« La journée est nôtre, mes amis ! »
(1320-1380), Cocherel, 16 mai 1364
Chronique de Charles le Mauvais (1963), François Piétri.
La guerre a repris, après quatre ans de trêve, à la suite du traité de Brétigny (1360) qui a libéré le roi Jean II le Bon, mais laissé aux Anglais Calais, le Poitou et le Sud-Ouest – soit un tiers de la France.
Les Français ont désormais dans leur rang un vaillant capitaine : Du Guesclin, 45 ans, l’aîné de dix enfants d’une famille bretonne.
Pour fêter l’avènement du nouveau roi, il affronte près d’Évreux les Anglo-Navarrais, commandés par Charles le Mauvais. Prenant leçon des erreurs commises à Crécy et Poitiers, Du Guesclin adopte une nouvelle tactique de harcèlement, contraignant l’ennemi à un corps à corps où les archers anglais deviennent inutiles.
« Le roi leva les mains au ciel et rendit grâce à Dieu de la bonne victoire qu’Il lui avait donnée. À Reims, où on craignait une défaite, ce fut un indescriptible enthousiasme quand un héraut annonça la nouvelle. »
Christine de PISAN (vers 1364-vers 1430), Livre des faits et bonnes moeurs du sage roi Charles le Quint
Charles V est à Reims pour son sacre, le 19 mai 1364, quand il apprend la victoire remportée sur les Anglais par son capitaine Du Guesclin. Charles le Mauvais signe le traité de Vernon (mai 1365) et désormais, il ne s’occupera plus que de son royaume de Navarre. Mais la guerre continue avec les Anglais.
« Il n’y a fileuse en France qui sache fil filer, qui ne gagnât ainsi ma fiance à filer. »
Bertrand DU GUESCLIN (1320-1380), au prince de Galles qui l’a fait prisonnier à Nájera, le 3 avril 1367. Histoire de France, tome III (1837), Jules Michelet
À la demande du roi, Du Guesclin est en Espagne, pays déchiré par la guerre civile : il a emmené quelques Grandes Compagnies qui ravageaient la France et les a mises au service du nouveau roi de Castille. Mais son rival, Pierre le Cruel, soutenu par les Anglais, reprend le combat. Défait dans cette bataille livrée contre son avis, captif avec ses lieutenants, Du Guesclin a fixé lui-même sa rançon à 100 000 florins. Voyant la stupeur du Prince Noir devant l’énormité de la somme, il l’abaisse à 60 000. L’ennemi doutant encore d’être payé, Du Guesclin répond fièrement : « Monseigneur, le roi de Castille en payera moitié, et le roi de France le reste, et si ce n’était pas assez, il n’y a fileuse… »
Charles V tient à récupérer son précieux capitaine, libéré après règlement d’une partie de la somme – les rançons étant alors rarement payées dans leur totalité. Il le fera connétable de France (chef des armées), en 1370.
« Cher sire et noble roi […] je suis un pauvre homme de modeste origine, et l’office de connétable est si haut et si noble qu’il faut, si l’on veut bien s’en acquitter, exercer et établir son autorité très avant, et plutôt sur les grands que sur les petits. Et voici mes seigneurs vos frères, vos neveux et vos cousins […] Comment oserai-je étendre sur eux mon commandement ? »
Bertrand DU GUESCLIN (1320-1380), au roi Charles V, 2 octobre 1370. Chroniques, Jean Froissart
Simple gentilhomme, élevé par le roi à la fonction de chambellan, il craint de ne pouvoir se faire obéir des hauts barons du royaume, à quoi le roi répond : « Messire Bertrand, ne vous récusez point de la sorte, car je n’ai ni frère, ni neveu, comme ni baron qui ne vous obéisse ; et si quelqu’un était dans des dispositions contraires, il me courroucerait tellement qu’il s’en repentirait. Acceptez donc l’offre de bon gré, je vous en prie. »
Pendant dix ans, presque sans trêve, Du Guesclin va justifier la confiance du roi, reconquérant méthodiquement sur les Anglais et leurs alliés la majeure partie du pays : Poitou, Maine et Anjou, le bocage normand, une partie de la Bretagne, presque toute la Normandie. Il refusera seulement, à la fin, de porter à nouveau la guerre en Bretagne, sa province natale. Ses hommes désertent, lui-même est soupçonné à tort de trahison et rend son épée de connétable au roi. Charles V reconnaît son erreur et retrouve son très cher connétable.
« Mieux vaut pays pillé que terre perdue. »
Bertrand DU GUESCLIN (1320-1380), à Charles V le Sage. Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Ernest Lavisse, Paul Vidal de La Blache
Le roi écoute les conseils de son connétable, à tel point que ce précepte lui est parfois attribué. Ayant peu de goût pour les armes, contrairement à son père et aux chevaliers du temps, il a d’autant plus besoin d’un guerrier de valeur à ses côtés.
Du Guesclin sait que les Anglais sont supérieurs en nombre et il évite les grandes batailles toujours coûteuses en hommes. Il préfère harceler l’ennemi. Et il laissera plusieurs fois les Anglais incendier récoltes et villages, pour tenir simplement villes et châteaux en Normandie, Bretagne et Poitou.
L’ennemi, dans une marche épuisante et vaine, peut perdre en quelques mois près de la moitié de ses hommes et de ses chevaux.
« Je ne regrette en mourant que de n’avoir pas chassé tout à fait les Anglais du royaume comme je l’avais espéré ; Dieu en a réservé la gloire à quelque autre qui en sera plus digne que moi. »
Bertrand DU GUESCLIN (1320-1380), son mot de la fin, le 13 juillet 1380. Histoire de Bertrand du Guesclin (1787), Guyard de Berville
Le connétable assiége la place forte de Châteauneuf-de-Randon (Lozère). Victime d’une congestion brutale, il remet son épée au maréchal de Sancerre, pour qu’il la rende au roi dont il demeure « serviteur et le plus humble de tous ». Restent aux Anglais la Guyenne (Aquitaine), Brest, Cherbourg, Calais. Le gouverneur anglais de la ville avait dit qu’il ne se rendrait qu’à lui : il déposera les clefs de la cité, sur son cercueil.
Du Guesclin voulait être enterré en Bretagne, mais Charles V ordonne que sa dépouille rejoigne celle des rois de France, en la basilique de Saint-Denis. Insigne et ultime honneur.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.