Guerres de Religon (suite). Henri III au pouvoir malmené.
Le roi va affronter quatre guerres de Religion. La religion n’est qu’un prétexte aux ambitions politiques, dans une France plus que jamais divisée, ingouvernable. De grandes voix en témoignent, Ronsard en poète, Montaigne en philosophe. Henri III n’a pas les moyens de sa (bonne) volonté, tandis qu’Henri de Navarre devient l’héritier présomptif du trône à la mort du dernier fils de Catherine… ce qui réveille la Sainte Ligue ultra-catholique.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Les autres ne sont rien où nous ne parlons point. »541
(1551-1589)
Lettres de Henri III de France, recueillies par Pierre Champion. Revue d’histoire de l’Église de France, année 1960, n° 143.
Affirmation de puissance de la Majesté royale (…) Brave, intelligent, travailleur, cultivé, il veut faire l’unité de la France autour de lui. On lui doit d’importantes réformes (…) Mais le roi est trop souvent indécis et son homosexualité lui fait accorder un crédit excessif à ses mignons, Épernon et Joyeuse (…) Il va devoir affronter les quatre dernières guerres de Religion (…)
« Les magistrats ont été créés pour le peuple et non le peuple pour les magistrats. »542
Théodore de BÈZE (1519-1605), Droits des Magistrats sur leurs sujets (1575)
(…) Converti au calvinisme, installé à Genève où il succéda à Calvin, il rappelle cette vérité souvent oubliée. Les rois ont multiplié les offices, car la vente des charges rapporte gros au Trésor, mais lui coûte ensuite en gages à payer. Les parlementaires (…) caste de propriétaires de leur charge (…) s’opposent à des rois faibles et défendent leurs privilèges (…)
« Gardez-vous de livrer bataille et souvenez-vous des conseils de Louis XI : la paix signée est toujours plus avantageuse avant la défaite. »543
CATHERINE DE MÉDICIS (1519-1589), à son fils Henri III, 1576
La reine mère est bonne conseillère en ce début d’année, mais la cinquième guerre de Religion commence. La coalition regroupe Condé, Turenne et Henri de Navarre, échappé de la cour où il était retenu depuis la Saint-Barthélemy, qui abjure la religion catholique et reprend la tête des armées huguenotes (…) Le roi se range aux côtés des Politiques (modérés des deux camps).
« Je me suis proposé pour unique fin le bien, salut et repos de mes sujets. En cette intention, j’ai finalement pris la voie de douceur et réconciliation, de laquelle l’on a déjà recueilli ce fruit qu’elle a éteint le feu de la guerre dont tout ce royaume était enflammé. »544
HENRI III (1551-1589), Discours aux États généraux de Blois, 6 décembre 1576 (…)
Sa volonté ne fait pas de doute, mais son pouvoir est insuffisant (…) Les princes protestants ont battu l’armée royale. Par la paix de Monsieur (ou paix de Beaulieu, mai 1576), ils gagnent la liberté de culte (hors Paris) et de nombreuses places fortes dans le Midi (…) Cette paix mécontente les ultra-catholiques. Des ligues de défense de la religion se créent (…) La sixième guerre de Religion commence.
« Je veux peindre la France une mère affligée,
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée. »545Agrippa d’AUBIGNÉ (1552-1630), Les Tragiques (1616)
Témoin à 8 ans des horreurs de la guerre civile qui commence à déchirer le pays et jurant à son père calviniste de venger les pendus d’Amboise en 1560 (…) Combattant aussi farouche l’épée ou la plume à la main, il entreprend cette épopée de la foi en 1577. Cri de haine contre les catholiques, hymne à la gloire des protestants, chant d’amour à la France incarnée en femme (…) Sixième guerre de Religion (…)
« Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »546Pierre de RONSARD (1524-1585), Sonnet à Hélène (1578)
Retiré de la cour, en demi-disgrâce après la mort de Charles IX (…) il chante une fille d’honneur de Catherine de Médicis, Hélène de Surgères, aussi remarquable en beauté qu’en vertu et en intelligence, inconsolable d’avoir perdu son fiancé dans une guerre de Religion en 1570 (…) « Carpe diem » très inspiré de l’Antiquité, symbolique de la Renaissance et de tout ce siècle si pressé de vivre, de « jouir ou tuer » (Michelet) (…)
« Il y a bien de la besogne
À regarder ce petit roi
Car il a mis en désarroi
Toutes les filles de sa femme
Mais on sait que la bonne dame
S’en venge bien de son côté ! »547Chanson populaire sur Henri de Navarre et la reine Margot (1579)
Après sept ans de mariage, tout ne va pas pour le mieux dans le couple. Le futur Henri IV reste aussi célèbre par sa galanterie que Margot par sa nymphomanie (…) Chassée de la cour par son frère Henri III (…) Marguerite de France, reine de Navarre, tient désormais cour brillante à Nérac. La septième guerre de Religion (1579-1580) sera dite « guerre des amoureux », par allusion à la frivolité qui règne en cette cour (…)
« Les Princes me donnent prou, s’ils ne m’ôtent rien, et me font assez de bien quand ils ne me font point de mal. »548
Michel de MONTAIGNE (1533-1592), Les Essais (1580, première édition)
Parole de philosophe, mais le sage Montaigne aura connu une vie mouvementée, à l’image de ce siècle de tumulte (…) Magistrat au Parlement de Bordeaux, la quatrième guerre de Religion (1572-1573) le tire de sa retraite et de sa rédaction des Essais (…) Élu maire, il fera preuve de beaucoup de diplomatie entre les extrêmes, pour rapprocher Henri de Navarre et le gouverneur de Guyenne fidèle à Henri III.
