La tragédie nationale ne se termine pas avec l’armistice et la France est profondément divisée. Paris, majoritairement républicain, prend la tête de la révolte (avec Hugo, Gambetta) contre le gouvernement de Thiers et l’Assemblée élue, réfugiée en province et très conservatrice. Dialogue cinglant, humour parfois involontaire.
« L’Assemblée refuse la parole à M. Victor Hugo, parce qu’il ne parle pas français ! »2357
(1811-1888), Assemblée nationale, Bordeaux, 8 mars 1871
Actes et Paroles. Depuis l’exil (1876), Victor Hugo.
Député monarchiste et poète à ses heures, il coupe la parole au plus célèbre élu de Paris, génie universellement reconnu. Hugo le républicain est déjà monté à la tribune pour condamner la paix infâme le 1er mars, pour déplorer que Paris soit décapitalisée au profit de Bordeaux, le 6. En cette séance houleuse du 8, il se fait insulter pour avoir défendu l’Italien Garibaldi, élu député d’Alger (département français) : il conteste l’invalidation de ce vieux révolutionnaire italien « venu mettre son épée au service de la France » dans la guerre contre les Prussiens. Hugo va démissionner et regagne Paris (pour enterrer son fils Charles, mort d’apoplexie).
La haine est terrible entre l’Assemblée monarchiste, pacifiste, et Paris où les forces révolutionnaires, remobilisées, refusent de reconnaître le pouvoir de cette « assemblée de ruraux » défaitistes. La Commune lance un « Manifeste à l’armée », véritable défi : « Le peuple de Paris veut conserver ses armes, choisir lui-même ses chefs et les révoquer quand il n’a plus confiance en eux. Plus d’armée permanente, mais la nation tout entière armée ! »
Pression révolutionnaire et propagande encouragée par la liberté de la presse et des clubs : des rumeurs de Restauration agitent la capitale ! Les bataillons de la garde nationale forment une Fédération le 10 mars et font ce Serment : « Plus de rois, plus de maîtres, plus de chefs imposés, mais des agents constamment responsables et révocables à tous les degrés du pouvoir. » C’est la démocratie directe, ce que redoutent plus que tout la France profonde et l’Assemblée nationale qui se rappellent la Terreur de 1793 et les désordres meurtriers de la Deuxième République en 1848.
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« Nous ne voulons pas recevoir tous les quinze jours des révolutions par le chemin de fer et le télégraphe. »2360
Gabriel Lacoste de BELCASTEL, député légitimiste à l’Assemblée, mars 1871
L’Assemblée décide son transfert à Versailles, ville au passé royal - provocation pour les républicains ! Belcastel résume l’idée de ses collègues sur Paris : « le chef-lieu de la révolution organisée, la capitale de l’idée révolutionnaire ».
« Monsieur Thiers, tous les matins, annonce que dès le soir, entre les neuf heures, neuf heures un quart, il fera son entrée dans la capitale sauvage du monde civilisé. »2368
Henri ROCHEFORT, Le Mot d’ordre, 16 avril 1871
Chef du gouvernement à 73 ans, élu député par 26 départements, Thiers veut en finir, désarmer les 200 000 gardes nationaux réunis en Fédération, récupérer les 227 canons qui ont servi contre les Prussiens. D’où 72 jours de guerre civile.
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