Les antidreyfusards sont majoritaires en France, pour des raisons différentes. La tenue du procès, c’est déjà une première victoire des dreyfusards. Son issue verra le triomphe de la justice et de la vérité - logique, au pays des droits de l’homme. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire et l’antisémitisme ne désarme pas.
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« L’intervention d’un romancier, même fameux, dans une question de justice militaire m’a paru aussi déplacée que le serait, dans la question des origines du romantisme, l’intervention d’un colonel de gendarmerie. »2519
(1849-1906), Après le procès (1898)
Intellectuel type, historien de la littérature et critique français, professeur à l’École normale supérieure et à la Sorbonne, directeur de la Revue des Deux Mondes, Brunetière est antidreyfusard par respect des institutions, comme il est conservateur en littérature, par fidélité aux classiques. Rejetant l’engagement dreyfusard de Zola et refusant lui-même de se prononcer sur la culpabilité du capitaine Dreyfus, il déclare seulement que « porter atteinte à l’armée, c’est fragiliser la démocratie. » Beaucoup d’antidreyfusards vont aller plus loin.
« La révision du procès de Dreyfus serait la fin de la France. »2520
Henri ROCHEFORT (1831-1913), 1er mai 1898. Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement (1998), Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière
Cité souvent et à juste titre pour son humour cinglant, Rochefort s’impose en polémiste antidreyfusard. Son journal, l’Intransigeant, dénonce le syndicat des dreyfusards et soutient le camp des antidreyfusards, majoritaires, mais plus ou moins militants.
Parmi les intellectuels, Maurras se distingue. Lui aussi met en avant l’honneur de l’armée, mais en 1900, il rejoint l’Action française (mouvement créé en 1899), pour défendre le pays contre les juifs, les francs-maçons, les protestants et les « métèques ». Théoricien du « nationalisme intégral », il écrit en décembre 1898 à Barrès : « Le parti de Dreyfus mériterait qu’on le fusillât tout entier comme insurgé. » L’Action française sera très présente dans l’entre-deux-guerres, avec son journal éponyme dont les lecteurs apprécient la qualité, sinon les idées politiques.
La Ligue de la Patrie française, plus modérée, réunit nombre d’écrivains et académiciens, joints à des artistes et des mondains : Maurice Barrès, François Coppée, Jules Lemaître et Paul Bourget, les peintres Degas et Renoir, les dessinateurs Forain et Caran d’Ache, le compositeur Vincent d’Indy.
La Ligue des patriotes, créée par Paul Déroulède en 1882 (pour la revanche, contre l’Allemagne), rassemble la majorité des nationalistes antidreyfusards. Déroulède croit Dreyfus innocent et rejette les slogans antisémites, mais l’honneur de la patrie et de l’armée passe avant tout. La justice militaire qui doit faire autorité ne peut donc être remise en cause. La Ligue atteindra 300 000 membres, avant de disparaître en 1905.
Beaucoup d’officiers sont antidreyfusards par esprit de corps. Et trois hommes politiques célèbres se déclarent contre la révision du procès : Cavaignac, ministre de la Guerre, qui s’opposera à la seconde révision, réclamée par Jaurès ; Félix Faure, président de la République durant la période où la révision est refusée ; enfin, Jules Méline, le président du Conseil qui s’y oppose également. Mais en juin 1899, la Cour de cassation annule la condamnation de Dreyfus.
« Aujourd’hui, la vérité ayant vaincu, la justice régnant enfin, je renais, je rentre et reprends ma place sur la terre française. »2524
Émile ZOLA (1840-1902), L’Aurore, 5 juin 1899
Le 3 juin, la Cour de cassation, « toutes Chambres réunies », s’est prononcée pour « l’annulation du jugement de condamnation rendu le 22 décembre 1894 contre Alfred Dreyfus ». Dreyfus a été sauvé par les « dreyfusards » ou « révisionnistes » : gracié par le président de la République, il sera réintégré dans l’armée en 1906.
« Envions-le [Zola], sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand : il fut un moment de la conscience humaine. »2536
Anatole FRANCE (1844-1924), Éloge funèbre d’Émile Zola, 5 octobre 1902
Discours prononcé au cimetière de Montmartre, lors de l’enterrement de Zola. Anatole France fait naturellement allusion au combat mené par son confrère pour que la vérité éclate enfin dans l’affaire Dreyfus. Lui-même fit partie de ces intellectuels engagés dans le camp des « révisionnistes ».
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