Danton : « Nul, quand la patrie est en danger, nul ne peut refuser son service sans être déclaré infâme et traître à la patrie. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Révolution

Assemblée législative (fin)

Danton, nouveau leader : première Terreur (massacres de septembre 1792) et victoire de Valmy le 20 septembre.

Sur fond de guerre et de patrie plus que jamais en danger, à l’instigation de Danton qui a désormais tout pouvoir et l’éloquence en prime, les massacres du 2 au 6 septembre font 1 500 morts, égorgés dans les prisons. C’est la « première Terreur » qui effraie une grande partie du pays.

La victoire de Valmy (20 septembre 1792) annonce la République, au nouveau cri de « Vive la Nation » : Kellermann et Dumouriez triomphent des Autrichiens et des Prussiens, le jour même où la Législative va céder la place à la troisième et dernière assemblée révolutionnaire.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Nul, quand la patrie est en danger, nul ne peut refuser son service sans être déclaré infâme et traître à la patrie. »1426

Georges Jacques DANTON (1759-1794), Législative, 2 septembre 1792

Discours de Danton, édition critique (1910), André Fribourg.

L’armée des Princes (germaniques), soutenue par les aristocrates émigrés (français), commandée par le duc de Brunswick (chef de l’armée prussienne), a pris Longwy. L’Assemblée a peur et veut se replier sur la Loire, mais Danton appelle à la levée en masse (…) L’orateur se fait acclamer. Fait remarquable, il n’écrit pas ses discours : c’est le plus grand improvisateur de l’époque (…)

« Tout s’émeut, tout s’ébranle, tout brûle de combattre, tout se lève en France d’un bout de l’empire à l’autre. »1427

DANTON (1759-1794), Législative, 2 septembre 1792

(…) Substitut de la Commune de Paris érigée en assemblée souveraine et ministre de la Justice depuis le 11 août, il a tous les pouvoirs (…) On l’appelle « le Mirabeau de la populace ». Comme lui, c’est une « gueule », un personnage théâtral. Mais contrairement à Mirabeau, « Danton, comme Robespierre et Marat, est une création de la Révolution. Il jaillit de l’immense événement sans aucun préavis » (Mona Ozouf).

« Le tocsin qui sonne n’est point un signal d’alarme, c’est la charge contre les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. »1428

DANTON (1759-1794), Législative, 2 septembre 1792

« De l’audace… » La fin du discours est célébrissime et propre à galvaniser le peuple : « Danton fut l’action dont Mirabeau avait été la parole », écrit Hugo (Quatre-vingt-treize). Ce 2 septembre, la patrie est plus que jamais en danger. La Fayette, accusé de trahison, est passé à l’ennemi. Dumouriez (…) l’a remplacé à la tête de l’armée du Nord, mais (…) Verdun vient de capituler (…) La rumeur court d’un complot des prisonniers, prêts à massacrer les patriotes à l’arrivée des Austro-Prussiens (…) 600 suspects arrêtés rejoignent 2 000 détenus en prison.

« Il faut purger les prisons et ne pas laisser de traîtres derrière nous en partant pour les frontières. »1429

Mot d’ordre de la presse révolutionnaire. Histoire des Girondins (1847), Alphonse de Lamartine

Mot d’ordre repris par L’Ami du peuple de Marat et Le Père Duchesne d’Hébert, dans les premiers jours de septembre 1792. Marat ne se contente plus d’écrire, il entre le 2 septembre dans le Comité de surveillance créé par la Commune. Ce « fanatique énergumène » (selon le Montagnard Levasseur) sera l’un des responsables des massacres de septembre.

« Que demande un Républicain ?
La liberté du genre humain,
Le pic dans les cachots,
La torche dans les châteaux
Et la paix aux chaumières ! »1430

La Carmagnole (automne 1792), chanson anonyme. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Cette nouvelle version de la Carmagnole résume la situation. Le « pic dans les cachots » va entraîner un nouveau massacre révolutionnaire, plus spectaculaire que les précédents. Ministre de la Justice et responsable des prisons, Danton, qui pouvait tout, ne va rien faire pour l’empêcher.

