Le personnage de Charlemagne, roi des Francs devenu empereur d’un vaste territoire au Moyen Âge, fascine à juste titre. Et Napoléon, mille ans après, se voit déjà son égal… Double erreur !
Le temps n’est plus à ce genre de Grand Empire, car les peuples ont goûté à la liberté, avec la Révolution.
Quant à la culture et aux lettrés, Napoléon s’en méfie, impose la censure, ne pense qu’à sa propagande, et fait tout le contraire de Charlemagne !
« Je n’ai pas succédé à Louis XVI, mais à Charlemagne. »1799
(1769-1821), à Pie VII, le jour du sacre en la cathédrale Notre-Dame de Paris, 2 décembre 1804
Napoléon a dit (1996), Lucian Regenbogen, préface de Jean Tulard.
À peine couronné empereur des Français par le pape, Napoléon dévoile sa véritable ambition, le titre d’empereur d’Occident à la tête du Grand Empire. Le 7 septembre, à Aix-la-Chapelle, il s’est recueilli devant le tombeau de Charlemagne et a ordonné une procession solennelle avec tous les symboles impériaux (couronne, épée, main de justice, globe, éperons d’or). Et le sacre se tient à Paris, non pas à Reims, comme de tradition pour les rois de France.
Son rêve de Grand Empire va dresser contre la France toute l’Europe coalisée. Refusant de suivre les conseils de Talleyrand, ministre des Relations extérieures et fervent avocat de l’équilibre européen, l’empereur sera vaincu et (deux fois) contraint à l’abdication et l’exil.
« L’Empereur, si puissant, si victorieux, n’est inquiet que d’une chose au monde : les gens qui parlent et, à leur défaut, les gens qui pensent. »1861
Comte de NARBONNE (1755-1813), à Vuillemain, lors d’une visite à l’École normale en 1812
Revue des deux mondes, (1874)
Napoléon, au faîte de sa gloire, voudrait que son règne soit « signalé par de grands travaux, de grands ouvrages littéraires ». Malheureusement, jamais la liberté de parole et de pensée ne fut plus surveillée, la presse davantage censurée : plus que quatre journaux à Paris depuis 1811, et leurs actions ont été confisquées et réparties entre la police et les courtisans les plus dévoués. Encore Napoléon s’indigne-t-il parfois de ce qu’il lit, du « mauvais esprit » et de la « maladresse » des journalistes.
« Il faut avant tout arriver à l’unité, et qu’une génération tout entière puisse être jetée dans le même moule. »1757
NAPOLÉON Ier (1769-1821) au comte Louis-Mathieu MOLÉ
Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, De la Révolution à l’école républicaine (1981), François Mayeur
L’instruction publique est un moyen de « diriger les opinions publiques et morales » et pour Napoléon, « tout en dépend, le présent et l’avenir ». Les premiers lycées sont fondés en 1802. La mission assignée à l’Université en 1808 sera également de « former dans le même moule une jeunesse bourgeoise dévouée à l’État ». L’empereur prétend aussi asservir à sa loi philosophes et écrivains, et c’est un tout autre problème. Sur ce point, il va échouer.
« Ce qui paraît est misérable ! cela dégoûte. »1758
NAPOLÉON Ier (1769-1821)
Journal : notes intimes et politiques d’un familier des Tuileries (posthume, 1909), Pierre-Louis Roederer
L’empereur a souvent ce mot, comme jadis le Premier Consul, déçu par la production littéraire de son temps. Sans doute veut-il trop diriger la pensée des créateurs et des intellectuels. La plupart d’entre eux sont dociles : les « best-sellers » d’une époque où les amateurs de romans et de poèmes abondent sont aujourd’hui illisibles.
Les seuls grands talents seront des opposants au régime : Chateaubriand hostile à Napoléon après l’exécution du duc d’Enghien (1804), Mme de Staël, coupable d’être la femme la plus intelligente et la plus libre de son temps. Paradoxalement, le personnage de Napoléon Bonaparte inspirera des chefs-d’œuvre de la littérature française et mondiale.
Même pauvreté dans le domaine théâtral. Le genre qui fait fureur sur les boulevards, c’est le mélodrame. Napoléon méprise le « mélo », il n’aime que le genre noble, la tragédie (à la Comédie-Française), mais aucun auteur ne peut rivaliser, même de très loin, avec les dramaturges du siècle de Louis XIV. Il a quand même trouvé son grand acteur, Talma.
Napoléon a plus de chance avec les beaux-arts : David, peintre officiel, d’ailleurs issu de la Révolution, reste magnifiquement inspiré, dans le parcours imposé par le nouveau maître de la France : voir Le Sacre, chef-d’œuvre de l’école néoclassique.
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