III. Renaissance et guerres de Religion (31 août 1483, avènement de Charles VIII - 2 août 1589, mort d’Henri III)
En un siècle, la France va passer du meilleur au pire. Du beau XVIe siècle de la Renaissance culturelle et du rêve italien incarné par François Ier, le Roi Chevalier, au cauchemar des guerres de Religion, l’anarchie, la haine et le fanatisme, symbolisé par le massacre de la Saint-Barthélemy. Tous les Grands du royaume seront impliqués, nombre d’entre eux mourront en combattant, ou assassinés – jusqu’au roi Henri III, en 1589.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
Prologue
La France nouvelle
« Voyez, voyez tout à la ronde
Comment le monde rit au monde,
Ainsi est-il en sa jeunesse. »386Clément MAROT (1496-1544), Colloque de la Vierge méprisant le mariage (publication posthume)
C’est la Renaissance, l’aube des temps nouveaux, appelée par les historiens le « beau xvie siècle » : de 1480 à 1560. Salué par Marot, aimable poète et courtisan, et nombre de contemporains (…)
« Avant moi [François Ier], tout était grossier, pauvre, ignorant, gaulois. »387
FÉNELON (1651-1715), Dialogues des morts (1692-1696)
Cet auteur de la fin du XVIIe siècle met en scène et oppose Louis XII et François Ier. Baptisé par Brantôme « Père et vrai restaurateur des arts et des lettres », François Ier incarne la Renaissance, avec ses trente-deux années de règne (…)
« Le Grec vanteur la Grèce vantera
Et l’Espagnol l’Espagne chantera
L’Italien les Itales fertiles,
Mais moi, François, la France aux belles villes. »388Pierre de RONSARD (1524-1585), Hymne de France (1555-1556)
(…) Éloge de la France, thème classique, expression d’un sentiment national profond, sensible en d’autres lieux, mais sans doute plus intense en cette terre bénie des dieux, faite d’équilibre et de charme, et qui inspirera, le danger revenu avec les guerres étrangères et civiles (…) les Discours enflammés d’une littérature engagée.
« Car je suis né et été nourri jeune au jardin de France : c’est Touraine. »389
François RABELAIS (vers 1494-1553), Pantagruel (1532)
(…) Paris reste capitale de la France, mais les Valois au pouvoir fuient ses violences révolutionnaires et vont en Val de Loire construire leurs châteaux : Amboise, Blois, Chambord, Chenonceau. Là se situe la vie culturelle, galante et bien souvent politique de la France (…)
« France, mère des arts, des armes et des lois ! »390
Joachim du BELLAY (1522-1560), Les Regrets (1558)
Encore un poète inspiré par l’amour du pays et qui renonce à la carrière militaire pour les vers. La trilogie « des arts, des armes et des lois » résume fort bien l’histoire de cette époque si riche, si contrastée (…)
« L’histoire de France commence avec la langue française. La langue est le signe principal d’une nationalité. »391
Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, tome III (1840)
L’ordonnance de Villers-Cotterêts édictée par François Ier en 1539, qui réorganise la justice, impose le français au lieu du latin pour les ordonnances et jugements des tribunaux. Mais il faudra se battre pour que le français devienne aussi la langue des savants et des artistes.
« Notre langue étant pauvre et nécessiteuse au regard de la latine, ce serait errer en sens commun que d’abandonner l’ancienne pour favoriser cette moderne. »392
TURNÈBE (1512-1565). La Littérature latine de la Renaissance (1966), Paul Van Tieghem
(…) Il se bat pour le latin et le grec. Quelque 700 poètes du royaume versifient en latin, la poésie néo-latine s’inspirant jusqu’au plagiat de Virgile, Horace, Catulle, Ovide (…) Querelle des Anciens et des Modernes, identité nationale en jeu : Ronsard réunit une « Brigade » qui devient « Pléiade » et (…) du Bellay rédige la Défense et illustration de la langue française (1549).
« Je prouverai […] que notre langue vulgaire n’est pas si vile, si inepte, si indigente et à mépriser qu’ils l’estiment. »393
François RABELAIS (vers 1494-1553), Le Cinquième Livre, prologue (posthume)
Rabelais se bat de son côté avec sa langue, bien à lui et bien française. Il s’adresse ici aux « rapetasseurs de vieilles ferrailles latines, revendeurs de vieux mots latins, tous moisis et incertains ».
