Deuxième République
Une République qui se cherche toujours, dans un climat de crise économique, d’affrontements idéologiques et de peur sociale.
La nouvelle Assemblée législative (élue au suffrage universel le 13 mai 1849) a une majorité de conservateurs (parti de l’Ordre). Mais cela ne les rassure pas : les démocrates l’emportent à Paris et dans certaines villes industrielles. La nouvelle insurrection de juin sera l’occasion de liquider l’opposition démocratique. Quant au rôle politique des femmes, il n’est pas à l’ordre du jour !
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Plus ça change, plus c’est la même chose. »2193
Alphonse KARR (1808-1890), titre de deux recueils d’articles, Les Guêpes, janvier 1849
Le journaliste multiplie les pamphlets dans sa revue de satire politique, sans savoir à quel point l’avenir va lui donner raison. « L’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète », écrira Paul Morand (Fermé la nuit). En vertu de quoi la République, bientôt volée aux républicains, débouchera donc sur l’Empire.
« Née de l’émeute, comme la Monarchie de Juillet, la deuxième République se mettait tout de suite de l’autre côté de la barricade. »2194
Jacques BAINVILLE (1879-1936), Histoire de France
La tendance s’affirme avec la nouvelle assemblée. La Législative, élue au suffrage universel le 13 mai 1849, montre l’opinion partagée entre deux grands courants. Le parti de l’Ordre, conservateur, a 53 % des voix et quelque 500 élus (légitimistes, orléanistes, républicains modérés et bonapartistes). Les démocrates-socialistes, à leur tête Ledru-Rollin, ont 35 % des voix et quelque 180 élus. Un troisième groupe, dit des républicains de la veille, obtient 70 députés, 12 % des voix (…)
« Une Assemblée législative, entièrement composée d’hommes, est aussi incompétente pour faire les lois qui régissent une société composée d’hommes et de femmes, que le serait une assemblée composée de privilégiés pour discuter les intérêts des travailleurs, ou une assemblée de capitalistes pour soutenir l’honneur du pays. »2195
Jeanne DEROIN (1805-1894). Histoire du féminisme français, volume II (1977), Maīté Albistur, Daniel Armogathe
Journaliste, elle a fait placarder cette proclamation sur les murs de Paris lors de la campagne pour les élections à la Législative – la Constituante du 23 avril 1848 ayant purement et simplement interdit aux femmes d’assister aux réunions politiques.
« C’est l’absence des femmes qui permet aux hommes d’aborder journellement les questions sérieuses. »2196
Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), Améliorations à introduire dans nos mœurs et nos habitudes parlementaires (1856)
Parler ici de misogynie serait pécher par anachronisme. Même une féministe comme George Sand repousse l’idée de la femme entrant en politique. Il faut attendre encore un siècle pour que soit reconnu en France le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes dans tous les domaines - y compris le vote et l’éligibilité.
« Nous ne comprenons pas plus une femme législatrice qu’un homme nourrice. »2197
Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865), Le Peuple, mai 1849. Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement (1998), Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière
Il écrit aussi, en janvier 1849, dans L’Opinion des femmes : « La femme ne peut être que ménagère ou courtisane. » Bien que socialiste, Proudhon s’inscrit dans la logique de son temps et de cette Deuxième République : « Nous ne savons si, en fait d’aberrations étranges, le siècle où nous sommes est appelé à voir se réaliser à quelque degré celle-ci : l’émancipation des femmes. Nous croyons que non. » (La Liberté, 15 avril 1848).
« Je suis leur chef, il fallait bien les suivre. »2198
LEDRU-ROLLIN (1807-1874), au lendemain de l’insurrection du 13 juin 1849. Ledru-Rollin (1859), Eugène de Mirecourt
Cette biographie à charge tend à ridiculiser ou minimiser le personnage, mais la réplique, souvent citée, très prisée des dictionnaires étrangers, est quand même celle d’un antihéros, conscient des limites de son rôle dans l’histoire. Chef des démocrates débordé par ses troupes lors d’une manifestation (13 juin 1849), déchu de son mandat de député, fuyant en Angleterre, condamné par contumace, il ne rentre en France que sous la Troisième République (…)
« Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent. »2199
Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), président de la République, justifiant la condamnation de Ledru-Rollin et vingt autres montagnards, juin 1849. Formule reprise en 1858, après l’attentat d’Orsini, par le général Espinasse (1815-1859), ministre de l’Intérieur et de la Sûreté générale.
Suite à la manifestation du 13 juin qui a dégénéré en émeute, le président précise : « Ce système d’agitation entretient dans le pays le malaise et la défiance qui engendrent la misère ; il faut qu’il cesse. » Ce langage ne peut que plaire à un peuple éprouvé par les événements et cette dernière insurrection n’a pas trouvé un réel appui populaire. Le gouvernement, avec la majorité à la Chambre, en profite pour liquider l’opposition démocratique (…)
« On craint une folie impériale. Le peuple la verrait tranquillement. »2200
Élise THIERS (1818-1880), née Dosne. Napoléon III (1969), Georges Roux
Elle témoigne, ayant vu Louis-Napoléon Bonaparte passer en revue les troupes, le 4 novembre 1849. Le président est particulièrement populaire dans l’armée : il multiplie les grandes revues, augmente la solde des sous-officiers. Celui qu’on appelle déjà le « prince Louis-Napoléon » mène une politique personnelle, se fait acclamer en province, crée son propre parti, ses journaux. Les craintes de Mme Thiers sont justifiées et la carrière de son mari marquera un temps d’arrêt, sous le Second Empire.
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