« Le peuple veut se faire justice lui-même de tous les mauvais sujets qui sont dans les prisons […] Je me fous bien des prisonniers : qu’ils deviennent ce qu’ils pourront ! »1431

DANTON (1759-1794), à Grandpré, collaborateur du ministre de l’Intérieur Roland. La Révolution française (1928), Pierre Gaxotte

Récemment nommé inspecteur des prisons, Grandpré l’informe du climat régnant dans la capitale et du danger couru par les prisonniers. Danton n’en a cure et parle d’un « sacrifice indispensable […] pour apaiser le peuple de Paris. « Vox populi, vox Dei », c’est l’adage le plus vrai, le plus républicain que je connaisse. » (…) Les massacres du 2 au 6 septembre 1792 feront quelque 1 500 morts (sur 3 000 prisonniers) (…)

« Respectables citoyens, vous venez d’égorger des scélérats ; vous avez sauvé la patrie ; la France entière vous doit une reconnaissance éternelle. »1432

Jean-Nicolas BILLAUD-VARENNE (1756-1819) aux massacreurs, 3 septembre 1792 (…)

Parole de Jacobin, membre de la Commune insurrectionnelle de Paris. Il encourage les égorgeurs à se servir sur le butin et la dépouille des cadavres, offre à chaque égorgeur 24 livres et les encourage : « Continuez votre ouvrage, et la patrie vous devra de nouveaux hommages. » Ce mouvement n’a pas touché la province (…) et certains quartiers de Paris sont restés calmes. La même remarque vaudra sous la Grande Terreur (…)

« Vous connaissez mon enthousiasme pour la Révolution. Eh bien ! j’en ai honte. Elle est ternie par des scélérats, elle est devenue hideuse. »1433

Mme ROLAND (1754-1793), Lettre à un ami, 5 septembre 1792. Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

Manon Roland est surtout connue pour avoir été la femme de son mari : l’histoire est injuste (…) C’est l’âme du mouvement girondin, avec une influence prépondérante durant les trois mois du ministère girondin (mars-juin 1792). Elle suivra ses amis politiques dans leur chute et leur mort. Pour l’heure, elle reflète l’opinion d’une grande partie de la France. Elle va désormais vouer une haine absolue à Danton, qui la lui rend bien.

« Je dois à la justice de dire que jamais troupes n’ont déployé plus de courage et de fermeté que cette brave armée qui, à juste titre, fut surnommée l’armée infernale. »1434

KELLERMANN (1735-1820), Relation de la bataille de Valmy et mémoire sur la campagne de 1792

(…) Il fait partie des officiers de l’Ancien Régime ralliés à la Révolution. Nommé lieutenant général en 1792, il remporte la victoire de Valmy sous les ordres de Dumouriez. La bataille se borne à une violente canonnade : 150 morts et 260 blessés chez les Français, guère plus chez les Prussiens et Autrichiens coalisés (…) Ce 20 septembre 1792 fait pourtant date dans l’histoire de France : le 21 septembre la monarchie est abolie, et le 22 septembre la République est proclamée.

« De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde et vous pourrez dire : j’y étais. »1435

GOETHE (1749-1832), Aus meinem Lebe : Dichtung und Warheit - De ma vie : Poésie et Vérité (1811-1833), autobiographie

(…) Le plus grand écrivain allemand est présent à la bataille de Valmy (commune de la Marne), côté Prussiens. Et conscient de vivre un événement majeur. La retraite des troupes du duc de Brunswick, supérieures en nombre, reste à jamais une énigme. Il aurait dit : « Nous ne combattrons pas ici. »

« Vive la Nation ! »1436

Cri des troupes de Kellermann et Dumouriez à Valmy, 20 septembre 1792 (…)

Contre l’armée prussienne, ce cri nouveau est chargé d’un triple symbole : triomphe de l’idée de Nation, déchéance du roi, victoire de la République. Et Valmy arrête l’invasion de la France révolutionnaire. Autre première historique, les femmes se sont engagées pour défendre la patrie proclamée en danger.

« J’ai pris part à tous vos exploits
En vous versant à boire.
Songez combien j’ai fait de fois
Rafraîchir la victoire. »1437

BÉRANGER (1780-1857), La Vivandière (1817), chanson

Présent à Paris au début de la Révolution, très tôt républicain de cœur, il trouve son expression dans la chanson patriotique. Il n’imaginait pas que son nom reste dans l’histoire, c’est pourtant l’un de nos chansonniers les plus populaires ! Il rend hommage à l’entrée sur la scène de l’histoire de ces femmes qui s’engagèrent aux armées (…) Vivandières, appelées aussi cantinières, elles suivront toutes les guerres de la Révolution et de l’Empire.

« Un soir, disait Condorcet
À plus d’un confrère,
J’ai dans la tête un projet
Qui pourra vous plaire,
Il nous faut, mes chers amis,
Établir en ce pays
Une ré-ré-ré
Une pu-pu-pu
Une ré – Une pu – Une république
D’une forme unique. »1438

François MARCHANT (1761-1793), Le Grand Projet, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

La chanson à la mode, au lendemain de Valmy. Le roi est suspendu de ses fonctions, la monarchie fait place à un nouveau régime et l’humour reprend ses droits, le temps de quelques vers (…) Le suffrage universel (masculin) s’applique pour la première fois dans notre histoire, la Législative ayant aboli au lendemain du 10 août la distinction entre citoyens actifs et passifs, pour l’élection de la prochaine Assemblée nationale.

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