Le référendum est d’actualité. Il a toute une histoire et même une « préhistoire » : c’est le plébiscite. Ce mot rime avec impérialiste et a mauvaise réputation. C’est quand même un progrès sur l’Ancien Régime. On imagine mal Louis XIV demandant l’avis de ses sujets !
« On ne fait de grandes choses en France qu’en s’appuyant sur les masses ; d’ailleurs un gouvernement doit aller chercher son point d’appui là où il est. »1695
(1769-1821)
Manuel du Chef : maximes napoléoniennes (1919), Napoléon Ier, Jules Bertaut.
Aphorisme souvent cité, s’appliquant au premier plébiscite de l’histoire de France comme aux suivants, tous sous le signe du bonapartisme.
Après la Révolution et le Directoire, le nouveau maître de la France doit légitimer son coup d’État de brumaire qui lui a donné le pouvoir. La Constitution de l’an VIII est adoptée par plébiscite, le 18 février 1800 : sur 4 millions de votants (suffrage universel complexe et excluant les femmes), 1 562 non ! Le « oui » était si sûr que la Constitution est déjà appliquée, depuis le 25 décembre. Avec quelques amendements, dont le Consulat à vie, elle aboutira à l’Empire.
« Le peuple français nomme et le Sénat proclame Napoléon Bonaparte Premier Consul à vie. »1727
Le Sénat, proclamation des résultats du plébiscite, 2 août 1802
Cette fois encore, c’est le peuple tout entier qui donne ce pouvoir à Bonaparte : sur plus de 3,5 millions de votants, guère plus de 8 000 non. À Paris : 60 non. En Vendée, 6 ! Consensus national évident et justifié, dans le contexte historique. Bonaparte fait figure d’homme providentiel. Il va confirmer…
« J’accepte le titre que vous croyez utile à la gloire de la nation. Je soumets à la sanction du peuple la loi d’hérédité. J’espère que la France ne se repentira jamais des honneurs dont elle environnera ma famille. »1792
NAPOLÉON Ier (1769-1821), Adresse de l’empereur à Cambacérès et au pays, 18 mai 1804
À la demande de Cambacérès, ministre de la Justice, on n’attend même pas la « sanction du peuple », la mise en application de la Constitution de l’an X est immédiate. De nouveau, le résultat du plébiscite pour l’Empire était évident : plus de 3,5 millions de oui, 2 579 non (août 1804). Même avec la propagande impériale, on peut parler d’une union nationale en faveur du pouvoir impérial.
La fin de l’Empire sera tragique, avec deux abdications humiliantes (1814, 1815), mais Napoléon, star de l’Histoire en citations, est le personnage le plus mondialement connu de l’histoire de France. Son neveu, « Napoléon le Petit » (Hugo) souffrira de la comparaison : « L’histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d’originaux et beaucoup de copies. » (Tocqueville). Le neveu, déjouant les préjugés d’illustres contemporains, va quand même s’offrir quelques plébiscites triomphaux. Le personnage est d’ailleurs réhabilité par certains historiens.
« Aujourd’hui, le règne des castes est fini, on ne peut gouverner qu’avec les masses. »2243
Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), L’Extinction du paupérisme (1844)
Évidence bien sentie par le futur empereur qui saura séduire les foules, les manipuler à l’occasion - élections, plébiscites. Mais il est en partie sincère et sera l’homme du mieux-être économique, grâce au progrès industriel et commercial sous le Second Empire.
Les mesures sociales chargées de bonnes intentions seront malheureusement suivies de peu d’effets. Et le régime ne prendra que tardivement un tournant vraiment libéral, plus respectueux des « masses ».
Notre série de citations sur les plébiscites et référendums :
- Parole des Savoyards : « Nos cœurs ont suivi le cours de nos rivières. »
- Constitution de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple… »
- De Gaulle : « Il va peser lourd le oui que je demande… »
- Séguin : « Dès lors que, dans un territoire donné, il n’existe qu’une seule monnaie… »
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