Bonaparte : « Nous sommes trente millions d'hommes réunis par les Lumières, la propriété et le commerce. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Consulat
Chronique

Presque trop beau pour être vrai et durable…

Plébiscite triomphal pour le sénatus-consulte faisant Bonaparte consul à vie (août 1802).

Mais l’opposition (royaliste et intellectuelle) existe toujours et se manifeste parfois, le maître de la France a déjà des visées sur l’Europe et développe une obsession anti-anglaise qui marquera l’Empire à venir.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Nous sommes trente millions d’hommes réunis par les Lumières, la propriété et le commerce. »1726

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Conseil d’État, 4 mai 1802

Mémoires sur le Consulat (1827), comte Antoine-Claire Thibaudeau.

Voilà une définition de la nation qu’aurait pu signer Necker, Sieyès ou Benjamin Constant. Grâce à la paix extérieure et intérieure momentanément retrouvée, agriculture, industrie et commerce se développent, la France se réforme (administration, monnaie, fiscalité, éducation).

« Le peuple français nomme et le Sénat proclame Napoléon Bonaparte Premier Consul à vie. »1727

Le Sénat, proclamation des résultats du plébiscite, 2 août 1802

C’est bien le peuple tout entier qui donne ce pouvoir à Bonaparte : sur plus de 3,5 millions de votants, guère plus de 8 000 non. À Paris : 60 non. En Vendée, 6 ! Le consensus national est évident et justifié.

« Ce siècle avait deux ans. Rome remplaçait Sparte.
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du Premier Consul déjà par maint endroit
Le front de l’empereur brisait le masque étroit. »1728

Victor HUGO (1802-1885), Les Feuilles d’automne (1831)

1802. C’est aussi l’année de naissance du poète qui domine le siècle. Son père deviendra général et comte d’Empire. Chantre de la légende napoléonienne, Hugo jouera à ce titre – et à bien d’autres – un vrai rôle politique, dans l’histoire de France. D’où sa troisième place sur le podium de notre Histoire en citations.

« Voici le second pas fait vers la royauté. Je crains que cet homme ne soit comme les dieux d’Homère, qu’au troisième acte il n’atteigne l’Olympe. »1729

Mme de STAËL (1766-1817), jugeant l’irrésistible ascension du Premier Consul (…)

Écrivaine reconnue et opposante résolue, elle ironise en ces termes quand le 15 août – anniversaire de Bonaparte, né sous le signe astral du lion – devient jour de fête nationale. Le prénom de Napoléon s’inscrit déjà sur des pièces de monnaie. Le sénatus-consulte du 4 août 1802, appelé Constitution de l’an X, augmente encore les pouvoirs du Premier Consul à vie, au détriment du législatif (…)

« Lorsqu’à faire à tous la loi,
Sans cesse je m’applique,
Je puis régner, par ma foi !
Ayant déjà l’air d’un roi
De pique ! »1730

Les Mérites de Bonaparte, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Les royalistes ont cru un temps que Bonaparte les aiderait dans leur entreprise de restauration de la monarchie, mais après le plébiscite et le sénatus-consulte de 1802, ils déchantent – comme le comte de Provence, prié poliment de rester hors de France – et ils chantent en ironisant sur les « mérites de Bonaparte ».

« Une suite d’événements sans pareils ont fait de la France un monde nouveau. »1731

Jacques NECKER (1732-1804), Dernières vues de politique et de finances (1802)

Retiré de la scène politique depuis 1790, installé en Suisse à Coppet, sur les bords du lac Léman, avec sa fille Mme de Staël, le septuagénaire, partisan de toujours du gouvernement anglais, revient sur son préjugé contre la Révolution à la française et ses effets.

« Il faut que, pour ce qui regarde la France, la Suisse soit française comme tous les pays qui confinent à la France. »1732

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Allocution aux cinq députés de la Suisse à Saint-Cloud, 11 décembre 1802 (…)

Et la Suisse devient un protectorat français ! C’est la Révolution qui a imposé l’occupation française, l’état unitaire et centralisé. Les conflits opposent régulièrement fédéralistes et centralisateurs, mais quand les troupes françaises se retirent à l’été 1802, c’est la « guerre des bâtons », révolte fédéraliste, contre la République helvétique « une et indivisible » (…)

« Vous voulez la guerre. Nous nous sommes battus pendant quinze ans. C’en est déjà trop. Mais vous voulez la guerre quinze années encore et vous m’y forcez ! […] Si vous armez, j’armerai aussi. Vous pouvez peut-être tuer la France, mais l’intimider, jamais ! »1733

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), apostrophant Lord Whitworh, ambassadeur d’Angleterre à Paris, 13 mars 1803 (…)

La scène se passe aux Tuileries, devant deux cents témoins, le ministre des Affaires étrangères Talleyrand et le corps diplomatique pétrifiés. Bonaparte est furieux : l’Angleterre n’a pas rempli les conditions du traité de paix d’Amiens (25 mars 1802) mettant fin aux guerres de la deuxième coalition. Elle refuse notamment d’évacuer l’île de Malte.

