Napoléon III et Eugénie : duo, l’une des rares histoires d’amour au sommet de l’État, imposée par le Prince au mépris de la raison d’État et vécue jusqu’à la fin sans duel, sinon sans problème.
« Ce n’est pas la peine d’avoir risqué le coup d’État avec nous tous pour épouser une lorette. »2254
(1808-1872), à Napoléon III, décembre 1852
Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux.
Parole du seul honnête homme dans l’équipe d’aventuriers qui prépara le 2 décembre 1851 et se retrouve ministre de l’Intérieur. Il traite Eugénie de lorette, autrement dit, prostituée. Le nom vient de Notre-Dame-de-Lorette, église proche de la Trinité, quartier où beaucoup de ces femmes résidaient.
La « lorette » est quand même une jeune fille de vraie noblesse espagnole (par son père, trois fois Grand d’Espagne), fort belle, moins sotte qu’on ne le dira. Mais sa mère irlandaise, quelque peu aventurière, promenait sa fille en Europe dans l’espoir d’un bon mariage. Et l’empereur en est fou !
« On peut tomber amoureux de mademoiselle de Montijo, mais on ne l’épouse pas. »2255
Princesse MATHILDE (1820-1904)
Napoléon III ou l’empire des sens (2010), Michel de Decker
Mathilde-Létizia Wilhelmine Bonaparte, dite « la princesse Mathilde », fille de Jérôme Bonaparte (frère de Napoléon Ier et roi de Westphalie), est cousine germaine de Napoléon III, auquel elle fut fiancée vers 1835. La Princesse se montre elle aussi bien méprisante.
Épouse d’un richissime parvenu russe, dont elle s’est séparée en 1845 avec une pension de 200 000 roubles, elle vit avec un sculpteur, tient fort élégamment la maison de son cousin Président et va perdre son rôle à la cour quand Eugénie entre dans la vie de Napoléon III. Il a répondu : « Je l’aime, c’est elle que je veux. » Il l’épouse, 29 janvier 1853. La princesse Mathilde se repliera sur le 10 rue de Courcelles, salon littéraire où elle joue les mécènes pour les artistes les plus brillants de l’Empire. Tandis que l’impératrice, épouse bientôt déçue, mère passionnée, catholique dans l’âme et conservatrice convaincue, se mêlera de politique.
« Mon enfant, tu es sacré par ce plébiscite. L’Empire libéral, ce n’est pas moi, c’est toi ! »2304
NAPOLÉON III (1808-1873), à son fils, le prince impérial Eugène Louis Napoléon, âgé de 14 ans, 8 mai 1870
Comme Napoléon, il fit plusieurs fois usage du plébiscite et ça lui a réussi.
L’empereur en oublie son mal (maladie de la pierre, calcul dans la vessie lui ôtant toute énergie) et rayonne, après le plébiscite triomphal du 8 mai : 7 350 000 oui (et 1 538 000 non) pour approuver le sénatus-consulte du 20 avril 1870. L’Empire devient une monarchie parlementaire : ministres responsables devant les Chambres qui ont aussi l’initiative des lois. « Nous pouvons maintenant envisager l’avenir sans crainte » dit-il au Corps législatif, 8 mai.
L’empereur a joué et gagné, en refaisant appel directement au peuple, comme il y a vingt ans : « J’ai retrouvé mon chiffre », dit-il. L’opposition républicaine se divise et Gambetta résume la pensée de tous : « L’Empire est plus fort que jamais ! » C’est oublier la Prusse de Bismarck.
« Si vous pensez que je suis un obstacle, que le nom de l’Empereur est un obstacle au lieu d’être une force, prononcez notre déchéance ; je ne me plaindrai pas, je serai déchargée du lourd fardeau qui pèse sur moi et je pourrai me retirer avec honneur. »2322
Impératrice EUGÉNIE (1826-1920), en réponse à la déclaration de Gambetta, 4 septembre 1870
L’impératrice a été prévenue il y a quelques heures de la déclaration qui proclame la déchéance de l’empereur. Elle prend acte et se décide à fuir, quand les grilles des Tuileries sont forcées par la foule. Elle va quitter Paris non sans mal, gagner Deauville pour se réfugier en Angleterre.
Napoléon III, prisonnier des Allemands, est libéré en mars 1871, pour un nouvel et dernier exil en Angleterre où il rejoint sa femme. Un complot doit le faire rentrer en France. Auparavant, il veut se faire opérer (calcul à la vessie) et meurt des suites de l’opération, le 9 janvier 1873.
Eugénie luttera pour redonner la couronne au prince impérial. Mais à la mort de ce fils unique, le 1er juin 1879, elle se retire définitivement de la vie politique. Elle ne mourra qu’en 1920, donc assez âgée pour que son ami, le colonel Willoughby Verner, mette un terme à « cinquante ans de tristesse et de soucis noblement subis » en lui apprenant l’armistice du 11 novembre 1918 par ces mots : « Madame, le jour de Sedan est vengé. »
« Bon voyage, vieux Badinguet, / Porte aux Prussiens ta vieille Badinguette !
Bon voyage, vieux Badinguet, / Ton p’tit bâtard ne régnera jamais. »2334Les Actes de Badinguet (1870), chanson
La Commune en chantant (1970), Georges Coulonges
Ces couplets vengeurs s’adressent à l’empereur déchu dont la popularité s’est écroulée en quelques jours – Badinguet est le nom du maçon dont Louis-Napoléon Bonaparte emprunta les vêtements pour s’enfuir du fort de Ham, en 1846.
Quant à l’impératrice Eugénie, elle ne fut jamais aimée du peuple.
Rassuré par un dernier plébiscite triomphal (mai 1870), poussé le 19 juillet à déclarer la guerre « le coeur léger », l’empereur enfermé dans Sedan capitule, le 2 septembre : revivez l’histoire du Second Empire dans le tome 8 des Chroniques de citations historiques (Feuilletez les 20 premières pages de notre livre électronique).
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