Petite histoire de météo et de climat | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Le temps qu’il fait, curiosité ou préoccupation quotidienne ! Les bulletins météo sont toujours très écoutés, regardés, consultés et commentés.

Quel temps va-t-il faire demain ou le mois prochain, dans vingt ans ou à la fin du siècle ? On passe de la météorologie à la climatologie. Mais ça reste une vraie question, de plus en plus souvent une préoccupation, voire une angoisse pour l’avenir.

Et dans le passé, que se passait-il ? L’Histoire nous en apprend beaucoup et nous surprend parfois.

Le temps qu’il faisait tel jour ou telle année est une donnée historique capitale, dans certains cas : le soleil d’Austerlitz (au matin du 2 décembre 1805) , les inondations centennales (février 1658 et année 1910 à Paris), le Grand Hiver (1709, fin du règne de Louis XIV) et le « Général Hiver » (campagne de Russie, 1812), la canicule de Thermidor (fin juillet 1794), l’appel lancé par l’Abbé Pierre une nuit d’hiver (1954), le Printemps des peuples (1848) qui se révoltent en Europe et le Printemps arabe (2011) qui commence en hiver 2010, avec un sens métaphorique.

Aussi important que les faits météorologiques, les métaphores abondent.

Un « vent de Fronde » souffle sur Paris quand Louis XIV est encore un enfant, avant de devenir le Roi-Soleil. La tempête viendra plus tard, et l’orage. On retrouve le « soleil d’Austerlitz » pas toujours bienvenu, comme le soleil du mois de mai évoquant en chansons et poèmes la Commune de 1871. Mais le soleil républicain fait toujours image. De même que le printemps, heureux ou malheureux, au gré des  époques historiques.

Mention spéciale au calendrier révolutionnaire, bucolique et imagé, qui n’a pas survécu à la Révolution (aboli sous l’Empire en 1805). Poète et député, son auteur Fabre d’Églantine nous laisse une chanson (à clé !) toujours populaire : Il pleut, il pleut bergère… D’autres chants et chansons, gais, tragiques ou militantes, ponctuent l’Histoire de France, jusqu’au Débarquement du 5 juin 1944 annoncé par « Les sanglots longs des violons de l’automne » de Verlaine, ou l’arrivée de la gauche au pouvoir en mai 1981, fêtée par Barbara en chanteuse engagée.

Nombre de proverbes jouent avec la pluie et le beau temps, des rumeurs naissent (l’An Mil), des peurs s’expriment au tournant de l’an 2000 avec le réchauffement climatique menaçant toute la Terre… et les polémiques associées.

Tant de choses à (re)découvrir, l’espace-temps d’un édito de la Gaule à nos jours !

Les citations numérotées renvoient toujours à notre Histoire en citations, les autres sont soigneusement sourcées et contextualisées pour les besoins de la cause météorologique ou climatique.

« Nous ne craignons rien, sinon que le ciel ne tombe sur nos têtes. »16

Un guerrier gaulois à Alexandre le Grand, 335 av. J.-C. Géographie, livre VII, Strabon (géographe grec né en 58 av. J.-C.)

Fière réplique, également citée par Arrien, historien romain.

Les Gaulois, tribus nomades, ont traversé l’Europe et poursuivi leur expansion jusqu’aux rives du Danube. Alexandre, roi de Macédoine, a convié à sa table ces guerriers. Âgé de 20 ans, conquérant dans l’âme et prêt à devenir le héros mythique de l’Antiquité, il demande aux Gaulois ce qu’ils craignent le plus, s’attendant à ce qu’ils répondent que c’est lui. Eh bien, non, ces Gaulois ne craignent véritablement rien, ni personne… hormis des catastrophes naturelles, orages, pluies diluviennes et autres phénomènes météorologiques. C’est une interprétation possible, en tout cas la plus logique.

« La millième année après la Passion du Seigneur […] les pluies, les nuées s’apaisèrent, obéissant à la bonté et la miséricorde divines […] Toute la surface de la terre se couvrit d’une aimable verdeur et d’une abondance de fruits. »141

RAOÛL le Glabre (985-avant 1050), Histoires

Ce moine historien décrit la fin des terreurs du tournant millénariste en plein Moyen Âge. En fait, rien ne s’est passé, comme il en a toujours été pour ce genre de superstition.