« J’ai peur que nous n’ayons les yeux plus grands que le ventre et plus de curiosité que nous n’avons de capacité. Nous embrassons tout, mais nous n’étreignons que le vent. »549
Michel de MONTAIGNE (1533-1592), Les Essais (1580, première édition)
Avant le mot, c’est l’idée de l’anticolonialisme. Pour des raisons surtout humanitaires, il s’en prend aux conquistadores de la Renaissance. Les Français veulent concurrencer les Espagnols et les Portugais, depuis le beau XVIe siècle, et la bourgeoisie enrichie s’est lancée dans de lointaines expéditions maritimes, patronnées par la royauté (…)
« Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà ? »550
Michel de MONTAIGNE (1533-1592), Les Essais (1580, première édition)
Idée reprise par les philosophes des autres siècles, notamment des Lumières (…) Montaigne nous touche toujours, proche de nos sensibilités modernes (…) par ses pensées sur l’éducation, prônant une « tête bien faite plutôt que bien pleine », son scepticisme modéré, sa vertu de tolérance (…) et son célèbre « Que Sais-je ? ».
« Pardonnez un mot à vos fidèles serviteurs, Sire. Ces amours si découvertes, et auxquelles vous donnez tant de temps, ne semblent plus de saison. Il est temps que vous fassiez l’amour à toute la chrétienté et particulièrement à la France. »551
Philippe DUPLESSIS-MORNAY (1549-1623), juillet 1583. Histoire des Français (1821-1844), Simonde de Sismondi
Qu’en termes galants ces choses-là sont dites au roi galant ! Son ambassadeur et principal conseiller s’inquiète auprès d’Henri de Navarre, toujours bon vivant (…) Bref répit entre la septième guerre de Religion et la huitième, déclenchée (à terme) par un événement inattendu : la mort par tuberculose du quatrième fils de Catherine de Médicis (…)
« Vous pouvez penser comme je suis malheureuse de tant vivre et de voir tout mourir devant moi, encore que je sache bien qu’il faut se conformer à la volonté de Dieu. »552
CATHERINE DE MÉDICIS (1519-1589), Lettre à Bellièvre, 10 juin 1584 (…)
Mère de dix enfants, elle n’en finit plus de porter leur deuil. François d’Anjou (ex-duc Alençon) meurt le 10 juin 1584, âgé de 30 ans. Ambitieux et rebelle, très impopulaire, il a comploté à la tête du parti des Malcontents et ce n’est pas une grande perte pour le roi. Mais Henri III n’ayant pas fait d’enfant à sa femme (…) la couronne de France doit revenir à Henri de Navarre, chef du parti protestant (…) La Sainte Ligue en sommeil se réveille.
« Ne vaudrait-il pas mieux ouïr cinq cents messes tous les jours que d’allumer une guerre civile ! »553
Baron de ROQUELAURE (1543-1625), à Henri de Navarre, juillet 1584 (…)
« Maître de sa garde-robe », autrement dit combattant à ses côtés (…) il sera dans le carrosse du roi de France, le jour du crime de Ravaillac. Protestant, il parle ainsi au nom de la raison. Mais neuf années vont encore s’écouler, avant la conversion définitive d’Henri IV.
« Vous savez, quand le peuple se déborde, quelle bête c’est ! »554
HENRI III (1551-1589), Lettre à M. de Villeroy, secrétaire d’État, septembre 1584 (…)
Le roi s’inquiète des troubles orchestrés par les ligueurs et la suite des événements lui donnera raison (…) But avoué de la Ligue : défendre la foi catholique. Mais ses chefs veulent aussi détrôner Henri III (…) Il prend la tête de la Ligue pour la neutraliser (…) En fait, il cède à ses exigences, se rapproche des Guise (…) et déclare le Béarnais déchu de ses droits à la couronne.
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