Les années Chirac, Sarkozy et Hollande
François Hollande face à l’effritement européen
Le prix Nobel de la Paix 2012 récompense l’Union européenne, et ses efforts pour préserver la paix. Cette distinction a un goût amer, tant le vieux continent traverse une période mouvementée, entre la crise économique grecque qui s’enlise et le désamour croissant des peuples pour le projet européen. François Hollande tente de préserver le couple franco-allemand, mais il doit faire face à un eurosceptisme attisé par Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen. Mais après six mois de présidence, Hollande se montre pourtant plus à l’aise à l’international que dans les débats franco-français d’ordre politique, économique, social ou sociétal. Qui l’eût cru ?
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Dans la tourmente, l’Europe reçoit le prix Nobel de la paix. »3494
Le Monde, dépêche AFP, 10 décembre 2012
L’Union européenne des 27 pays, représentée à Oslo par une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement, dont le couple vedette franco-allemand, Hollande et Merkel, a été couronnée deux mois plus tôt par le Nobel de la paix, pour son rôle dans la transformation « d’un continent de guerre en continent de paix ».
Selon la presse internationale, cette récompense intervient alors que l’UE affiche un « état d’effritement évident ». David Cameron, pour ne pas heurter les conservateurs eurosceptiques favorables à une sortie de l’Union, a envoyé son vice-premier ministre représenter la Grande-Bretagne. Le président de la République tcheque, Vaclav Klaus, connu pour son hostilité personnelle à une Europe intégrée pourtant voulue par son peuple, qualifie la décision du comité Nobel de « farce tragique ». En Grece, premier pays touché par la crise, les journaux rappellent l’amertume d’une population condamnée à une politique d’austérité sans précédent, (…)
« L’UE est l’ensemble régional le plus intégré du monde, et c’est aussi celui où ont eu lieu les conflits les plus sanglants. Les deux guerres mondiales ont été en réalité des guerres européennes, même si elles ont aussi enflammé la planète. »3495
Pierre MOSCOVICI (né en 1957), ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement Ayrault, ex-ministre délégué chargé des Affaires européennes du gouvernement Jospin, ex-député européen, AFP, 12 octobre 2012
De Tokyo, où il participe à l’assemblée générale du FMI et de la Banque mondiale, le ministre a salué l’attribution du Nobel de la paix à l’Union européenne comme « la récompense d’un processus historique unique. » Il souligne le chemin parcouru depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, évoquant « une Europe unie, vivant en paix et avec des institutions solides. » (…)
« D’habitude, les rassemblements entre peuples ou entre pays sont le résultat de la guerre et en tout cas de la domination des plus puissants sur les plus faibles. C’est la première fois dans l’histoire que des peuples se rapprochent librement, et le font dans une perspective de paix. »3496
François BAYROU (né en 1951), président du MoDem, ex-député européen, ex-conseiller du président du Parlement européen, AFP, 12 octobre 2012 (jour de la proclamation du prix)
Même raisonnement, même réaction immédiate, même mise en perspective historique. Bayrou l’Européen salue « l’entreprise historique la plus pacifique de tous les temps […] En cela, le comité Nobel ne pouvait pas choisir plus justement. » Il convient de contrer les discours eurosceptiques ou critiques : « Parce qu’on a le nez sur l’événement et qu’on vit davantage les difficultés quotidiennes que la dimension historique, on perd de vue ce que cette œuvre a d’unique dans l’histoire des hommes […] Car l’UE - et c’est sans précédent - n’a développé aucune volonté de domination sur aucun autre peuple ou région. Son seul but est de défendre la liberté de ceux qui la forment et leurs valeurs. » (…)
« On comprend qu’elle [l’Union européenne] n’ait pas reçu le prix Nobel d’économie, tant sa politique aggrave la crise et le chômage. »3497
Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), coprésident du Parti de gauche et eurodéputé, AFP, 12 octobre 2012 (jour de la proclamation du prix)
L’ironie sied a l’ex-candidat a la présidence, qui reprend les arguments des partis à la gauche de la gauche socialiste : « Certes, l’Union européenne a garanti la paix aux marchés financiers, aux spéculateurs et aux profits bancaires […] Mais ne mène-t-elle pas une guerre contre les peuples qui la composent et leurs droits sociaux ? […] Dans ces conditions, autant lui accorder aussi le prix Nobel de littérature pour la qualité littéraire de ses traités. Le Comité Nobel mérite, quant à lui, le prix Nobel de l’humour noir. » (…)
« La Belgique ne peut pas accueillir toute la richesse du monde. »3498
Philippe GELUCK (né en 1954), apprenant l’exil fiscal de Gérard Depardieu, en décembre 2012
Parole d’un humoriste belge, créateur du Chat en bande dessinée, mais aussi chroniqueur vedette sur les plateaux télé. Après sa déclaration au Parisien, la phrase est reprise par son auteur et rebondit de médias en médias, devenant d’emblée citation. Avec l’humour en plus, c’est un rappel du mot (certes tronqué) de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde… » (…)
« Nous n’avons plus la même patrie, je suis un vrai Européen, un citoyen du monde. »3499
Gérard DEPARDIEU (né en 1948), Lettre ouverte au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, JDD, 16 décembre 2012
En annonçant qu’il rend son passeport français (chose impossible en soi), il a suscité de vives critiques, notamment à gauche. Avec son style personnel, l’acteur aux 170 films et aux deux Césars, se défend et crie ses vérités : « Je n’ai jamais tué personne, je ne pense pas avoir démérité, j’ai payé 145 millions d’euros d’impôts en quarante-cinq ans, je fais travailler 80 personnes dans des entreprises qui ont été créées pour eux et qui sont gérées par eux (sic). Je ne suis ni à plaindre ni à vanter, mais je refuse le mot ‘minable’. Qui êtes-vous pour me juger ainsi, je vous le demande monsieur Ayrault, Premier ministre de monsieur Hollande, je vous le demande, qui êtes-vous ? (…) »
« Sommes-nous capables d’écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire ? Je le crois. Je le souhaite. Je le veux. Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l’oubli et encore moins dans le déni. »3500
François HOLLANDE (né en 1954), 20 décembre 2012, à la tribune du Parlement algérien, cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie
Hollande fait son métier de président, dans cet exercice délicat et obligatoirement consensuel.
Pas question de repentance, pour éviter la polémique à son retour en France. Mais il y a publiquement reconnaissance des crimes coloniaux : « Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise a un système profondément injuste et brutal. Ce système a un nom : c’est la colonisation. Et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. » (…)
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