« Le royaume a été mal gouverné. Beaucoup de malheurs en ont résulté pour ses habitants, tant en la mutation des monnaies qu’en réquisitions. Les deniers que le roi a tirés du peuple ont été mal administrés et ont été donnés à plusieurs qui ont mal servi. »
Préambule de la Grande Ordonnance du 3 mars 1357, rendue au nom des gens d’Église et des gens des bonnes villes, sur le rapport de Jean le Coq
Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux.
Texte de 61 articles pour une réforme administrative, imposée par les députés des États généraux de nouveau réunis, avec le plus véhément d’entre eux, Étienne Marcel. La Grande Ordonnance est présentée au dauphin Charles, futur Charles V, « lieutenant du roi » en l’absence de son père Jean II, prisonnier en Angleterre, après la défaite à Poitiers (1356).
L’ordonnance sera abrogée en mai 1359, mais elle marque cependant l’histoire.
« Étienne Marcel [est] le premier bourgeois de Paris qui ait osé proclamer le principe de la souveraineté du peuple au milieu du XIVe siècle […] Aussi les Parisiens font-ils remonter jusqu’à lui la longue histoire de leurs révolutions. »
Francis LACOMBE (1817-1867), Histoire de la bourgeoisie de Paris depuis son origine jusqu’à nos jours (1851)
Étienne Marcel est à l’origine de la première « Charte » arrachée par la bourgeoisie à l’arbitraire monarchique, sous forme de Grande Ordonnance limitant le pouvoir royal.
Prévôt des marchands de Paris (magistrat équivalent du maire), il joue un rôle considérable aux États généraux de 1355 et 1357, manifestant une vive opposition au roi Jean II le Bon, puis au dauphin Charles. Mais cette « révolution légale » échoue. Étienne Marcel va tenter une révolution urbaine.
« Ceux que nous avons tués étaient faux, mauvais et traîtres. »
Étienne MARCEL (vers 1316-1358), 22 février 1358
Il vient de faire assassiner devant le dauphin ses deux conseillers, les maréchaux de Champagne et de Normandie. Paris acclame son prévôt : c’est la première journée révolutionnaire parisienne de l’histoire. Maître de Paris, Étienne Marcel se rêve peut-être roi de France. Il veut gagner la province à sa cause, avec la complicité de Charles de Navarre, dit Charles le Mauvais. Petit-fils de Louis X, prétendant le plus direct à la couronne par les femmes, très frustré de ne pouvoir faire valoir ses droits, ce prince ne cessera de comploter et de trahir.
Le dauphin, pour affermir son autorité alors que son père est toujours prisonnier des Anglais, a pris le titre de régent du royaume. Il fuit la capitale, réunit une armée, bloque Paris. Étienne Marcel s’apprête à livrer la ville aux troupes de Charles le Mauvais, qui a fait alliance avec les Anglais, quand il meurt, assassiné par Jean Maillard, partisan du dauphin, le 31 juillet 1358. Dès le lendemain, le dauphin rentre à Paris où ont été massacrés tous les partisans du prévôt.
Étienne Marcel est l’exemple type d’un personnage historique dont l’action et la personne sont jugées de façons totalement opposées : la gauche encensera cet ancêtre des révolutionnaires « plein de patriotisme », si dévoué pour son pays, jusqu’à lui faire sacrifice de « sa fortune et de sa vie », alors que la droite en fait « un émeutier, un assassin et un traître ».
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