Joseph Laniel : « L’adversaire a voulu, avant que ne s’ouvre la conférence de Genève sur l’Indochine, obtenir la chute de Diên Biên Phu... » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Quatrième République

Pierre Mendès France

Mendès France, arrivé au gouvernement en juin 1954, un mois après la chute de Diên Biên Phû, liquide l’affaire indochinoise en signant les accords de Genève qui consacrent la division du Viêt-nam en deux zones (juillet 1954). Mais, refusant d’être l’homme du système, il ne reste au pouvoir que sept mois, sans parvenir à surmonter les blocages et l’instabilité inhérents à la IVe République.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« L’adversaire a voulu, avant que ne s’ouvre la conférence de Genève sur l’Indochine, obtenir la chute de Diên Biên Phu. Il a cru pouvoir porter un coup décisif au moral de la France. »2889

Joseph LANIEL (1889-1975), président du Conseil, Assemblée nationale, 7 mai 1954. Jours de gloire et jours cruels, 1908-1958 (1971), Joseph Laniel

La guerre d’Indochine a commencé fin 1946. Les gouvernements ont été maladroits à gérer l’affaire indochinoise, l’opinion publique se désintéressant de ce conflit lointain où ne sont engagés que des soldats professionnels et des auxiliaires « indigènes ». Le pays se réveille à la « gifle de Diên Biên Phû » : après une résistance héroïque de 55 jours, c’est la défaite d’une armée française encerclée dans la cuvette par les forces du Viêt-minh (…)

Le gouvernement Laniel est renversé, sur la question de l’Indochine, et Mendès France le remplace, annonçant qu’il obtiendra un cessez-le-feu avant le 20 juillet.

« La démocratie, c’est d’abord un état d’esprit. »2890

Pierre MENDÈS FRANCE (1907-1982), La République moderne (1962)

Sa déclaration d’investiture, le 17 juin 1954 à l’Assemblée, est plutôt musclée : « Je ferai appel […] à des hommes capables de servir, à des hommes de caractère, de volonté et de foi. Je le ferai sans aune préoccupation de dosage […] Il n’y aura pas de ces négociations interminables que nous avons connues ; je n’admettrai ni exigence ni vetos. Le choix des ministres, en vertu de la Constitution, appartient au président du Conseil investi, et à lui seul. Je ne suis pas disposé à transiger sur les droits que vous m’auriez donnés par votre investiture. » Bref, il ne sera pas l’homme du système (…)

« En ce jour anniversaire qui est aussi celui où j’assume de si lourdes responsabilités, je revis les hautes leçons de patriotisme et de dévouement au bien public que votre confiance m’a permis de recevoir de vous. »2891

Pierre MENDÈS FRANCE (1907-1982), Télégramme au général de Gaulle, 18 juin 1954. Mendès France au pouvoir (1965), Pierre Rouanet

Son premier jour au pouvoir coïncide avec celui de l’Appel, il y a quatorze ans, et Mendès France avoue alors avoir trois grands hommes comme modèle : Poincaré, Blum et de Gaulle.

Le troisième homme est sceptique sur les chances du nouveau chef du gouvernement : « Vous verrez, ils ne vous laisseront pas aller jusqu’au bout ». Sept mois et dix-sept jours (…)

« Il cherche plutôt à trancher qu’à s’accommoder, ce qui lui vaut, surtout auprès des jeunes, un prestige certain. Quand on l’aura vu à l’œuvre, on s’apercevra qu’il est dans sa manière de prendre les problèmes l’un après l’autre, en quelque sorte à la gorge, sans s’y attarder. Son attitude est celle d’un liquidateur. »2892

André SIEGFRIED (1875-1959), Préface à l’Année politique 1954

Mendès France prend d’abord l’affaire indochinoise à bras-le-corps : il s’engage à en finir avant le 20 juillet, sinon il démissionnera. Les accords de Genève sont signés dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954. Le Vietnam est partagé en deux zones, le Nord étant abandonné au communisme et à l’influence chinoise (et bientôt soviétique), l’influence occidentale (et bientôt américaine) prévalant dans le Sud (…)

