Napoléon, l’Angleterre et le rêve d’une conquête impossible. C’est l’ennemi numéro un de la France anglophobe, lancée dans la « seconde guerre de Cent Ans ». Pour Napoléon, c’est la haine contre LA puissance rivale. Il va tout tenter pour l’abattre et tout perdre à ce jeu.
« Soldats ! Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Vous porterez à l’Angleterre le coup le plus sûr et le plus sensible en attendant que vous puissiez lui donner le coup de mort. »1670
(1769-1821), Proclamation à ses troupes le 22 juin 1798, en mer, avant le débarquement du 28 juin en Égypte
Monuments d’éloquence militaire ou Collection raisonnée des proclamations de Napoléon Bonaparte (1821), Constant Taillard.
Le Directoire ayant décrété le blocus de l’Angleterre, la nouvelle campagne d’Égypte est une expédition aventureuse, destinée à combattre l’ennemi en Méditerranée, pour lui barrer la route des Indes. C’est aussi une manœuvre du Directoire pour éloigner le trop populaire Bonaparte, tout en utilisant son génie militaire… Cette fois, on lui donne les moyens : 36 000 vrais soldats, 2 200 officiers d’élite, une flotte de 300 bâtiments, quelques dizaines de savants, ingénieurs, artistes de renom ou jeunes talents. Au total, 54 000 hommes (et quelques femmes). La flotte française, partie de Toulon en mai, a pris Malte au passage, le 10 juin.
« L’espace qui sépare la Grande-Bretagne du continent n’est point infranchissable. »1718
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Lettre à Talleyrand, ministre des Relations extérieures, 19 avril 1801
« Il est bon que l’Angleterre sache que l’opinion du Premier Consul est que l’espace… » Cela sonne comme une menace. En février 1798, le Directoire a soumis à Bonaparte un projet d’invasion de l’Angleterre. Sur le conseil de Talleyrand, l’ambitieux renonça, préférant combattre l’ennemi en Méditerranée, d’où la campagne d’Égypte. Mais l’idée revient.
« C’est un fossé qui sera franchi lorsqu’on aura l’audace de le tenter. » Bonaparte à Cambacérès, Boulogne, 16 novembre 1803. Ce fossé, c’est naturellement la Manche qui sépare la France des côtes d’Angleterre, visibles des hauteurs d’Ambleteuse (Pas-de-Calais). Cette idée récurrente tourne à l’obsession, chez le conquérant.
« Je vais hasarder l’entreprise la plus difficile, mais la plus féconde en résultats effrayants que la politique ait conçue. En trois jours, un temps brumeux et des circonstances un peu favorisantes peuvent me rendre maître de Londres, du parlement, de la Banque. »1737
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), au marquis de Lucchesini, 16 mai 1803
JO de la République française, n° 57 (1988), Maurice Schumann au Sénat, 9 décembre 1988
L’idée le hante depuis le Directoire qui projetait cette attaque par la Manche. Le Premier Consul s’en ouvre au ministre plénipotentiaire du roi de Prusse. Quatre jours plus tard, rupture de la paix d’Amiens, annoncée aux assemblées. Il accuse l’Angleterre et dit ne se résoudre à la guerre « qu’avec la plus grande répugnance ». Qui peut le croire ?
« Je veux conquérir la mer par la puissance de la terre. »1820
NAPOLÉON Ier (1769-1821), Décret de Berlin, 21 novembre 1806
Pour résoudre le « problème anglais », autrement dit neutraliser l’ennemi qui règne sur les mers, la guerre navale est devenue impossible, après la défaite de Trafalgar, et le débarquement semble irréalisable. Napoléon reprend alors une autre idée, longuement méditée, rédigeant lui-même le décret. C’est le Blocus continental : « Tout commerce et toute correspondance avec les îles Britanniques sont interdits. » Y compris aux pays neutres.
Le blocus aurait pu être un danger pour l’économie anglaise, qui exporte un tiers de sa production. Mais il ne sera jamais bien respecté. La contrebande sauve l’Angleterre. Napoléon envahira les pays récalcitrants, Espagne et Russie. Par ailleurs, le sentiment national des pays occupés ressurgit avec les privations imposées aux peuples, ainsi en Allemagne.
« Sire, je hais les Anglais autant que vous. — En ce cas, la paix est faite. »1827
NAPOLÉON Ier (1769-1821), à Alexandre Ier (1777-1825), tsar de Russie, Tilsit, 25 juin 1807
Après la victoire de Friedland, c’est l’entrevue de Tilsit : les deux empereurs s’embrassent sur un radeau de luxe, au milieu du Niemen. Ils dialoguent vingt jours, rêvant de se partager le monde : l’Occident à la France, l’Orient à la Russie.
Traité signé le 7 juillet. En échange de certaines concessions, la Russie adhère au Blocus continental et promet d’entrer en guerre contre l’Angleterre, si elle ne signe pas la paix avant novembre. Ce premier traité secret est suivi d’un second, au détriment de la Prusse. Jamais Napoléon n’a paru si puissant. Mais l’Empire se révèlera fragile…
« Je viens, comme Thémistocle, m’asseoir au foyer du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de Votre Altesse Royale, comme celles du plus constant, du plus généreux de mes ennemis. »1957
NAPOLÉON Ier (1769-1821), Lettre au régent d’Angleterre, 13 juillet 1815
Le vaincu s’adresse au vainqueur, le futur Georges IV – en fait, le régent exerce le pouvoir, son père Georges III étant devenu définitivement fou en 1810. Diverses destinations furent envisagées pour l’exil, notamment les États-Unis d’Amérique. Cela ne s’est pas fait, pour diverses raisons. Ce sera donc Sainte-Hélène, île en plein Atlantique, à 1 900 km.
Pour aller plus loin :
- Napoléon dans notre indexation (45 références)
- Napoléon : « Nous avons fini le roman de la Révolution… »
- Chanson : « On couronn’Napoléon Empereur de ce bel Empire. »
- Alexandre Ier : « Cet homme est insatiable… »
- Napoléon : « Français ! […] j’arrive parmi vous reprendre mes droits qui sont les vôtres. »
- Lamartine : « Je ne suis pas de cette religion napoléonienne… »
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