Lui qui a craint le pire et contribué à la Grande Peur, il témoigne, en termes poétiques, d’un renouveau de civilisation : « Comme approchait la troisième année qui suivit l’an Mil, on vit dans presque toute la terre, mais surtout en Italie et en Gaule, rénover les basiliques des églises ; bien que la plupart, fort bien construites, n’en eussent nul besoin, une émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celle des autres. C’était comme si le monde lui-même se fut secoué et, dépouillant sa vétusté, ait revêtu de toutes parts une blanche robe d’église. » Georges Duby, grand médiéviste du XXe siècle, appelle cela « le printemps du monde ».

Le printemps va devenir une métaphore climatique récurrente.

« N’aurons-nous donc jamais fait [fini] ? Je crois qu’il pleut des Flamands ! »245

PHILIPPE IV le Bel (1268-1314), Lille, automne 1304. L’Art de vérifier les dates des faits historiques (1818), David Bailie Warden

Première métaphore météorologique. Le genre fera florès dans l’histoire : cela prouve l’importance de ce fait pourtant banal et quotidien, « la pluie et le beau temps ».

Guerre de Flandre (1297-1305). À la tête de ses troupes, le roi de France, renversé avec son cheval, put se dégager à coups de hache. Il met le siège devant Lille et pousse cette exclamation à l’arrivée d’une nouvelle armée de 60 000 Flamands.

Plutôt que de poursuivre la guerre, il choisit la diplomatie. Ce sera le traité d’Athis-sur-Orge (23 juin 1305) : les Flamands devront payer une lourde indemnité et démolir toutes leurs fortifications. En gage d’exécution de ces clauses, Philippe occupe Lille, Douai et Béthune. En 1312, les clauses du traité ne sont toujours pas exécutées : le roi annexe les trois villes à titre définitif, en vertu du traité de Pontoise, dit Transport de Flandre. Ainsi, le royaume s’agrandit.

« Mais où sont les neiges d’antan ? […]
Et Jeanne la bonne Lorraine
Qu’Anglais brûlèrent à Rouen ? »350

LOUIS XII (1462-1515). Louis XII et François Ier ou Mémoires pour servir à une nouvelle histoire de leur règne (1825), Pierre Louis Rœderer

Métaphore littéraire et populaire. Le cycle des saisons, et a fortiori celui du temps, a inspiré bon nombre d’expressions. La formule des « neiges d’antan » en fait partie, avec une tonalité romantique, en tout cas mélancolique et un tantinet désuète.

Villon est l’un des premiers poètes qui rend hommage à Jeanne d’Arc, né (vraisemblablement) l’année de sa mort.

« Le soleil chauffe pour moi comme pour les autres et je désire fort voir le testament d’Adam pour savoir comment celui-ci avait partagé le monde. »473

FRANÇOIS Ier (1494-1547), Déclaration à Charles Quint en 1540. Histoire de la France : dynasties et révolutions, de 1348 à 1852 (1971), Georges Duby

Expression métaphorique, mais pas vraiment courante – elle reste donc attachée au nom du Roi chevalier, incarnation de la Renaissance au « beau XVIe siècle ».

En Europe, les deux grands rivaux font trêve pour un temps. Charles Quint, perpétuel voyageur à travers ses États, se vante d’avoir un empire sur lequel « le soleil ne se couche jamais » et rêve de restaurer l’empire de Charlemagne – chose impossible, avec la nouvelle géopolitique et l’avènement des nations modernes.

François Ier, de son côté, refuse la ligne de partage du monde, établie en 1493 par les Espagnols et les Portugais, confirmée en 1494 par une bulle du pape jouant les arbitres entre ces deux peuples conquérants et catholiques. Notre roi  veut profiter des richesses de l’Amérique découverte par Christophe Colomb, à la fin du XVe siècle. C’est aussi une façon de s’opposer à l’hégémonie de Charles Quint, devenu roi d’Espagne.

François Ier encourage donc les marins français à se lancer dans de lointaines expéditions et les pilotes étrangers à « naviguer sur la mer commune » au service des armateurs français. C’est la naissance de notre premier empire colonial – indispensable à une grande puissance, la première de toutes étant l’Angleterre.

« Quand ce dur printemps je vois
Je connais toute malheureté au monde
Je ne vois que toute erreur et horreur
Courir ainsi que fait l’onde. »557

Chanson du Printemps retourné (vers 1586). Anonyme

La métaphore printanière, l’une des plus fréquentes, apparaît tantôt dramatique, tantôt heureuse.

