Révolution
2. Assemblée législative (1er octobre 1791, première réunion de la Législative - 21 septembre 1792, fin de la Législative)
« Aux armes, citoyens ! » Cri de guerre contre les ennemis extérieurs… et intérieurs.
La Législative réunit des hommes nouveaux, les membres de la Constituante n’ayant pas eu le droit de se présenter à l’élection. Les meneurs de la Révolution se retrouvent dans les clubs, devenus foyers de la vie politique. Robespierre, avocat sans charisme, va se révéler au club des Jacobins qui rassemble les républicains.
20 avril 1792, la France déclare la guerre à l’empereur d’Autriche (neveu de Marie-Antoinette, l’ « Autrichienne » haïe). Un chant nouveau résonne aussitôt : « Aux armes, citoyens ! »
Paris vit une nouvelle journée révolutionnaire, le 20 juin : le roi coiffe le bonnet rouge (et se ridiculise), mais il refuse de renoncer à son droit de veto.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
Chronique (1791-1792)
« Les Jacobins ne sont pas la Révolution, mais l’œil de la Révolution, l’œil pour surveiller, la voix pour accuser, le bras pour frapper. »1401
Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847-1853)
Les Jacobins deviennent l’aile gauche de la nouvelle assemblée (…) De tendance d’abord modérée (avec Barnave, du Port, La Fayette, Mirabeau, Sieyès, Talleyrand, Brissot, Robespierre « première manière »), le club se scinde après la fuite du roi à Varennes et l’affaire du Champ de Mars (…) Les clubs sont le siège d’une vie politique intense (…) alors que la Législative réunit des hommes nouveaux et sans expérience.
« Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »1402
Loi du 6 octobre 1791
(…) Sous l’Ancien Régime, le noble était décapité, le voleur de grand chemin roué de coups en place publique, le régicide écartelé, le faux-monnayeur bouilli vif dans un chaudron, l’hérétique brûlé sur un bûcher, le domestique voleur de son maître pendu. La Révolution créée l’unification des peines, qui est une forme d’égalité. La guillotine pourra bientôt fonctionner.
« La machine immortelle […] : la mécanique tombe comme la foudre, la tête vole, le sang jaillit, l’homme n’est plus. »1403
Joseph Ignace GUILLOTIN (1738-1814). Le Cabinet secret de l’histoire (1908), Augustin Cabanès
Médecin philanthrope, professeur d’anatomie et député sous la Constituante, il décrit ainsi la machine dont il a demandé la création, pour l’exécution des condamnés à mort. En réalité, l’instrument existe déjà au XVIe siècle, comme en témoigne une gravure de Cranach (peintre et dessinateur allemand).
« C’est, Messieurs, une grande erreur de croire […] que le salut public puisse commander une injustice. Cette maxime a toujours été le prétexte de toutes les tyrannies. »1404
Marquis de CONDORCET (1743-1794), Discours sur les émigrés, 27 octobre 1791 à l’Assemblée législative
Parole d’un homme nouveau en politique. Encyclopédiste, disciple des physiocrates, mathématicien et philosophe en renom, il vient d’être élu député dans la nouvelle assemblée. Il sera réélu à la Convention. Condorcet finira Girondin, se suicidant pour échapper à la guillotine.
« Un peuple en état de révolution est invincible. »1405
Maximin ISNARD (1755-1825), Législative, 29 novembre 1791 (…)
C’est aussi un homme nouveau. Commerçant en gros, métier rarement représenté aux assemblées, il vient d’être élu député et deviendra Girondin, l’un des rares qui échapperont à la mort.
« Je fais assez ce que tout le monde désire pour qu’on fasse une fois ce que je veux ! »1406
LOUIS XVI (1754-1793), 19 décembre 1791 (…)
Soudain, une manifestation de caractère ! Le roi use de son veto suspensif et refuse de sanctionner le décret contre les prêtres réfractaires (…) Il est profondément croyant et la Révolution le choque par ses atteintes à l’autorité de l’Église, plus encore que par les limitations au pouvoir royal. L’assemblée s’incline (…) mais le peuple dénonce « Monsieur Veto » (…) La Législative ne vivra qu’un an et la situation devient explosive.
« Je suis du peuple, je n’ai jamais été que de là, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque a la prétention d’être quelque chose de plus. »1407
ROBESPIERRE (1758-1794), Discours aux Jacobins, 2 janvier 1792
(…) C’est d’abord au club des Jacobins qu’il s’exprime, une tribune qui convient à cet avocat introverti, solitaire, émotif, hypersensible. Il dit aussi : « L’amour de la justice, de l’humanité, de la liberté, est une passion comme une autre ; quand elle est dominante, on lui sacrifie tout. » L’homme est sincère – une qualité qu’on ne peut lui dénier.
