« Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. »
Maximilien ROBESPIERRE (1758-1794), Convention, Rapport du 7 mai 1794 (décret du 18 floréal an II). Le XIXe siècle et la Révolution française (1992), Maurice Agulhon
La déchristianisation de la France est en bonne voie : cloches fondues pour récupérer le métal, calendrier républicain où les saints ont disparu, inscription à l’entrée des cimetières décrétant que « la mort est un repos éternel » (par arrêté de Fouché), repos dominical et fêtes religieuses supprimées. Mais Robespierre sait que le peuple a besoin d’une forme de spiritualité, ne serait-ce que pour encourager le civisme.
Mettant en accord idées religieuses et principes républicains, il réaffirme que « le fondement de la société, c’est la morale (au nom de quoi) il sera institué des fêtes pour appeler l’homme à la poésie de la divinité ».
La fête de l’Être suprême, couronnement spirituel de la démocratie selon Robespierre, est fixée au 8 juin.
« Ayez des fêtes générales et plus solennelles pour toute la République ; ayez des fêtes particulières et pour chaque lieu qui soient des jours de repos […] Que toutes tendent à réveiller les sentiments généreux qui font le charme et l’ornement de la vie humaine, l’enthousiasme de la liberté, l’amour de la patrie, le respect des lois. »
Maximilien ROBESPIERRE (1758-1794). Robespierre, écrits (1989), Claude Mazauric
Couronnement spirituel de la démocratie selon Robespierre, la fête de l’Être suprême a lieu le 8 juin : Fête du 20 prairial an II, grandiose spectacle mis en scène par le peintre David. Bouquet d’épis, de fruits et de fleurs à la main, Robespierre marche en tête du cortège, des Tuileries au Champ de Mars, devant une foule estimée à 400 000 personnes (pour 600 000 Parisiens à l’époque). Chiffre sans doute exagéré, mais les tableaux et gravures témoignent de cette énorme masse humaine, comparable, quatre ans plus tôt, au rassemblement national, à la Fête de la Fédération.
Comme à la Fédération, il y a quelques ricanements, et quelques mots contre le tyran du jour, mais on sent surtout beaucoup d’émotion, d’admiration et d’espoir.
Robespierre est le premier à croire à cette utopie. Il est déiste à la manière de Rousseau, et non athée (comme Fouché, Hébert ou Danton). Le culte de l’Être suprême, influencé par la pensée des philosophes du siècle des Lumières, est une « religion » qui se traduit par une série de fêtes civiques : le but est de réunir périodiquement les citoyens et de « refonder » spirituellement la Cité, mais surtout de promouvoir des valeurs sociales, abstraites et majuscules, comme l’Amitié, la Fraternité, le Genre humain, l’Enfance, la Jeunesse ou le Bonheur.
« On crut que Robespierre allait fermer l’abîme de la Révolution. »
Jacques François MALLET du PAN (1749-1800), après la fête de l’Être suprême, juin 1794. La Révolution française, 1789-1799 (1948), Albert Soboul
Réfugié à Berne, rapporteur pour les cours étrangères, il témoigne également dans ses Mémoires.
Après les fureurs de la déchristianisation (culte de la Raison) et de la Terreur révolutionnaire, cette manifestation nationale du 20 prairial an II impressionne et rassure les voisins de la France. Mais ça ne dure guère, et la nouvelle religion n’adoucit pas les moeurs.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.