Cette chanson reprend le poème de Ronsard, Quand ce beau printemps je vois :  « Quand ce beau Printemps je vois, / J’aperçois / Rajeunir la terre et l’onde / Et me semble que le jour, Et l’Amour, / Comme enfants naissent au monde. / Le jour qui plus beau se fait, / Nous refait / Plus belle et verte la terre (…) » Et la chanson détourne les vers.

C’en est fini du beau XVIe siècle de la Renaissance. La Ligue (ultra catholique) sème le vent et va récolter la tempête (des guerres de Religion), cependant que la littérature s’apitoie sur la France déchirée.

« Le printemps de l’Église et l’été sont passés. »592

Agrippa d’AUBIGNÉ (1552-1630), Les Tragiques (1616)

Métaphore climatique toujours à suivre.

Ce protestant pur et dur déplore la situation de l’Église réformée dont les fidèles se font de plus en plus rares. L’édit de Nantes (1598) signé par Henri IV n’est qu’un compromis provisoire pour l’Église catholique qui se veut toute-puissante et même les Politiques, autrement dit le parti modéré, voient dans cette coexistence de deux religions un mal, l’idéal de l’Ancien Régime demeurant « Un sceptre, une foi ».

« Un vent de Fronde
S’est levé ce matin
Je crois qu’il gronde
Contre le Mazarin. »744

Paul SCARRON (1610-1660), mazarinade. Poésies diverses : la mazarinade, Virgile travesti, roman comique

Le vent fait image – en attendant la tempête !

Scarron est l’un des rares auteurs osant signer ses mazarinades contre le cardinal. Tout-puissant ministre, Mazarin sera l’homme d’État le plus durement chansonné de l’histoire de France, durant les cinq années de Fronde (1648-1653). Le coup de force du Parlement de Paris, exploitant la crise financière et le mécontentement général, a mis le feu aux poudres - les causes du mouvement sont profondes, à la fois politiques, économiques, sociales.

Sous la régence d’Anne d’Autriche et sur fond de guerre étrangère avec l’Espagne, la France fragilisée, Paris en tête, se déchaîne dans un tourbillon révolutionnaire où les parlements, le peuple et les Grands se relaient. Cible numéro un, le cardinal au pouvoir, l’amant (supposé) de la Reine, l’Italien (né Mazarini et naturalisé), le parvenu (immensément enrichi), l’homme à abattre : Mazarin.

« Dans les maisons, les basses écuries,
Caves, caveaux, bûchers, sommeleries,
Sont devenus réservoirs à poissons
Et l’on s’y peut servir de l’hameçon.
Enfin, Paris, du moins une partie
Offre à nos yeux Venise travestie,
Où les brochets peuvent en sûreté
Venir nager par curiosité (…) »

Paul SCARRON (1610-1660), à M. Pélisson, Épître III. Œuvres de Scarron, tome VII, Poésies diverses

Les crues dites « centennales » marquent naturellement les esprits, phénomène rare, mais récurrent et toujours terrifiant.

Bien connu pour son Roman comique et pour sa femme Françoise d’Aubigné (future Mme de Maintenon), Scarron est aussi l’auteur de poésies burlesques.

Il nous conte ici la grande inondation de 1658 à Paris, suite aux chutes de neige importantes, aux pluies et gelées qui s’étaient succédées en France jusqu’à la mi-février. Le 18 février, un brusque réchauffement de la température a provoqué un dégel soudain. Les glaces se sont mises à fondre causant de nombreux dégâts. Quelques jours plus tard, de nouvelles pluies ont provoqué une seconde crue. Fin février, la Seine atteint le record absolu de 8,96 mètres sous le (futur) pont d’Austerlitz. La grande crue suivante est datée de 1910.

« L’attelage du soleil
N’aura jamais son pareil.
Il est de quatre chevaux
Qui ne sont ni bons ni beaux […]
Précédé de deux cavales […]
Toutes deux fortes des reins
Toutes deux sont poulinières,
L’une est maigre au dernier point,
L’autre crève d’embonpoint. »880

Chanson allégorique sur les ministres et les maîtresses de Louis XIV. Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France : depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe (1837), J. Michaud, J. J. F. Poujoulat

Règne du « Roi-Soleil » : emblème choisi lors de la fête du Carrousel, en juin 1662.

Ainsi se développe une mystique d’origine divine, mais en réalité bien païenne, celle du « Roi-Soleil », personnage presque supraterrestre don. Le culte atteint son apogée avec l’installation de Louis XIV à Versailles, en 1682.

