11 décembre 1792. Le procès du roi commence. Symbole plus fort que la prise de la Bastille, dramaturgie plus spectaculaire, émotion populaire et conséquences tragiques - révolte des Chouans et guerre de Vendée.
La Convention nationale s’est érigée en tribunal et les députés sont devenus des juges, soucieux des formes juridiques. La plupart sont d’ailleurs des hommes de loi, avec une majorité d’avocats.
Mais le roi était condamné d’avance. Diverses déclarations de principe en font foi.
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« On ne peut point régner innocemment : la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. »1471
(1767-1794), Question concernant le jugement de Louis XVI, 13 novembre 1792
Œuvres de Saint-Just, représentant du peuple à la Convention nationale (posthume, 1834), Saint-Just.
Jeune théoricien de la Révolution, Montagnard pur et dur, il s’est exprimé sur le procès du siècle, avant le procès et dans le même esprit que son ami Robespierre. Il a écrit en 1791 : « Tous les crimes sont venus de la tyrannie qui fut le premier de tous. » (L’Esprit de la Révolution et de la Constitution en France). Saint-Just votera logiquement pour la mort du roi.
Barère de Vieuzac, qui va présider la Convention en bon Montagnard, écrit ce message prémonitoire en 1790 : « On a attaché tant de fausses idées à ce mot de roi, que tant qu’il ne sera pas proscrit de toutes les langues, l’esprit humain n’aura jamais qu’une théorie imparfaite de l’art social. »
« Citoyens, si un monarque est parmi vous plus difficile à punir qu’un citoyen coupable ; si votre sévérité est en raison inverse de la grandeur du crime et de la faiblesse de celui qui l’a commis, vous êtes aussi loin de la liberté que jamais ; vous avez l’âme et les idées des esclaves. »1459
ROBESPIERRE (1758-1794), Sur le parti à prendre à l’égard de Louis XVI, Convention, 3 décembre 1792
Il fallut d’interminables discussions juridiques pour que, malgré l’inviolabilité constitutionnelle et les réticences des Girondins, Louis soit déclaré jugeable, ce 3 décembre. Le procès commence une semaine plus tard. C’est une victoire des Montagnards, Robespierre en tête. Il va pouvoir développer sa rhétorique, dans un mélange de passion et d’abstraction. Ce discours est l’un des plus célèbres.
« La loi atteint sans peine les coupables sans appuis, à peine dans la durée des siècles a-t-elle pu frapper un roi. Et cependant, ce sont les crimes des rois qui enfantent tous les autres crimes, avec les passions lâches, et la misère. »1460
ROBESPIERRE (1758-1794), Sur le parti à prendre à l’égard de Louis XVI, Convention, 3 décembre 1792
Monarchiste constitutionnel au début de la Révolution, devenu républicain après le 20 juin 1792 (journée révolutionnaire provoquée par le veto royal à deux décrets de l’Assemblée), il fait allusion au roi Charles Ier d’Angleterre, jugé, condamné à mort pour trahison, meurtre et tyrannie, décapité le 30 janvier 1649. Robespierre, légaliste, réclamait seulement la déchéance du roi en juillet. Mais l’escalade révolutionnaire de la jeune République est telle que même le roi ne peut plus croire en cette issue. Fait aggravant, le 20 novembre, on a découvert aux Tuileries l’« armoire de fer » : coffre-fort dans un trou au mur du palais, avec des documents prouvant la trahison du roi, lettres échangées avec La Fayette, Talleyrand, Rivarol et Mirabeau (sorti du Panthéon pour la peine). Marat, l’« ami du peuple », prendra sa place, suite à son assassinat.
« L’Assemblée nationale renferme dans son sein les dévastateurs de ma monarchie, mes dénonciateurs, mes juges et probablement mes bourreaux ! On n’éclaire pas de pareils hommes, on ne les rend pas justes, on peut encore moins les attendrir. »1461
LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à Malesherbes écrite à la prison du Temple, décembre 1792. Lettre LXXI, non datée
La Convention s’est érigée en tribunal : le procès du roi se tient donc dans la salle du Manège, toujours ouverte au public, ce qui dramatise encore l’événement.
Louis XVI, devenu Louis Capet (dynastie des Capétiens), choisit d’abord un avocat renommé, Target, qui se dérobe, pour ne pas être compromis. Un autre accepte, Tronchet, mais émet des réserves prudentes. Malesherbes (73 ans) propose ses services, par fidélité au maître qui l’honora de sa confiance, en tant que ministre – le roi est touché par ce geste. Desèze viendra assister ses deux confrères.
Le roi écrit, dans la même lettre à Malesherbes : « Il faudrait s’adresser non à la Convention, mais à la France entière, qui jugerait mes juges, et me rendrait, dans le cœur de mes peuples, une place que je n’ai jamais mérité de perdre. » L’appel au peuple, défendu par les Girondins, sera rejeté par la majorité de l’Assemblée. Le procès commence le 10 décembre.
« Foutre ! […] Il est bon que le peuple souverain s’accoutume à juger les rois. »1463
Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne, décembre 1792
Le journal, dont le nom est inspiré par un marchand de fourneaux qui jurait et sacrait à chaque phrase, ne perd pas cette occasion de renchérir. Hébert s’exaspère de tant de lenteurs et craint que « le plus grand scélérat qui eût jamais existé reste impuni », entre jurons et injures contre les Conventionnels, les traîtres, l’« ivrogne Capet » et tous les « capons ».
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