La Révolution est proche, le climat social et politique se durcit. Tout est prétexte à détruire un Ancien Régime honni et ses représentants détestés. La « théorie du complot » et la paranoïa propre à toute « patrie en danger » se renforcent mutuellement. Jamais sans doute les rumeurs n’auront de conséquences plus tragiques.
« Nous avons plus grand besoin d’un vaisseau que d’un collier. »1238
(1755-1793), aux joailliers de la couronne, Boehmer et Bassenge
Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette (1823), Madame Campan.
C’est en ces termes que la reine, quoique toujours coquette et dépensière, a refusé une somptueuse parure de 540 diamants d’une valeur de 1 600 000 livres - c’est même le prix de deux vaisseaux de guerre. Étonnante réaction de l’« étrangère », l’Autrichienne, ex-Dauphine adulée, aujourd’hui accusée par la rumeur de ruiner la France !
Marie-Antoinette est en fait la victime d’une escroquerie dont Dumas tirera un roman, et qui va devenir, dès l’année suivante, l’historique « affaire du Collier de la reine ». Le ton monte et si la personne du roi est encore épargnée, la reine, la couronne, les ministres, le clergé, le pape lui-même, font les frais d’une opinion publique qui se déchaîne : « Grande et heureuse affaire ! Que de fange sur la crosse et sur le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de la liberté. » Fréteau de Saint-Just, conseiller au Parlement.
La reine, innocente dans cette affaire, est déconsidérée, sa vie privée étalée au grand jour et ses fastueuses dépenses dénoncées. Elle devient « Madame Déficit ». Mirabeau dira plus tard : « Le procès du Collier a été le prélude de la Révolution. » La royauté malade sort très affaiblie de cette affaire. Et Marie-Antoinette le paiera cher, à son procès.
« Il faut purger les prisons et ne pas laisser de traîtres derrière nous en partant pour les frontières. »1429
Mot d’ordre de la presse révolutionnaire, repris par L’Ami du peuple de Marat et Le Père Duchesne d’Hébert, début septembre 1792
Patrie en danger, pays en guerre. La rumeur court d’un complot des prisonniers (nobles et prêtres), prêts à massacrer les patriotes à l’arrivée des Austro-Prussiens, qui serait imminente. On arrête 600 suspects, qui rejoignent 2 000 détenus. Quelques dizaines de sans-culottes font irruption dans les prisons parisiennes, la Conciergerie, l’Abbaye, Bicêtre. À la Force, la princesse de Lamballe, confidente de la reine, est dépecée par les émeutiers, sa tête plantée sur une pique promenée sous la fenêtre de Marie-Antoinette, prisonnière au Temple.
Les massacres du 2 au 6 septembre 1792 feront quelque 1 500 morts (sur 3 000 prisonniers). Des « droits commun » sont égorgés en même temps que les « politiques ». Et Danton laisse faire : « Le peuple veut se faire justice lui-même de tous les mauvais sujets qui sont dans les prisons… Je me fous bien des prisonniers : qu’ils deviennent ce qu’ils pourront ! »
« Immorale sous tous les rapports et nouvelle Agrippine, elle est si perverse et si familière avec tous les crimes qu’oubliant sa qualité de mère, la veuve Capet n’a pas craint de se livrer à des indécences dont l’idée et le nom seul font frémir d’horreur. »1541
FOUQUIER-TINVILLE (1746-1795), Acte d’accusation de Marie-Antoinette, Tribunal révolutionnaire, 14 octobre 1793
Au procès public, l’émotion est à son comble, quand l’accusateur public aborde ce sujet intime des relations avec son fils. Il ne fait que reprendre les rumeurs qui ont moralement et politiquement assassiné la reine en quelque 3 000 pamphlets, à la fin de l’Ancien Régime. L’inceste (avec un enfant âgé alors de moins de 4 ans) fut l’une des plus monstrueuses.
« Si je n’ai pas répondu, c’est que la nature se refuse à répondre à pareille inculpation faite à une mère : j’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici. » Réplique de Marie-Antoinette à un juré s’étonnant de son silence. La reine déchue n’est plus qu’une femme et une mère humiliée, à qui l’on a enlevé son enfant devenu témoin à charge, évidemment manipulé.
L’accusée retourne le peuple en sa faveur. Le président menace de faire évacuer la salle. La suite du procès est un simulacre de justice, et l’issue ne fait aucun doute.
« Il n’y a pas d’affaire Dreyfus. »2516
Jules MÉLINE (1838-1925), président du Conseil, au vice-président du Sénat venu demander la révision du procès, 4 décembre 1897
Mot malheureux, quand éclate l’affaire Dreyfus, qui deviendra l’« Affaire » de la IIIe République et la plus grave crise pour le régime. Méline refuse la demande en révision du procès. Les dreyfusards (intellectuels minoritaires) vont mobiliser l’opinion publique par une campagne de presse : « J’accuse. » Zola dans L’Aurore du 13 janvier 1898, titre ainsi son article en forme de lettre ouverte au président de la République Félix Faure. Il accuse deux ministres de la Guerre, les principaux officiers de l’état-major et les experts en écriture d’avoir « mené dans la presse une campagne abominable pour égarer l’opinion », et le Conseil de guerre qui a condamné Dreyfus, d’« avoir violé le droit en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète ». Là est la vérité, qui éclatera plus tard… En attendant, le ministre de la Guerre, général Billot, intente au célèbre écrivain un procès en diffamation.
La rumeur accusant d’espionnage au profit de l’Allemagne le capitaine Dreyfus, juif d’origine alsacienne, devait détourner les soupçons du vrai coupable, le Commandant Esterhazy, et sauver l’honneur de la patrie et de l’armée, dans une France majoritairement nationaliste. Tel est (en résumé) le contexte historique de l’Affaire.
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