Siècle des Lumières. Règne de Louis XVI.
L’Assemblée de la dernière chance.
C’était une idée de Calonne, mais que pouvait-on encore attendre de ces notables accrochés à leurs privilèges ? Le roi qui a renvoyé le très populaire Calonne fait soudain acte d’autorité contre le Parlement, sans en avoir les moyens. Reflet de l’opinion publique, le ton des chansons se durcit et le pape est pour la première fois attaqué.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« La grande nouvelle du jour est la convocation d’une assemblée nationale, qui produit dans le public la plus vive sensation. On voit avec autant d’admiration que de reconnaissance notre monarque appeler à lui la nation. »1247
Chroniqueur
Montesquieu et le problème de la Constitution française au XVIIIe siècle (1927), Élie Carcassonne.
Calonne réunit l’Assemblée des notables le 22 février 1787. On compare Louis XVI à Charlemagne ! C’est le roi qui a choisi les notables, personnalités prises dans les trois ordres. Mais c’est un contresens historique de voir dans les 144 membres, en majorité nobles, les représentants de la nation.
« Ils sont toujours en retard d’une armée, d’une année et d’une idée. »1248
RIVAROL (1753-1801), jugeant la haute noblesse de son temps. Promenades littéraires (1904), Rémy de Gourmont
Les notables convoqués le 22 février 1787 vont mériter la sévérité de Rivarol, écrivain pourtant royaliste (…) Calonne présente sa réforme, avec la création d’une « subvention territoriale » (…) Ce nouvel impôt frappera tous les revenus fonciers, la plupart des (gros) propriétaires terriens appartenant à la noblesse et au clergé. Les 144 notables s’opposent au projet de Calonne (…) Le roi renvoie son ministre, le 10 avril.
« [Les législateurs] n’ont-ils pas violé le principe de l’égalité des droits, en privant tranquillement la moitié du genre humain de celui de concourir à la formation des lois, en excluant les femmes du droit de cité ? »1249
Marquis de CONDORCET (1743-1794), Lettres d’un bourgeois de Newhaven à un citoyen de Virginie (1787)
Philosophe et scientifique, influencé par la Révolution américaine qui contribue à répandre plus largement en France les idées nouvelles de liberté et d’égalité, quand les officiers et leurs troupes reviennent de la guerre d’Indépendance gagnée. Condorcet fait partie des intellectuels qui croient possible une réforme du régime (…) La Révolution telle qu’il la vivra et en mourra sera pour lui un dramatique échec.
« Notre saint père est un dindon
Le calotin est un fripon
Notre archevêque un scélérat
Alleluya. »1250Première chanson anticléricale attaquant le pape (sans titre, et sans auteur). Dictionnaire des chansons de la Révolution (1988), Ginette Marty, Georges Marty
Le clergé était une cible habituelle, mais à la veille de la Révolution, Pie VI en personne est mis en cause. Ce n’est que le début des ennuis pour le 248e pape qui verra passer non seulement la Révolution française, mais aussi la campagne d’Italie de Napoléon Bonaparte.
« Il faudrait au moins que l’archevêque de Paris crût en Dieu ! »1251
LOUIS XVI (1754-1793). Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (1889), Adolphe Robert et Gaston Cougny
Roi très pieux, il refusa en ces termes à Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, la place que Marie-Antoinette voulait lui faire obtenir à Paris. Le roi n’apprécie pas cet homme, ni ses mœurs. Il le refuse aussi comme successeur aux Finances de Calonne dont il a dû se débarrasser en avril 1787 (…) Il est ensuite contraint de le prendre, et va même en faire son Premier ministre (…)
« Les notables ont fini […]
Leurs sacrés brouillamini.
Mais leur compte est foutu :
Ils s’en retournent la pelle au cul. »1252Considérations politiques de Messieurs les notables de la halle au pain (1787), chanson. Robespierre : la vérité de la Révolution (1992), Jean Huguet
Le ton se durcit. Le peuple a compris et perdu tout espoir : en ces Messieurs qui n’ont rien voulu céder de leurs privilèges, et dans le roi qui a cédé en renvoyant Calonne. Dans cette chanson poissarde, la défiance et l’amertume ont déjà un ton révolutionnaire. Le dernier couplet demande le retour d’un « brave et sage étranger » qui « change le mal en bien » : Necker. Mais le roi maintient Brienne, soutenu par Marie-Antoinette.
« C’est légal parce que je le veux ! »1253
LOUIS XVI (1754-1793), au duc d’Orléans, Parlement, 19 novembre 1787. Histoire de France (1892), Victor Duruy
L’un des derniers épisodes de la guerre entre le roi et ses magistrats (…) Louis XVI se rend au Parlement pour imposer l’enregistrement d’un édit autorisant à émettre une série d’emprunts de 420 millions de livres. Le jeune duc d’Orléans, chef de la branche cadette et premier prince de sang, l’un des plus constants opposants au roi son cousin, ose qualifier d’illégale la procédure. D’où la réplique du roi (…)
« Les abus tolérés et l’oubli des règles amènent le mépris des lois, et le mépris des lois prépare la chute des empires. »1254
Parlement de Rennes, décembre 1787. Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Ernest Lavisse, Paul Vidal de La Blache
Le Parlement prend ainsi la défense du duc d’Orléans contre le roi : l’enregistrement de l’édit fiscal n’est qu’un prétexte, la belle maxime politique purement formelle, cependant que la fronde devient systématique. C’est l’attitude adoptée par l’ensemble des magistrats et des Parlements de France. Louis XVI, en désespoir de cause, va tenter avec Brienne une politique à la Maupeou : supprimer les Parlements. La réaction ne peut être que violente.
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