« J’assume pleinement la responsabilité de cet échec et j’en tire les conclusions, en me retirant de la vie politique après la fin de l’élection présidentielle. »3373
(né en 1937), Déclaration du 21 avril 2002
Le Mea culpa politique est relativement rare. L’histoire contemporaine nous en offre quelques exemples. Le plus frappant est cet aveu du Premier ministre socialiste, après une cohabitation record (cinq ans) avec Chirac Président.
La gauche est hors jeu et KO, ce 21 avril, et la présidentielle va se jouer à droite toute. Jospin se présente à la télévision devant ses troupes, visage défait, voix blanche : « Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle vient de tomber comme un coup de tonnerre. Voir l’extrême droite représenter 20 % des voix dans notre pays et son principal candidat affronter celui de la droite au second tour est un signe très inquiétant pour la France et pour notre démocratie. Ce résultat, après cinq années de travail gouvernemental entièrement voué au service de notre pays, est profondément décevant pour moi et ceux qui m’ont accompagné dans cette action. Je reste fier du travail accompli. Au-delà de la démagogie de la droite et de la dispersion de la gauche qui ont rendu possible cette situation, j’assume pleinement la responsabilité de cet échec et j’en tire les conséquences en me retirant de la vie politique. »
Séisme politique et choc citoyen. Création de l’UMP (devenu Les Républicains) et réélection de Chirac face à Le Pen, avec 82 % des voix, en mai 2002. Et la retraite de Jospin sera sans retour.
« Dans ce régime, tout ce qui est réussi l’est grâce au président de la République. Tout ce qui ne va pas est imputé au Premier ministre… mais je ne l’ai compris qu’au bout d’un certain temps. »2937
Jacques CHABAN-DELMAS (1915-2000)
Vie politique sous la Cinquième République (1981), Jacques Chapsal
Cette loi se dégage à mesure que passent les gouvernements : les « fusibles » sont faits pour sauter. Chaban-Delmas l’a éprouvé en étant le « second » de Pompidou – président de la République après de Gaulle.
Le battant sort vaincu de ce duo qui tourna au duel et (injustement) à son désavantage : sa carrière politique n’est pas à la mesure du personnage et de cette « nouvelle société » promise à la France.
« J’ai été avocat pendant 28 ans et garde des Sceaux pendant 28 jours. Si je suis le seul ministre de la Justice à ne pas avoir commis d’erreur, c’est parce que je n’ai pas eu le temps. »3257
Michel CRÉPEAU (1930-1999), succèdant à Robert Badinter, le 19 février 1986
Palmarès du prix Press Club, humour et politique, 1998
Badinter, lui aussi avocat, est très connu par les affaires qu’il a plaidées, la plus illustre étant l’abolition de la peine de mort, au début du premier septennat de Mitterrand. Il est nommé président du Conseil constitutionnel. Crépeau prend sa place au gouvernement et déclare : « On ne remplace pas Robert Badinter, on lui succède. » Il restera moins d’un mois, d’où ce mot.
Pour cet aveu de modestie rare en politique et prononcé deux ans après, il sera nommé plus tard pour le prix de l’humour politique – rendez-vous pour les amateurs de bons mots, et source sérieuse.
On croit entendre Turenne, grand maréchal de France au siècle de Louis XIV : « Quand un général prétend n’avoir jamais fait de fautes, il me persuade qu’il n’a jamais fait la guerre longtemps ».
« J’ai changé […] J’ai changé parce que l’élection présidentielle est une épreuve de vérité à laquelle nul ne peut se soustraire. Parce que cette vérité je vous la dois […] Je la dois aux Français. »3330
Nicolas SARKOZY (né en 1955), ministre de l’Intérieur, au Congrès de l’UMP, 14 janvier 2007
La thématique du changement scande ses propos, dès son entrée en campagne : « J’ai changé parce qu’à l’instant même où vous m’avez désigné, j’ai cessé d’être l’homme d’un seul parti, fût-il le premier de France… » Le battant fend déjà l’armure : « J’ai changé parce que les épreuves de la vie m’ont changé. On ne peut pas partager la souffrance de celui qui connaît un échec professionnel ou une déchirure personnelle, si on n’a pas souffert soi-même. J’ai connu l’échec, et j’ai dû le surmonter. » Mea culpa.
À peine élu, la popularité du « président bling-bling » s’effondre : Sarkozy doit faire savoir qu’il a changé à nouveau. L’exercice du pouvoir l’a rendu meilleur, il a pris la pleine mesure de sa fonction. Son entourage passe le message.
Fin 2008, après sa présidence de l’Union européenne en pleine crise mondiale, il confie aux députés européens : « J’ai essayé de bouger l’Europe, mais l’Europe m’a changé. Lorsqu’on a la chance pendant six mois de connaître et d’avoir à trancher des problèmes de 27 pays, on gagne en tolérance, on gagne en ouverture d’esprit. »
Le président des riches et du bouclier fiscal se posera en « candidat du peuple contre l’entre-soi des élites » (Annecy, 16 février 2012). L’homme agité se calme, désapprend la haine, affiche discrètement son bonheur personnel, s’intéresse à la culture, cependant que la voix devient plus grave, le débit plus lent, les tempes grisonnent. « Le pouvoir l’a transformé », assure sa porte-parole de campagne, Nathalie Kosciusko-Morizet.
Posture ou réalité ? On s’interroge sans fin sur cet animal politique et médiatique, qui a toujours réponse à tout. D’où ce livre, La France pour la vie, présenté comme un Mea culpa.
L’histoire offre d’autres exemples d’aveux étonnants - signés Louis XIV et Napoléon.
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