La chanson est également allégorique, mais sans mystère : les quatre chevaux sont les ministres Le Tellier, son fils Louvois, Colbert et Lionne. Les deux cavales sont les maîtresses du roi, la Vallière et Montespan. Le soleil, c’est naturellement le roi… et la France est toujours cette « monarchie absolue tempérée par des chansons ».

« Les enfants ne se soutiennent que par des herbes et des racines qu’ils font bouillir, et les enfants de quatre à cinq ans, auxquels les mères ne peuvent donner de pain, se nourrissent dans les prairies comme des moutons. »840

Procureur général du Parlement de Bourgogne, 1709. La Vie quotidienne sous Louis XIV (1964), Georges Mongrédien

Le Grand Hiver marque la fin du règne de Louis XIV.

Cette catastrophe nationale hantera longtemps les mémoires. La Seine gèle, de Paris à son embouchure ! Les transports par eau sont paralysés, les récoltes perdues – même les oliviers dans le Midi – et le prix du blé décuple dans certaines provinces. Quand on pense à l’importance du pain dans la nourriture quotidienne des paysans (90 % de la population), on imagine le drame !

Hors ces circonstances exceptionnelles qui aggravent une économie de guerre déjà insupportable pour le peuple, les témoignages sont unanimes : la France profonde a beaucoup souffert de la misère et des famines, sous ce long règne. Le roi lui-même en a douloureusement conscience, à la fin de sa vie. Notons que les paysans des autres pays moins riches étaient sans doute plus malheureux.

« Pour donner du pain aux brigades que je fais marcher, je fais jeûner celles qui restent. »933

Maréchal de VILLARS (1653-1734), 1709. Mémoires du maréchal de Villars (posthume, 1904)

Grand Hiver, suite. 1709. Année terrible pour la France du Grand siècle, en état de famine comme au Moyen Âge !

La guerre tourne au désastre après la prise de Lille (1708) et le territoire est menacé. Mais le Grand Hiver n’épargne pas l’armée ! Notons que c’est la dernière grande famine de notre histoire.

« La marquise n’aura pas beau temps pour son voyage. »1173

LOUIS XV (1710-1774), voyant le cortège funèbre de sa favorite quitter Versailles sous la pluie battante, 17 avril 1764. Louis XV (1890), Arsène Houssaye

Mot souvent cité, toujours mis en situation, jusque dans les dictionnaires historiques anglo-saxons, preuve de la notoriété des deux personnages. Si l’anecdote est juste, l’histoire est injuste envers ce roi, en citant ces mots « à charge ».

Son valet de chambre Champlost évoque la scène et témoigne d’une peine réelle. Louis XV se mit sur le balcon malgré l’orage, nue tête, pleura et murmura ainsi découvert : « Voilà les seuls devoirs que j’ai pu lui rendre. Une amie de vingt ans. » Mme de Pompadour est morte d’épuisement, à 42 ans (le 15 avril). Elle savait qu’elle ne vivrait pas vieille. Cardiaque, d’une maigreur mal dissimulée sous la toilette, elle continuait sa vie trépidante. Les célèbres courants d’air de Versailles ont aussi leur part, dans sa congestion pulmonaire.

Dernière faveur du roi, il lui a permis de mourir au château – privilège réservé aux rois et princes du sang. Mais sitôt après, le cortège devait quitter les lieux.

Selon d’autres témoins, le roi fut seulement indifférent et la reine elle-même en fut choquée - elle appréciait la marquise, comparée aux autres favorites de son époux.

« La nature elle-même, dans la langue charmante de ses fruits, de ses fleurs, dans les bienfaisantes révélations de ses dons maternels, nomme les phases de l’année. »1141

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847-1853)

Vendémiaire, brumaire, frimaire renvoient aux vendanges, aux brumes, aux frimas de l’automne. Nivôse, pluviôse et ventôse évoquent neiges, pluies et vents d’hiver. Les mois du printemps leur succèdent, germinal, floréal, prairial, associés à germination, floraison et prairies. Enfin, l’été de messidor, thermidor et fructidor qui rappellent moissons, chaleur et fruits.

L’historien préféré des Français évoque le calendrier révolutionnaire avec un lyrisme bucolique. Son auteur, Fabre d’Églantine, l’emporte sur d’autres propositions et s’exprime en député montagnard radical : « Nous ne pouvons plus compter les années où les rois nous opprimaient comme un temps où nous avons vécu. »

Le 22 septembre 1792 devient le premier jour de l’an I de la République. C’est l’équinoxe d’automne, heureux présage : « L’égalité des jours et des nuits était marquée dans le ciel [le même jour où] l’égalité civile et morale était proclamée par les représentants du peuple », note Gilbert Romme, autre député montagnard. Fait curieux, rien n’est daté de l’an I, tout commence en l’an II, le 5 octobre 1793 (14 vendémiaire an II), quand le calendrier révolutionnaire est adopté par la Convention. Il tombe en désuétude après la Révolution et Napoléon y met fin, le 9 septembre 1805.

