Les femmes de la Révolution, quatrième épisode : Olympe de Gouges.
La belle Olympe de Gouges est l’une des premières féministes de l’histoire, à une époque où cette audace mène à l’échafaud, en passant par le ridicule et tous les quolibets du machisme populaire. Elle défend aussi les droits des autres minorités opprimées, noirs, esclaves. En 2014, elle a raté de peu l’entrée au Panthéon. Ce sera pour la prochaine fournée. Faisons aussi une petite place à une autre féministe, encore plus provocante…
« La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. »1397
(1748-1793), Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, septembre 1791
Le XIXe siècle et la Révolution française (1992), Maurice Agulhon.
Le préambule du texte est dédié à la reine Marie-Antoinette et c’est déjà une provocation. Cette féministe, l’une des premières de l’histoire, mourra guillotinée en 1793, après bien d’autres provocations.
Elle plaide pour l’égalité entre les sexes, ce qui inclut le droit de vote et l’éligibilité - permettant de monter à la tribune en tant que député. Chose impossible, aussi longtemps que la femme est considérée comme juridiquement mineure, soumise au père ou à l’époux.
Les femmes seront la « minorité » la plus durablement brimée, dans cette histoire. Certaines s’illustrent, héroïnes et souvent martyres, dans cette Révolution menées par les hommes. Même la symbolique « marche des femmes » (anonymes) aux journées d’octobre 1789 fut orchestrée et encadrée par les hommes, dont Choderlos de Laclos qui a envoyé sa maîtresse, dans le cortège. On voyait aussi des travestis (trahis par leur voix) et des meneurs armés de piques, rejouant la prise de la Bastille. Un siècle plus tard, les femmes prendront plus réellement part à la Commune de Paris, avec l’incontournable Louise Michel.
En attendant, Olympe de Gouges se bat aussi pour la cause des Noirs, et l’abolition de l’esclavage.
« Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »1552
Olympe de GOUGES (1755-1793), guillotinée le 3 novembre 1793
Son mot de la fin.
Féministe coupable d’avoir écrit sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, d’avoir défendu le roi, elle a été arrêtée en juillet 1793. Elle avait aussi attaqué courageusement attaqué Robespierre : « Tu te dis l’unique auteur de la Révolution, tu n’en fus, tu n’en es, tu n’en seras éternellement que l’opprobre et l’exécration ».
Femme de lettres affichant sa liberté d’expression, elle s’installa à Paris pour mener une vie de « courtisane » fort mal vue. Femme entretenue, elle créa sa troupe de théâtre et écrit des pièces politiques, pour défendre ses idées. On peut comparer Mme de Gouges à George Sand, qui choquera la bonne société de son temps par sa liberté de vie et de parole au siècle suivant, mais cette attitude est plus risquée, en 1793 !
Et la reconnaissance tant espérée par la condamnée sera tardive.
« Rappelez-vous cette virago, cette femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges qui abandonna tous les soins du ménage, voulut politiquer […] Cet oubli des vertus de son sexe l’a conduite à l’échafaud. »1553
Pierre-Gaspard CHAUMETTE (1763-1794), au club des Jacobins, novembre 1793
La suite de son cours de morale, qui invoque la Nature et les droits naturels, est d’une implacable misogynie : « Tous ces êtres immoraux ont été anéantis sous le feu vengeur des lois, et vous voudriez les imiter ? Non, vous sentez que vous ne serez intéressantes et vraiment dignes d’estime que lorsque vous serez ce que la nature a voulu que vous fussiez. Nous voulons que les femmes soient respectées, c’est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes. »
Procureur de la Commune insurrectionnelle de Paris, Chaumette fait cette même année un discours dans le même esprit à la tribune de la Convention, preuve que le thème lui tient à cœur : « Depuis quand est-il d’usage de voir les femmes abandonner les soins pieux de leur ménage, le berceau de leurs enfants, pour venir sur la place publique, dans la tribune aux harangues, à la barre du Sénat, dans les rangs de nos armées, remplir les devoirs que la nature a répartis à l’homme seul ? » Le XIXe siècle sera tout aussi macho, mais moins assassin !
« Armons-nous, nous en avons le droit par la nature et même par la loi. Montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus ni en courage. Il est temps que les femmes sortent de leur honteuse nullité. »1408
Théroigne de MÉRICOURT (1762-1817), Discours prononcé à la Société fraternelle des Minimes, 25 mars 1792
Belge, courtisane et cantatrice, surnommée la Belle Liégeoise, elle entre en révolution comme on entre en religion. Chose fort mal vue de la part d’une femme. Elle devient alors la « Furie de la Gironde ».
La voyant fouettée, ridiculisée, son frère la fait enfermer dans un asile pour qu’elle échappe à la mort. Elle y rencontrera la folie. Il existe une certaine parenté féminine avec Camille Claudel, sacrifiée sur l’autel des bonnes mœurs, un siècle plus tard.
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