Louis XVIII : « Vous vous plaignez d'un roi sans jambes, vous verrez ce que c'est qu'un roi sans tête. »

Restauration de la monarchie. Deux rois vont se succéder après la Révolution et l’Empire, Louis XVIII et Charles X (frères de Louis XVI) revenus d’émigration, aussi différents que possible. Louis XVIII mérite la palme de l’humour, mais peine à séduire les Français. 

« Vous vous plaignez d’un roi sans jambes, vous verrez ce que c’est qu’un roi sans tête. »1908

LOUIS XVIII (1755-1824), qui ne connaît que trop bien son frère, le comte d’Artois

Encyclopédie des mots historiques, Historama (1970).

Rendu quasi infirme par la goutte à la fin de sa vie, le roi parle du futur Charles X. À 57 ans, il a l’allure d’un jeune homme et monte royalement à cheval. Malgré cette séduction naturelle, il se fera détester.

Déjà impopulaire sous l’Ancien Régime, il se faisait remarquer par sa conduite légère et ses folles dépenses, à l’image de sa belle-sœur, Marie-Antoinette. De retour en France après vingt-cinq ans d’exil, il va accumuler les erreurs politiques, sous cette Restauration malgré tout fragile. Il passe son temps entre la chasse, sa passion, et la religion – il deviendra dévot, faisant le vœu de chasteté perpétuelle en 1804, à la mort d’une maîtresse, Louise d’Esparbès, grand amour de sa vie.

Feignant de se désintéresser des affaires du royaume, il est en réalité le chef (occulte) du parti royaliste (ultra).

Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.

« Il monta péniblement ce trône que son prédécesseur avait eu l’air d’escalader. »1904

Comte de RÉMUSAT, Mémoires de ma vie, volume I (posthume, 1967), Charles de Rémusat

Jeune collaborateur au Globe, journal d’opposition libérale, il constate l’évidence en 1814 : à près de 60 ans, Louis XVIII est podagre (goutteux), autrement dit rhumatisant au dernier degré. Comparaison cruelle avec Napoléon et sa conquête à la fois expéditive et fulgurante du pouvoir.

« Voulez-vous connaître l’histoire / D’un gros roi nommé Cotillon ?
Ton ton, ton ton, tontaine, ton ton. / Boire, manger, manger et boire,
Voilà le plaisir de Bourbon / Ton ton, tontaine, ton ton. »1905

Voulez-vous connaître l’histoire ? (1814), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Rien moins que 15 couplets pour se moquer du retour du roi et de sa suite : « Il arrive : Paris proclame / Sa bonté, sa gloire et son nom / Et le Français, le noir dans l’âme / A mis du blanc sur son balcon. » Encore n’est-ce que le commencement de la Restauration - et Louis XVIII ne sera pas le plus impopulaire des deux rois !

« Je suis comme les femmes pas très jolies, que l’on s’efforce d’aimer par raison. Après tout, c’est encore la nécessité qui fait les meilleurs mariages. »1906

LOUIS XVIII, Le Calendrier de l’histoire (1970), André Castelot

Il est trop lucide pour ignorer qu’il n’est pas aimé. Son frère, d’apparence plus séduisante, n’aura pas cette intelligence de la situation et se fera détester jusqu’à déclencher la prochaine révolution française (1830).

« J’ai mes vieilles idées, je veux mourir avec elles. »1911

CHARLES X, sentence souvent répétée, qui résume le personnage. Charles X (2001), André Castelot

Cette phrase annonce à la fois son règne et sa fin. Mais au début de la Restauration, il n’est encore que Monsieur, comte d’Artois, frère du roi, bientôt gênant pour Louis XVIII.

« J’aimerais mieux scier du bois que de régner à la façon du roi d’Angleterre. »1996

CHARLES X (1757-1836)

Histoire de la Restauration, 1814-1830 (1882), Ernest Daudet.

C’est dire sa volonté de s’affranchir de la Charte que Louis XVIII a certes « octroyée » à ses sujets, mais qui comporte des garanties contre les abus de l’Ancien Régime. L’Angleterre reste le modèle de cette monarchie constitutionnelle, chère aux philosophes des Lumières du XVIIIe siècle - il est vrai que pour ce faire, le peuple anglais a guillotiné Charles Ier, en 1649.

Charles X, qui ne s’est jamais initié aux idées de son temps, ne saurait se plier aux règles du gouvernement représentatif. Cet homme charmant, si jeune d’allure à 67 ans et populaire pendant quelques mois, n’a certes pas le tempérament d’un monarque absolu, moins encore d’un tyran ! Mais il reste un homme de l’Ancien Régime, entouré de courtisans qui font écran entre le roi et son peuple - autant dire, ses sujets.