Ce calendrier est la première victoire d’une écologie populaire qui ne dit pas encore son nom. Fabre d’Églantine est aussi l’auteur d’une Étude de la nature (1783) dédiée à Buffon, savant naturaliste du siècle des Lumières, biologiste et créateur du Jardin des Plantes à Paris. On lui doit également un opéra-comique peu connu, d’où est tirée une chanson enfantine aujourd’hui encore très populaire.

« Il pleut, il pleut bergère
Rentre tes blancs moutons
Allons sous ma chaumière
Bergère, vite allons
J’entends sous le feuillage
L’eau qui tombe à grand bruit.
Voici, venir l’orage,
Voici l’éclair qui luit.
Entends-tu le tonnerre ?
Il roule en approchant.
Prends un abri bergère,
À ma droite en marchant (…) »

Fabre d’ÉGLANTINE (1750-1794), « Il pleut, il pleut, bergère », chanson tirée de l’opéra-comique Laure et Pétraque (1780)

« Il pleut, il pleut, bergère » fut chanté le lendemain de la prise de la Bastille en juillet 1789, lors de la création de la garde nationale commandée par La Fayette.

La chanson est connue sous le titre « Le Retour aux champs », avant de s’imposer sous son titre actuel vers 1787. Elle est donc populaire au début de la Révolution. La bergère serait Marie-Antoinette qui adorait jouer ce rôle au Hameau de la Reine (dépendance du Petit Trianon dans le parc de Versailles). La reine figurait de même dans des petites pièces montées dans son théâtre personnel. Cela divertissait la jeune femme (née Autrichienne) qui n’aimait guère l’étiquette de la cour de France. Quant à l’orage en question dès la première strophe, il renvoie aux troubles révolutionnaires.

Fabre d’Églantine, dit-on, fredonna sa comptine en montant à l’échafaud.

« Oui ! Je tremble, mais c’est de froid. »1555

Jean-Sylvain BAILLY (1736-1793), mot de la fin, avant son exécution dont les préparatifs s’éternisent, 12 novembre 1793. Histoire de la Révolution française, volume II (1869), Louis Blanc

La Terreur est décrétée. Bailly attend au pied de l’échafaud, dans le froid et sous la pluie. Il paie de sa vie son refus de témoigner à charge au procès de Marie-Antoinette, ainsi que la fusillade du Champ de Mars (17 juillet 1791) considérée comme un crime contre le peuple. Son exécution était prévue au centre de l’esplanade où trône l’autel de la Patrie. Mais le sang sacré des martyrs du peuple ne peut être mêlé au sang impie, en vertu de quoi l’on décide de transporter la guillotine et de la remonter dans un coin obscur de l’esplanade… Cela prend du temps et le condamné ne peut réprimer les tremblements de tout son corps. Un assistant du bourreau le remarque et se moque du vieil homme qu’il interpelle : « Tu trembles, Bailly ! » D’où la réponse.

Ex-président de la Constituante et maire de Paris après la prise de la Bastille, c’est surtout un grand scientifique, astronome et mathématicien, membre de l’Académie des Sciences (1763), puis de l’Académie française (1783). Mais « La République n’a pas besoin de savants » et ne va pas les épargner.

« C’est le sang de Danton qui t’étouffe. »1606

GARNIER de l’AUBE (1742-1805), à Robespierre suffoquant sous la chaleur torride, Convention, 27 juillet 1794. Mot parfois attribué à GARNIER de SAINTES (1755-1818), mais il n’était pas présent, et surtout à Louis LEGENDRE (1752-1797), ami de Danton, qu’il avait abandonné pour sauver sa tête. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Veille du coup d’État de Thermidor – le mot évoque bien la canicule parisienne de cet été brûlant.

Robespierre monte à la tribune à 11 heures du matin, pour donner la liste des « épurés » promis à l’échafaud. Tallien et les modérés lui coupent la parole à onze reprises et son ami Saint-Just ne réagit plus (sans doute nerveusement épuisé). Louchet et Lozeau, deux modérés, demandent la mise en accusation de Robespierre, Couthon, Saint-Just, Lebas. Augustin Robespierre (son frère) réclame la sienne : « Je partage ses vertus, je veux partager son sort. » L’arrestation des cinq députés est décrétée aux voix.

