, le 16 juillet 1995. »
Devant ce lieu qui n’est plus qu’un nom de sinistre mémoire, « le Vel d’Hiv », Mitterrand, président, est venu en 1992, en pleine polémique sur les années sombres et le rôle de Vichy dans la « solution finale », sans prendre la parole. Après lui, Chirac, pourtant gaulliste, a reconnu publiquement et pour la première fois la responsabilité de l’État français dans cette rafle dont la seule image reste une photo d’autobus parisiens gardés par un policier français : « La France, à ce moment-là, la France, patrie des Lumières et des droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France accomplissait l’irréparable. » Sarkozy, son successeur, n’a pas voulu conforter cette reconnaissance.
Sur les 320 000 juifs vivant en France au début de l’Occupation, rappelons les 75 500 déportés vers les camps de la mort nazis – et 2 500 survivants.
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