« Supplie très humblement ceux auxquels les Muses ont inspiré leurs faveurs de n’être plus latiniseurs ni grécaniseurs, comme ils sont plus par ostentation que par devoir, et prendre pitié, comme bons enfants, de leur pauvre mère naturelle. »394
Pierre de RONSARD (1524-1585), Préface de La Franciade (1572)
Jusqu’au cœur des guerres de Religion, le combat pour le français, langue en pleine évolution, continue. Il sera gagné à la fin du siècle, contribuant à faire l’unité de la France.
Le roi et la cour
« Un roi, une foi, une loi. »395
Guillaume POSTEL (1510-1581). Dictionnaire universel (1727), Antoine Furetière
(…) Professeur de grec, d’hébreu et d’arabe au Collège royal (futur Collège de France) créé par François Ier, il substitue le seigneur royal au seigneur divin (…) Début de laïcisation, même si royauté et religion se fondent toujours l’une l’autre.
« Le roi de France est empereur en son royaume. »396
Antoine DUPRAT (1463-1535). Le Chancelier Antoine Duprat (1935), François Albert-Buisson
Cette formule résume l’œuvre de François Ier qui aura eu assez d’autorité (et de temps) pour remettre à leur place Parlements, Universités, haut clergé, féodaux, grande bourgeoisie financière, provinces et villes, bref, tout ce qui menace son pouvoir (…)
« Le roi de France est le roi des bêtes, car en quelque chose qu’il commande, il est obéi aussitôt comme l’homme l’est des bêtes. »397
MAXIMILIEN Ier (1459-1519). Histoire de la France : dynasties et révolutions, de 1348 à 1852 (1971), Georges Duby
Boutade de l’empereur d’Allemagne (grand-père du futur Charles Quint), affirmant que lui-même n’est que le roi des rois, et le roi catholique (roi d’Espagne) le roi des hommes (…) Cet absolutisme – qui se renforce également dans les pays voisins – n’est pas encore celui du siècle de Louis XIV (…)
« Le plus âpre et difficile métier du monde, à mon gré, c’est faire dignement le Roi. »398
Michel de MONTAIGNE (1533-1592), Les Essais (1580, première édition)
Magistrat, membre du Parlement de Bordeaux, très loin des poètes courtisans ou des écrivains engagés de son temps. Il parle ici en humaniste et philosophe, sage et souvent sceptique, libre et indépendant de pensée (…) Au siècle des Lumières, Voltaire prisera fort cette pensée de Montaigne.
« Soyez comme un bon Prince amoureux de la gloire,
Et faites que de vous se remplisse une histoire,
Du temps victorieux, vous faisant immortel,
Comme Charles le Grand [Charlemagne] ou bien Charles Martel. »399Pierre de RONSARD (1524-1585), L’Institution pour l’adolescence du Roi (1562)
Renonçant à la carrière des armes et à la diplomatie pour cause de surdité précoce, Ronsard devient le prince des poètes, puis le poète des princes, sans être jamais bassement courtisan. Sincèrement patriote, il élabore un art de gouverner à l’intention du roi Charles IX, alors âgé de 12 ans.
« Que dit-on à la cour, que fait-on à Paris ?
Quels seigneurs y voit-on, et quelles damoiselles ? »400Olivier de MAGNY (vers 1529-vers 1561), Les Soupirs (1557)
Poète de cour et secrétaire d’ambassadeur à Rome, il « soupire » après Paris (…) La mode parisienne fait prime dans le beau monde et le monde tout court, notamment chez les Anglais (…) La cour, instrument de règne, est une ville de plus de 15 000 personnes, itinérante entre Val de Loire, Fontainebleau et Paris (Louvre) qui retrouve la faveur du souverain.
« Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon œil
Ces vieux Singes de Cour qui ne savent rien faire,
Sinon en leur marcher les Princes contrefaire,
Et se vêtir, comme eux, d’un pompeux appareil. »401Joachim du BELLAY (1522-1560), Les Regrets (1558)
Poète courtisan, il fustige ainsi les courtisans trop (…) Au XVIIe siècle, La Fontaine en ses Fables reprend la métaphore : « Peuple caméléon, peuple singe du maître… » Autres temps, mêmes mœurs.
« Plaise au roi de me donner cent livres
Pour acheter livres et vivres.
De livres je me passerais
Mais de vivres je ne saurais. »402Clément MAROT (1496-1544), Quatrain à François Ier
Poète de cour de Louis XII et François Ier, « valet de chambre » de la sœur du roi, Marguerite, future reine de Navarre, Marot vit de mécénat comme ses confrères et se bat à coups de vers pour sa place au soleil. Les temps ne sont pas faciles : il connaîtra plusieurs fois la prison royale et l’exil genevois, pour ses mœurs (légères) et ses idées (protestantes).
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