Les années Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand
La réélection de Mitterrand en 1988
Après deux années de cohabitation, Chirac sera finalement perdant dans ce duo-duel et Mitterrand l’emporte largement à l’élection présidentielle de mai 1988. Mitterrand fait alors couple avec son ancien rival à gauche, Michel Rocard qu’il prend pour Premier ministre.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité : l’Acte unique soumis à la ratification du Parlement constitue une révision du traité de Rome et ne doit ni soulever un enthousiasme démesuré ni nourrir des craintes injustifiées. »3268
(1920-1997), Assemblée nationale, 20 novembre 1986
(…) L’Acte unique européen, signé a Luxembourg le 17 février 1986 par neuf États membres et le 28 février 1986 par le Danemark, l’Italie et la Grèce, est la première modification importante du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE). Il entrera en vigueur le 1er juillet 1987.
La libre circulation des marchandises, des services, des hommes et des capitaux dans l’ensemble de la Communauté sera effective au 31 décembre 1992. Le Marché commun devient alors un marché unique : une étape sur la voie de l’intégration politique et de l’union économique et monétaire, inscrite dans le traité de Maastricht sur l’Union européenne.
Devaquet au piquet.
Touche pas à ma fac.
Touche pas à mon bac.3269Slogans des manifestations, fin novembre et début décembre 1986. La Vie politique sous la Ve République (1987), Jacques Chapsal
La loi Devaquet devant réformer l’Université provoque la première grande crise du gouvernement Chirac. Les intentions du ministre – autonomie, sélection, orientation – sont particulièrement mal comprises. Étudiants et lycéens se mobilisent contre l’inégalité des diplômes (née de l’autonomie des universités), contre la sélection par l’argent (due à l’augmentation des droits d’inscription) et contre le principe même de toute sélection (…)
Le projet Devaquet est retiré le 8 décembre (…)
« Mieux vaut perdre des élections que perdre son âme. »3270
Michel NOIR (né en 1944), Le Monde, 18 mai 1987
(…) Le ministre du Commerce extérieur, Michel Noir, fait sensation avec cette affirmation stratégique, partout reprise et promue au rang de citation politique !
Un conseil de cabinet est convoqué pour sermonner l’impertinent. Et les ministres sont priés d’éviter toute polémique, s’ils veulent rester en fonction.
Tout en rappelant sa « position constante de refus de l’idéologie du Front national », Chirac souligne que ses électeurs « ne doivent pas être rejetés ». Cela vaut pour toutes les élections à venir, dans un pays démocratique, toujours plus ou moins en campagne électorale.
« Où est le Zola qui décrira la curée à laquelle se livre sous nos yeux le RPR ? »3271
Pierre JOXE (né en 1934), Journées parlementaires du PS, septembre 1987. Les Sept Mitterrand (1988), Catherine Nay
(…) C’est la suite du feuilleton des nationalisations : la droite revient sur les mesures prises par la gauche en 1982, et même sur celles de 1945-1946. Faisant écho au président de la République, Joxe reproche au gouvernement de brader le patrimoine national et de réserver aux copains et aux coquins une part des actions vendues par l’État (…)
« La démocratie s’arrête là où commence la raison d’État. »3272
Charles PASQUA (1927-2015), ministre de l’Intérieur, déclaration à la télévision en 1987. Au fil des pensées (s.d.), Gilles le Cordier Pellerin
Il justifie les lois Pasqua. Les militants gaullistes ont applaudi à l’arrestation du groupe terroriste Action directe, comme au contrôle renforcé sur le séjour des étrangers, mais la gauche dénonce une politique sécuritaire liberticide.
Trois ans après, Pierre Mauroy s’en indigne encore : « A l’Assemblée nationale, j’avais exprimé notre colère après la mort de Malik Oussekine, victime de l’enchaînement incontrôlé d’une répression aveugle. C’était l’époque ou un ministre de l’Intérieur se permettait d’affirmer : “La démocratie s’arrête la où commence la raison d’État.” Et il fallut toute l’autorité du Président François Mitterrand pour que la cause des libertés ne reculât point » (…)
« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. »3273
Jacques CHIRAC (1932-2019), Le Monde, 22 février 1988
Formule empruntée a Henri Queuille, du parti radical-socialiste, 21 fois ministre sous la Troisième et la Quatrième République, « petit père Queuille » par ailleurs très populaire.
