C’est parfois un détail (et le diable peut s’y cacher), c’est souvent beaucoup plus qu’un détail. La citation ou le mot mal compris trahit (involontairement) le sens de l’histoire. À charge pour l’historien de rectifier, préciser, expliquer, contextualiser.
« Est-il heureux ? »756
(1602-1661)
Mémoires de madame la duchesse d’Orléans, princesse Palatine (1832), Busoni.
Pas question de bonheur, dans ce mot bien connu, rapporté en ces termes par la Palatine, mère du régent : « Le cardinal Mazarin ne pouvait souffrir autour de lui des gens malheureux. Quand on lui proposait quelqu’un pour entrer à son service, sa première question était celle-ci : « Est-il heureux ? » » Cela signifie en réalité : « La chance est-elle avec lui ? »
En vertu de quoi le sage et superstitieux Mazarin saura s’entourer des meilleurs collaborateurs au gouvernement, à tel point que Louis XIV, prenant le pouvoir à sa mort, les garde à son service - notamment Colbert, Le Tellier. Seul Fouquet, surintendant des Finances devenu richissime, est condamné pour avoir été « trop heureux » dans ses affaires personnelles.
« Messieurs les Anglais, tirez les premiers. »1122
Comte d’ANTERROCHES (1710-1785), à Lord Charles Hay, Fontenoy, 11 mai 1745
Mot célèbre, cité dans une Histoire de l’armée d’Adrien Pascal (1847) qui résume le bref dialogue rapporté par Voltaire.
Règne de Louis XV et guerre de Succession d’Autriche, lors d’un siège mené par les Français près de Tournai. Le commandant de la compagnie de tête des gardes anglaises a lancé : « Messieurs des gardes françaises, tirez. » Le commandant des gardes françaises lui répondit : « Messieurs, nous ne tirons jamais les premiers. Tirez vous-mêmes. »
Cette réplique, plus tactique qu’il n’y paraît, est moins l’illustration d’une guerre en dentelle que l’expression d’un impératif militaire : quand une armée a tiré, le temps qu’elle recharge ses armes, l’ennemi peut attaquer avec profit. C’est pourquoi le maréchal de Saxe dénonçait les « abus de tirerie ».
« 14, rien. »1331
LOUIS XVI (1754-1793), deux mots notés dans son carnet avant de se coucher, château de Versailles, le soir du 14 juillet 1789
L’histoire lui a reproché cette indifférence à l’événement, mais il faut préciser à sa décharge que le fameux carnet consigne essentiellement ses tableaux de chasse.
Le roi a été prévenu de l’agitation à Paris, par une députation de l’Assemblée. Le 11 juillet, il a malencontreusement renvoyé Necker, ministre des Finances jugé trop libéral, l’homme le plus populaire du royaume - il le rappellera le 16. En attendant, le mal est fait : manifestations le 12 juillet, municipalité insurrectionnelle à l’Hôtel de Ville le 13, milice et foule armées : 28 000 fusils et 20 canons pris aux Invalides. À la Bastille, on est allé chercher la poudre et les munitions.
La forteresse restant surtout le symbole historique de l’absolutisme royal, la révolution parlementaire est devenue soudain populaire et parisienne, en ce 14 juillet 1789. Contrairement à ce que l’on croit trop souvent, rappelons que ce jour n’est pas l’origine de notre fête nationale. Il faut attendre le 14 juillet de l’année suivante, Fête de la Fédération.
« Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »1402
Loi du 6 octobre 1791
L’une des premières mesures votées par les 745 députés de la nouvelle assemblée, la Législative. C’est en réalité un progrès dans la justice et non pas le symbole d’une révolution devenue sanguinaire sous la Convention, un an après.
Dès octobre 1789, le député Guillotin demande l’abolition des peines infamantes et propose, le 20 janvier 1790, que la peine capitale soit la décapitation égalitaire pour tous, au moyen d’un mécanisme à l’étude. Motion ajournée, puis reprise.
Rappelons que sous l’Ancien Régime, le noble était décapité, le voleur de grand chemin roué de coups en place publique, le régicide et le criminel d’État écartelés, le faux-monnayeur bouilli vif dans un chaudron, l’hérétique brûlé sur un bûcher, le domestique voleur de son maître pendu. La Révolution créée l’unification des peines, qui est une forme d’égalité. La guillotine pourra bientôt fonctionner. Tout se chante, dans l’Histoire de France (ici, sur un air de menuet) : « Guillotin – Médecin – Politique, / Imagine un beau matin / Que pendre est inhumain / Et peu patriotique. / Aussitôt – Il lui faut – Un supplice / Qui, sans corde ni poteau, / Supprime du bourreau / L’office. »
Le bourreau continuera de travailler sous le règne de la guillotine et le bon Guillotin, réputé philanthrope, déplorera que son nom reste attaché à son invention historique, ô combien. Jusqu’à l’abolition de la peine de mort, en 1981.
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