Paroles de présidents. Quelques « mots » choisis en disent long sur un acteur politique, une pensée, une action. Dans cette logique de l’Histoire en citations, passons en revue six Noms, par ordre d’apparition à la tête de la République française.
1er jour : Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, fut notre premier président de la (Deuxième) République, avant d’instaurer son (Second) Empire. Il a étonnamment instrumentalisé le suffrage universel.
« Surtout n’ayez pas peur du peuple, il est plus conservateur que vous. »2142
(1808-1873), Du système électoral
Questions de mon temps : 1836 à 1856 (1865), Émile de Girardin.
C’est fort bien vu, dans la France de l’époque - Deuxième République. Durant toute sa carrière politique et son irrésistible ascension jusqu’à l’Empire, triomphalement élu et massivement plébiscité à plusieurs reprises, LNB saura se présenter comme le champion du suffrage universel (masculin).
1848. Élu en juin député dans quatre départements par la magie de son nom, il entre en campagne présidentielle. En ces temps de grande éloquence politique, il est conscient de ses insuffisances à la tribune : « Une Chambre ressemble trop à un théâtre où les grands acteurs seuls peuvent réussir. » Le talent lui vient en parlant. Il devient un personnage public et populaire : « Toute ma vie sera consacrée à l’affermissement de la République. » Et on le croit !
Premier résultat, scrutin du 10 décembre 1848 : « Le citoyen Bonaparte élu président de la République ». Triomphe avec 75 % des votants (5,5 millions de voix). Les voix républicaines se sont dispersées entre Cavaignac, Ledru-Rollin et Raspail, candidats relativement ignorés hors Paris et la minorité éclairée. Rappelons la déroute de Lamartine (17 914 voix).
Hugo est désormais l’opposant républicain le plus ardent au prince Napoléon qu’il a soutenu au départ : « Cet homme ment comme les autres hommes respirent. Il annonce une intention honnête, prenez garde ; il affirme, méfiez-vous ; il fait un serment, tremblez. Machiavel a fait des petits. Louis Bonaparte en est un. » Napoléon le Petit (pamphlet de 1852).
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« En présence de Dieu et devant le peuple français représenté par l’Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la république démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m’impose la Constitution. »2192
LN. BONAPARTE, président de la République, Assemblée constituante, 20 décembre 1848
… Et trois ans plus tard, coup d’État présidentiel pour rester au pouvoir (la Constitution lui interdisant de se faire réélire). Un an après, ce sera l’Empire. Il n’est pas le premier homme politique à mentir, ni le dernier.
« Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent. »2199
LN. BONAPARTE, président de la République, justifiant la condamnation de Ledru-Rollin et vingt autres montagnards, juin 1849
La manifestation du 13 juin a dégénéré en émeute : « Ce système d’agitation entretient dans le pays le malaise et la défiance qui engendrent la misère ; il faut qu’il cesse. » Ce langage plaît au peuple.
« L’élu de six millions de suffrages exécute les volontés du peuple, il ne les trahit pas. »2208
LN. BONAPARTE, président de la République, Discours de Lyon, 15 août 1850
Logique électorale et pari gagnant. Fort des 75 % de Français qui l’ont élu président en 1848, il se pose de nouveau en défenseur du suffrage universel et de la vraie démocratie, contre la Chambre et ses conservateurs (parti de l’Ordre).
« La France a compris que je n’étais sorti de la légalité que pour entrer dans le droit. Plus de sept millions de suffrages viennent de m’absoudre. »2220
LN. BONAPARTE, président de la République, plébiscité les 21 et 22 décembre 1851
Le pays (au suffrage universel rétabli) approuve massivement son coup d’État (la Constitution l’empêchait d’être réélu) : 7,4 millions de oui, 640 700 non. Mais c’est un scrutin sous haute surveillance et l’opinion publique est manipulée.
« Représentant à tant de titres la cause du peuple et la volonté nationale, ce sera la nation qui, en m’élevant au trône, se couronnera elle-même. »2231
LN. BONAPARTE, président de la République, Sénat, 4 novembre 1852
Il invite la nation à un nouveau plébiscite : 7,8 millions de oui, 250 000 non. Il est proclamé empereur, le 2 décembre. Charles Gille, chansonnier poète et ouvrier, s’en prend aux bourgeois : « La République à votre vote expire / Devant Machin, votre unanime élu. / Soyez heureux : vous possédez l’Empire, / Soyez-en fiers, car vous l’avez voulu. »
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