(…) Ce cynisme déclaré permet à certains hommes politiques de dire à peu près n’importe quoi (…)
Chirac, Premier ministre en cohabitation de combat avec Mitterrand, sera également candidat contre lui à la prochaine présidentielle. Situation délicate, mal gérée, de sorte que les sondages d’opinion vont conforter la position du président, qui repart en campagne.
Tonton, laisse pas béton.3274
RENAUD (né en 1952), slogan lancé par le chanteur, présidentielles du printemps 1988. Pour une histoire culturelle (1997), Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli
(…) Au soir du premier tour, Mitterrand arrive en tête avec 34 % des voix, devant Chirac, près de 20 %. Suivent Raymond Barre (UDF), 16,54 % ; Jean-Marie Le Pen (FN), 11,46 % ; André Lajoinie (PC), 6,76 % ; Antoine Waechter (Verts), 3,78 % ; Pierre Juquin (PSU et LCR, gauche), 1,67 % ; Arlette Laguiller (Lutte ouvrière), 1,99 % ; Pierre Boussel (Parti des travailleurs), 0,31 %.
« Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n’êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats […] Vous me permettrez donc de vous appeler Monsieur Mitterrand. — Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre. »3275
Jacques CHIRAC (1932-2019) et François MITTERRAND (1916-1996), débat télévisé de l’entre-deux-tours, 28 avril 1988
Mitterrand a changé d’adversaire. Après deux débats contre Giscard d’Estaing, il s’oppose cette fois-ci à Chirac, Premier ministre sortant. Cette situation originale aboutit au passage le plus marquant de leur duel.
Et Mitterrand est réélu le 8 mai, avec 54 % des suffrages exprimés au second tour (…) Le président réélu dissout l’Assemblée nationale. La gauche retrouve la majorité, de justesse. La dynamique présidentielle n’a pas joué aussi fort qu’en 1981. Mitterrand va quand même profiter de cette nouvelle alternance qui lui épargne les « délices » de la cohabitation.
« L’alternance est l’oxygène de la démocratie. »3276
François MITTERRAND (1916-1996), « Nos années 80 », Paris Match, 30 novembre 1989
(…) Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il vit la pire « coexistence » de sa carrière politique, avec son ennemi intime, Rocard, Premier ministre : « Je vais le nommer puisque les Français semblent en vouloir. Mais vous verrez, au bout de dix-huit mois, on verra au travers » (cité dans L’Enfer de Matignon, par Raphaëlle Bacqué).
« Je rêve d’un pays où l’on se parle à nouveau. »3277
Michel ROCARD (1930-2016), Premier ministre, Assemblée nationale, 29 juin 1988
(…) L’homme de la « deuxième gauche » a beaucoup rêvé, mais les hommes et les circonstances ont freiné ses ambitions et contrarié ses intuitions.
Malgré tout, en trois ans, Rocard accomplit d’abord un « miracle » : il ramène la paix en Nouvelle- Calédonie plongée dans la guerre civile, lui accordant le droit à l’autodétermination. Il crée le RMI (Revenu minimum d’insertion et ancêtre du RSA, Revenu de solidarité active), allocation de survie destinée aux victimes de la crise rampante des années 1980, qui fait l’unanimité à l’Assemblée – fait rarissime. Et la CSG (Contribution sociale généralisée), prélèvement provisoire sur l’ensemble des revenus, censé diminuer le déficit de la Sécurité sociale – la CSG existe toujours, le déficit aussi.
« En 1994 [on pourra] se baigner de nouveau dans la Seine. Et je serai le premier à le faire. »3278
Jacques CHIRAC (1932-2019), lors du lâcher de 5 000 brochets dans la Seine, 28 novembre 1988. Le Nouvel Observateur
Parole du maire de Paris. Chirac sera le prochain président de la République, avec une conscience écologique de plus en plus affirmée. Sa Fondation, créée après sa retraite politique en 2008, prouve la sincérité de cet engagement.
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