« Armons-nous, nous en avons le droit par la nature et même par la loi. Montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus ni en courage […] Il est temps que les femmes sortent de leur honteuse nullité. »1408
Théroigne de MÉRICOURT (1762-1817), Discours prononcé à la Société fraternelle des Minimes, 25 mars 1792
Belge, courtisane et cantatrice, surnommée la Belle Liégeoise, elle entre en révolution comme on entre en religion. Chose fort mal vue de la part d’une femme. Elle devient alors la « Furie de la Gironde ». La voyant fouettée, ridiculisée, son frère la fait enfermer dans un asile pour qu’elle échappe à la mort (…)
« 100 000 Français chassés à la fin du XVIIe siècle, 120 000 Français chassés à la fin du XVIIIe siècle, voilà comment la démocratie intolérante achève l’œuvre de la monarchie intolérante. »1409
Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847-1853)
Il compare les deux émigrations qui ont marqué l’histoire de la France moderne : lors de la révocation de l’édit de Nantes de Louis XIV contre les protestants, et après les mesures révolutionnaires contre les émigrés. Ses chiffres sont même inférieurs à la réalité (…)
« Allons, enfants de la patrie… »1410
ROUGET de l’ISLE (1760-1836), Chant de guerre pour l’armée du Rhin (1792)
Premier vers de ce qui deviendra l’hymne national français sous le nom de La Marseillaise, paroles et musique de Claude Joseph Rouget de l’Isle, chant composé dans la nuit du 25 avril 1792 à la requête du maire Dietrich, à Strasbourg, joué pour la première fois par la musique de la garde nationale de cette ville, le 29 avril.
« Désarmez les citoyens tièdes et suspects, mettez à prix la tête des émigrés conspirateurs […] Prenez en otage les femmes, les enfants des traîtres à la patrie. »1411
Jacques ROUX (1752-1794), 17 mai 1792. Jacques Roux et le Manifeste des Enragés (1948), Maurice Dommanget
Discours prononcé à Notre-Dame, imprimé, vendu au profit des pauvres. Le chef des Enragés conclut : « Rappelez-vous que l’Angleterre ne se sauva qu’en rougissant les échafauds du sang des rois traîtres et parjures. » L’escalade de la pensée terroriste est claire. C’est le langage de la terreur, avant la Terreur (…) On appelle Jacques Roux le Petit Marat, le Curé rouge et le Prêtre des sans-culottes (…)
« Les brigands dirent, en entrant chez moi : “Où est-il, ce grand homme ? Nous venons le raccourcir.” C’est un des caractères de la Révolution que ce mélange de plaisanterie et de férocité. »1412
RIVAROL (1753-1801), Lettre, 12 mai 1797
Écrivain politique défenseur de la monarchie, Rivarol a prévenu l’irréparable, et quitté Paris le 10 juin 1792, peu de jours avant l’irruption des « brigands » dans sa maison.
« Guillotin – Médecin – Politique,
Imagine un beau matin
Que pendre est inhumain
Et peu patriotique.
Aussitôt – Il lui faut – Un supplice
Qui, sans corde ni poteau,
Supprime du bourreau
L’office. »1413La Guillotine, chanson. Les Actes des Apôtres (1789-1791), Un journal royaliste en 1789 (1873), Marcellin Pellet
Dansés sur un air de menuet, ces vers prouvent que tout fut bon à chansonner. Mais c’est contre l’avis de Guillotin qu’on baptisa guillotine ces « bois de justice ». Premier condamné à mort guillotiné, un voleur de grand chemin, Nicolas Pelletier, exécuté en place de Grève à Paris (aujourd’hui place de l’Hôtel-de-Ville), le 25 avril 1792.
« On se défendra, Monsieur, et tant qu’il restera en France un pouce de terrain libre, et un homme pour le disputer, c’est là que vous me trouverez. »1414
LA FAYETTE (1757-1834), Lettre autographe à Dumouriez, 29 mai 1792
La France a déclaré la guerre le 20 avril 1792 au « roi de Bohême et de Hongrie » : le nouvel empereur d’Autriche François II, 24 ans, neveu de Marie-Antoinette, exige le rétablissement des droits féodaux en Alsace et l’abolition du nouveau droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Casus belli pour la France révolutionnaire (…)
À bas le Veto !
Avis à Louis XVI : le peuple est las de souffrir.
La liberté ou la mort !1415Slogans sur les enseignes, Manifestation du 20 juin 1792 à Paris. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux
Le palais des Tuileries est envahi par les sections de la Commune de Paris : elles protestent contre le droit de veto du roi et fêtent l’anniversaire de sa fuite à Varennes, dont l’échec, il y un an, précipita les événements (…) Louis XVI accepte de se coiffer du bonnet rouge, de boire à la santé de la nation – les gravures ne manquent pas de ridiculiser cette image de la monarchie bafouée. Mais il refuse de renoncer à son droit de veto.
« Il vaut mieux encore un roi soliveau qu’une grue républicaine. »1416
Antoine Joseph GORSAS (1751-1793), Le Courrier de Versailles, fin juin 1792
Auteur de pamphlets qui lui valurent la prison sous l’Ancien Régime, il fonde un journal en 1789. Il y écrit ces mots au lendemain du 20 juin 1792. Ayant participé à cette journée révolutionnaire, il semble plus que tout redouter la démagogie, et la dérive républicaine.
Soliveau désigne une personne sans autorité, faible. Et en argot, une grue désigne une prostituée.
« Aux armes, citoyens !
Formez vos bataillons !
Marchez, marchez,
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons ! »1417ROUGET de l’ISLE (1760-1836), Le Chant de guerre pour l’armée du Rhin, refrain (1792)
« Trouvé à Strasbourg […] il ne lui fallut pas deux mois pour pénétrer toute la France. Il alla frapper au fond du Midi, comme par un violent écho, et Marseille répondit au Rhin. Sublime destinée de ce chant ! », écrit Michelet, lyrique et romantique, dans son Histoire de la Révolution française (…) Le chant plaît au bataillon des Marseillais, qui l’adopte comme hymne de ralliement (…) Son histoire ne fait que commencer.
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