« Cette paix [d’Amiens] n’avait pas encore reçu sa complète exécution, qu’il jetait déjà les semences de nouvelles guerres qui devaient, après avoir accablé l’Europe et la France, le conduire lui-même à sa ruine. »1734

TALLEYRAND (1754-1838), Mémoires (posthume, 1891)

Ministre des Relations extérieures, il a tenté de minimiser la déclaration peu diplomatique du 13 mars 1803, mais il rendra Bonaparte responsable de la suite des événements, quand viendra le temps de témoigner face à l’histoire (…) L’Angleterre s’inquiète de la politique expansionniste de la France : Bonaparte s’est fait élire président de la République cisalpine (l’Italie), avant de transformer la Confédération helvétique en protectorat français (…)

« Dieu protège la France. »1735

Devise gravée sur certaines pièces de monnaie française, par décret du 28 mars 1803, 7 germinal an IX

Le napoléon est la nouvelle pièce de monnaie d’or. Cette devise apparaît sur la tranche. Remplacée sous la Restauration par le Domine salvum fac regem de l’Ancien Régime, rétablie sous Louis-Philippe, abolie par la Commune, finalement remplacée par les mots « Liberté, Égalité, Fraternité » (loi du 5 janvier 1907). C’est l’occasion de rappeler que pendant ce siècle (…) la France connaîtra sept régimes politiques.

« Jamais dans l’histoire on n’avait vendu un continent si bon marché ! »1736

Ernest LAVISSE (1842-1922), Histoire de la France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919

Parole d’historien. Bonaparte a besoin d’argent et la Louisiane occidentale, rétrocédée à la France en 1800, pouvait devenir une occasion de conflit avec l’Angleterre installée sur la rive droite du Mississippi. La France cède donc à la jeune république des États-Unis, en vertu du traité du 30 avril 1803, un immense territoire (une bonne partie de l’« Ouest » d’aujourd’hui) pour une « poignée de dollars » (15 millions) (…)

« Je vais hasarder l’entreprise la plus difficile, mais la plus féconde en résultats effrayants que la politique ait conçue. En trois jours, un temps brumeux et des circonstances un peu favorisantes peuvent me rendre maître de Londres, du parlement, de la Banque. »1737

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), au marquis de Lucchesini, 16 mai 1803. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

L’idée le hantait depuis le Directoire qui projetait cette attaque par la Manche. Le Premier Consul s’en ouvre au ministre plénipotentiaire du roi de Prusse. Quatre jours plus tard, c’est la rupture de la paix d’Amiens, annoncée aux assemblées. Il accuse l’Angleterre et dit ne se résoudre à la guerre « qu’avec la plus grande répugnance ».

« L’arrivée de cette femme, comme celle d’un oiseau de mauvais augure, a toujours été le signal de quelque trouble. Mon intention n’est pas qu’elle reste en France. »1738

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), au Grand Juge Régnier (ministre de la Justice) (…)

Il vient d’apprendre le retour de Mme de Staël près de Beaumont-sur-Oise, le 3 octobre 1803. Il lui donne cinq jours pour partir, sinon, il la fera reconduire à la frontière par la gendarmerie.

« C’est un fossé qui sera franchi lorsqu’on aura l’audace de le tenter. »1739

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à Cambacérès, Boulogne, 16 novembre 1803. L’Europe et la Révolution française (1907), Albert Sorel

Ce fossé, c’est la Manche qui sépare la France des côtes d’Angleterre, visibles des hauteurs d’Ambleteuse (département du Pas-de-Calais). C’est une idée récurrente, sinon une obsession. Le 19 avril 1801, il écrivait à Talleyrand : « L’espace qui sépare la Grande-Bretagne du continent n’est point infranchissable. »

« Les vraies colonies d’un peuple commerçant, ce sont les peuples indépendants de toutes les parties du monde. »1740

Jean-Baptiste SAY (1767-1832), Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses (1803)

Il prêche un anticolonialisme intelligent et précurseur. L’indépendance rend les peuples plus industrieux et plus riches, d’où davantage d’occasions et de facilités pour les échanges, alors que les colonies sont une charge présente et deviendront bientôt une honte. Le libéralisme économique de Say rime avec optimisme, au contraire de ses célèbres confrères anglais, Malthus et Ricardo. Mais il contrarie Napoléon Bonaparte (…)

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