Éloge de la citation apocryphe. Paradoxal, mais justifié. Si la citation est courte, bonne et en situation - ne serait-ce que le « Merde ! » historique - il suffit de dire en quoi, pourquoi, comment, et de préciser qu’elle a pu ne pas être dite, ni écrite. Ou l’être, selon d’autres sources.
« Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher. »1106
(1703-1768), en 1737
Les Rois qui ont fait la France, Louis XV le Bien-Aimé (1982), Georges Bordonove.
Contexte du siècle des Lumières à la cour de France, des fêtes galantes, des corps dévoilés, des nus sensuels, de la beauté cultivée comme l’un des Beaux-Arts de la vie. Pauvre Marie Leczinska !
Le mot, souvent cité, est sans doute apocryphe - femme très réservée, princesse polonaise bien éduquée, la reine n’a pu dire cela. Mais… elle a dû le penser.
Louis XV, adolescent fragile, devait être marié de toute urgence à 15 ans pour assurer la descendance. Sur une centaine de princesses à marier, on choisit cette Marie, « vieille fille » de 22 ans, bonne santé, bonne catholique, bonne mentalité. Mariage consommé le premier soir, chacun découvre l’amour et la lune de miel dure trois mois. En dix ans, la reine donnera dix enfants au roi (dont sept filles). La dernière grossesse est difficile, sa santé s’en ressent, elle doit se refuser à son époux sans lui dire la raison, il s’en offusque et s’éloigne d’elle.
Elle perd toute séduction, se couvre de fichus, châles et mantelets pour lutter contre sa frilosité. Toujours amoureuse, elle sera malheureuse, et l’une des reines les plus ouvertement trompées par Louis XV le Bien Aimé, séducteur qui trompait surtout son ennui et détestait son métier de roi.
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »1031
VOLTAIRE (1694-1778), citation apocryphe
Citation non sourcée : phrase sans doute jamais écrite, peut-être dite, l’œuvre immense et protéiforme du philosophe étant si riche en bons et beaux mots d’auteur ! Mais elle reflète parfaitement l’homme, sa pensée, sa vie et même son style. D’où la fortune historique et somme toute méritée de cette citation apocryphe.
« Un général anglais leur cria : Braves Français, rendez-vous ! Cambronne répondit : Merde ! Foudroyer d’un tel mot le tonnerre qui vous tue, c’est vaincre. »1944
Victor HUGO (1802-1885), Les Misérables (1862)
Le « mot de Cambronne » est passé à la postérité : anecdote rapportée par Hugo dans son roman, Sacha Guitry lui dédia une aimable pièce titrée Le Mot de Cambronne.
On ne prête qu’aux riches : Pierre Jacques Étienne, vicomte de Cambronne, fit un beau parcours militaire. Engagé parmi les volontaires de 1792, il participe aux campagnes de la Révolution et de l’Empire. Nommé major général de la garde impériale, il suit Napoléon à l’île d’Elbe, revient avec lui en 1815, est fait comte et pair de France sous les Cent-Jours et s’illustre à Waterloo, dans ce « dernier carré » de la Vieille Garde, qui va résister jusqu’au bout.
Mais l’histoire du Mot si français et de la citation la plus courte de notre langue se révèle plus complexe.
« La garde meurt et ne se rend pas. »1945
Général CAMBRONNE (1770-1842), paroles gravées sur le socle en granit de sa statue à Nantes (sa ville natale)
Ces mots sont bien gravés au pied de sa statue - et non : « La garde meurt mais ne se rend pas. »
Il n’est cependant pas sûr que cette phrase ait été prononcée à Waterloo, Cambronne en personne l’ayant démenti : « Je n’ai pas pu dire ‘la Garde meurt et ne se rend pas’, puisque je ne suis pas mort et que je me suis rendu. » (cité par Pierre Levot, Biographie bretonne, 1900). Logique.
Le « Merde » est sans doute plus authentique, dans le feu de l’action, mais le général, peu porté sur les citations, en refusa également la paternité. Dommage. Mais… la postérité sera la plus forte. Légende ou vérité, qu’importe !
« Garde. – La garde meurt et ne se rend pas ! Huit mots pour remplacer cinq lettres. »1946
Gustave FLAUBERT (1821-1880), Dictionnaire des idées reçues (posthume, 1913)
La plus grande défaite de Napoléon fera sa gloire : « L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c’est Cambronne », dit Victor Hugo. Le poète du siècle veille par ailleurs à la légende napoléonienne et sert le culte de Napoléon Ier, jusque dans la mythique défaite de « Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine ! »
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