Quatrième République
La guerre froide, nouveau contexte international
Le contexte de guerre froide force la IVe République à faire des choix : exclusion des ministres communistes et acceptation du plan Marshall, dans un contexte social explosif. De Gaulle prépare son retour avec le RPF, mais l’heure du retour n’est pas encore venue pour le général, qui débute une longue traversée du désert.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Le RPF, c’est le métro à 6 heures du soir. »2832
André MALRAUX (1901-1976), délégué à la propagande du RPF. Malraux : une vie dans le siècle, 1901-1976 (1976), Jean Lacouture
Le Rassemblement du peuple français est créé officiellement le 14 avril 1947 par de Gaulle.
Le général ne veut plus attendre et risquer qu’on l’oublie, cependant que le contexte international fait craindre une troisième guerre mondiale !
Il va donc rassembler autour de son nom des hommes d’origine sociale et de tendance politique très diverses (…)
« Notre politique n’est dirigée contre aucun pays, aucune doctrine, mais contre la famine, la pauvreté, le désespoir et le chaos. »2869
George MARSHALL (1880-1959), Discours de Harvard, 5 juin 1947. Une Europe inédite : documents des archives Jean Monnet (2001), Bernard Lefort, Fondation Jean-Monnet pour l’Europe
Le secrétaire d’État américain offre l’aide massive des États-Unis aux nations européennes pour favoriser leur redressement économique, indispensable à l’équilibre mondial et à la paix. Ces pays sont aussi des partenaires avec qui l’on doit dialoguer, et échanger biens et services (…)
« Le danger est double. D’une part, le communisme international a ouvertement déclaré la guerre à la démocratie française. D’autre part, il s’est constitué en France un parti dont l’objectif – et peut-être l’objectif unique – est de dessaisir la souveraineté nationale de ses droits fondamentaux. »2870
Léon BLUM (1872-1950), Assemblée nationale, 21 novembre 1947. Le Socialisme selon Léon Blum (2003), David Frapet
Ramadier a démissionné le 19 novembre et Blum, bien que malade et fatigué, accepte de demander l’investiture de l’Assemblée nationale.
Il exprime clairement la situation du gouvernement désormais pris entre deux feux : les communistes devenus parti d’opposition (dans un contexte international de guerre froide et un climat intérieur d’anticommunisme) et les gaullistes (RPF regroupant une partie de la droite et tirant à vue sur le régime) (…)
« [M. Schuman] entre dans l’hémicycle comme un religieux gagne sa stalle dans le chœur. À la tribune, il pèse longuement ses arguments comme un vieux pharmacien ses pilules. L’auditoire ne s’impatiente pas, il s’endort. »2871
Jacques FAUVET (1914-2002), Le Monde. La Quatrième République (1961), Jacques Fauvet
Le nouveau président du Conseil reçoit de l’Assemblée la quasi-totalité des suffrages non communistes, le 24 novembre 1947. « M. Schuman, en se gardant d’attaquer le général de Gaulle, en passant sous silence le problème que posait au régime l’essor du Rassemblement, en incarnant seulement l’anticommunisme, en laissant entrevoir la liquidation du dirigisme et la restauration du capitalisme français, répondait à l’attente générale des milieux bourgeois » (P.M. de la Gorce, De Gaulle entre deux mondes) (…)
« La seule arme qui reste aux travailleurs pour défendre le pain de leurs enfants, quand tous les autres moyens ont été utilisés, c’est la grève. »2872
Georges MARRANE (1888-1976), Conseil de la République, 1er décembre 1947. Notes et études documentaires, nos 4871 à 4873 (1988), Documentation française
Ramadier, ancien président du Conseil, a parlé du PCF comme d’un « chef d’orchestre clandestin », organisant des grèves en mi-juin, alors que les communistes (dont Marrane) ont quitté le gouvernement.
Reprise des grèves en septembre, le gouvernement ayant refusé d’entériner un accord CGT-CNPF risquant de conduire à une hausse excessive des salaires, et donc des prix. Les manifestations prennent un caractère insurrectionnel, début novembre : c’est la « Grande peur d’automne » (…)
« [Le prolétariat] ne songe pas à réclamer la liberté politique, dont il jouit après tout et qui n’est qu’une mystification ; de la liberté de penser, il n’a que faire pour l’instant ; ce qu’il demande est fort différent de ces libertés abstraites : il souhaite l’amélioration matérielle de son sort, et plus profondément, plus obscurément aussi, la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme. »2873
Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Situations II (1948)
Il écrit aussi : « Totalement conditionné par sa classe, son salaire, la nature de son travail, conditionné jusqu’à ses sentiments, jusqu’à ses pensées, c’est lui [l’ouvrier] qui décide du sens de sa condition et de celle de ses camarades, c’est lui qui, librement, donne au prolétariat un avenir d’humiliation sans trêve ou de conquête et de victoire, selon qu’il se choisit résigné ou révolutionnaire. »
« Les États-Unis d’Europe se feront dans la douleur, et les États-Unis du monde ne sont pas encore là. »2874
André MALRAUX (1901-1976), Appel aux intellectuels, 5 mars 1948 à la salle Pleyel. André Malraux (1952), Pierre de Boisdeffre
Les rêves du XIXe siècle, ceux de Michelet, Hugo, Jaurès et autres apôtres des « États-Unis du monde », sont révolus selon Malraux : « Pour le meilleur comme pour le pire, nous sommes liés à la patrie. » Il défend la notion d’héritage culturel, au nom de quoi la France doit retrouver son rôle en Europe. C’est aussi de Gaulle qui parle par sa voix. Mais l’appel n’est pas entendu.
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