« Quand un peuple n’a plus la direction de son armée, a-t-il encore la direction de sa diplomatie ? »2893

Édouard HERRIOT (1872-1957), Assemblée nationale, 30 août 1954. La France du XXe siècle : documents d’histoire (2004), Olivier Wieviorka, Christophe Prochasson

Oui ou non, l’Assemblée va-t-elle ratifier le traité de la Communauté européenne de défense (CED), signé à Paris le 27 mai 1952 par les six membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier ? Pour contourner le réarmement de la RFA, on créerait une « armée européenne » supranationale intégrant des unités allemandes de petite dimension. L’affaire traîne depuis deux ans, et Mendès France a promis de la régler. D’où le débat à l’Assemblée. Herriot est contre la CED. Communistes et gaullistes sont également « anticédistes ». Le MRP est pour. Radicaux et modérés sont partagés, comme le parti socialiste.

« Notre devoir est de tenter un dernier effort pour sauver ce qui est pour nous l’essentiel […] : l’amitié avec nos alliés, la solidarité atlantique et l’indépendance de la France. »2894

Christian PINEAU (1904-1995), Assemblée nationale, 30 août 1954. Faire l’Europe sans défaire la France (2005), Gérard Bossuat

Socialiste, il plaide pour la Communauté européenne de défense (CED), dans un climat explosif (…)

À la suite de ce débat passionné, le projet est rejeté et ses partisans taxeront ce refus de « crime du 30 août ». L’Assemblée nationale adoptera une solution de rechange : le 30 décembre 1954, elle accepte l’entrée de la RFA dans le Pacte Atlantique (créé le 4 avril 1949).

« L’Algérie, c’est la France. »2895

François MITTERRAND (1916-1996), ministre de l’Intérieur du gouvernement Mendès France, 5 novembre 1954. Pierre Mendès France (1981), Jean Lacouture

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, une insurrection éclate en Algérie. Mitterrand s’associe à la position du président du Conseil, Mendès France : « Qu’on n’attende de nous aucun aménagement avec la sédition, aucun compromis avec elle […] Les départements de l’Algérie font partie de la République, ils sont français depuis longtemps […] Entre la population algérienne et la métropole, il n’est pas de sécession concevable […] Jamais la France, jamais aucun Parlement, jamais aucun gouvernement ne cédera sur ce principe fondamental. » (…)

« Les hommes passent, les nécessités nationales demeurent. »2896

Pierre MENDÈS FRANCE (1907-1982), Assemblée Nationale, nuit du 4 au 5 février 1955. Pierre Mendès France (1981), Jean Lacouture

L’Assemblée vient de lui refuser la confiance (319 voix contre 273) : par peur d’une politique d’« aventure » en Afrique du Nord. On l’accuse, dans son discours de Carthage, d’avoir encouragé la rébellion des Tunisiens et des fellagas d’Algérie, alors qu’il est partisan déclaré de l’Algérie française, dont il a renforcé la défense. Contrairement aux usages et sous les protestations, il remonte à la tribune pour justifier son action.

Mendès France est resté populaire dans le pays, mais de nombreux parlementaires déplorent ses positions cassantes, aux antipodes des compromis et compromissions de la Quatrième République (…)

« Il faudrait être bien inattentif pour croire que l’action de Pierre Mendès France fut limitée aux quelque sept mois et dix-sept jours passés de juin 1954 à février 1955 à la tête du gouvernement de la République. Un été, un automne, quelques jours. L’Histoire ne fait pas ces comptes-là. Léon Blum pour un an, Gambetta et Jaurès, pour si peu, pour jamais, pour toujours. »2897

François MITTERRAND (1916-1996), Cour d’honneur de l’Assemblée nationale, Discours du 27 octobre 1982. Le Pouvoir et la rigueur : Pierre Mendès France, François Mitterrand (1994), Raymond Krakovitch

Tel sera l’hommage solennel de François Mitterrand, devenu président de la République, à la mort de Pierre Mendès France.

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