Vers 17 heures, tentative d’insurrection des sections populaires de la Commune pour libérer Robespierre et ses amis transférés à l’Hôtel de Ville, tandis que la Convention met Robespierre « hors la loi » – il peut être exécuté sans jugement.

Le soir, la pluie disperse les insurgés, les sections modérées occupent l’Hôtel de Ville. On trouve Robespierre, mâchoire brisée (coup de pistolet ou tentative de suicide). Le 28 juillet (10 thermidor), Robespierre, Couthon, Saint-Just et 19 de leurs alliés sont guillotinés sans jugement. Il y en aura 71 le lendemain et quelques autres encore, les jours suivants. Au total, une centaine.

« Le vaisseau de la République, tant de fois battu par la tempête, touche déjà le rivage. »1610

CAMBACÉRÈS (1753-1824), 9 octobre 1794. Adresse de la Convention nationale au peuple français, décrétée dans la séance du 18 Vendémiaire, An III de la République française, une et indivisible (1794), Pierre J. Ruffin

Retour à la métaphore météorologique avec la tempête révolutionnaire.

Cambacérès (grand juriste, auteur du Code civil) exprime le sentiment du pays qui veut la fin de la Révolution dans le calme. La réaction thermidorienne casse les instruments de la Terreur : Commune de Paris supprimée (remplacée par des Commissions avec président élu chaque mois), club des Jacobins fermé. Alors que les prisons débordent et que les dénonciations s’accumulent, la Convention va recourir à l’amnistie.

« Soldats, il faut finir par un coup de tonnerre ! »
Il va, tachant de gris l’état-major vermeil ;
L’armée est une mer ; il attend le soleil ;
Il le voit se lever du haut d’un promontoire ;
Et, d’un sourire, il met ce soleil dans l’Histoire ! »

Edmond ROSTAND (1868-1918), L’Aiglon, drame en six actes et en vers (1900)

Le Soleil d’Austerlitz, star de l’Histoire et acteur principal dans cette victoire impériale devenue célèbre.

« Il vous suffira de dire : j’étais à la bataille d’Austerlitz, pour qu’on vous réponde : voilà un brave ! »1810

NAPOLÉON Ier (1769-1821), fin de la Proclamation d’Austerlitz, 2 décembre 1805. Faits mémorables de l’histoire de France (1844), Louis Michelant

Soleil d’Austerlitz, suite - détails météorologiques et stratégiques.

Par un froid glacial, le soleil s’est levé, le fameux « soleil d’Austerlitz » vu comme un signe du destin divin de l’Empereur. Les troupes ennemies attaquent les Français sur le plateau de Pratzen, avant d’être repoussées dans les étangs gelés de Satschan où elles vont se noyer - un désastre pour les Austro-Russes qui n’ont plus qu’à traiter.

Cette « bataille des Trois Empereurs » opposa les 65 000 hommes de Napoléon aux 90 000 hommes d’Alexandre Ier (Russie) et de François II (Saint Empire romain germanique). Le dieu de la guerre et de la fortune est avec Napoléon : le brouillard matinal cache ses mouvements à l’ennemi et le soleil d’Austerlitz qui suit va briller sur une suite de manœuvres tactiques hardies et réussies – un classique, enseigné dans les écoles de guerre. Le bronze des 180 canons ennemis sera fondu pour édifier la colonne Vendôme à Paris (inspirée de la colonne de Trajan, à Rome).

Cette victoire met fin à la troisième coalition. Au traité de Presbourg (26 décembre), François II abdique la couronne du Saint Empire et reconnaît la Confédération du Rhin. Mais le tsar ne signe pas. Il sortira vainqueur du duel avec Napoléon, dans la campagne de Russie où le maréchal Koutousov va prendre sa revanche, avec l’aide du « Général Hiver ».

« Voilà le soleil d’Austerlitz ! »1864

NAPOLÉON Ier (1769-1821), parvenu devant Moscou, au matin du 7 septembre 1812. Napoléon Bonaparte, ou trente ans de l’histoire de France, drame en 6 actes (1831), Alexandre Dumas père

Soleil d’Austerlitz – épilogue russe.

Pour une fois, Dumas est fidèle à l’histoire, à la lettre même ! La citation figure dans de nombreuses sources. Tout juste appuie-t-il la réplique d’un : « Battons-nous donc ! Mes amis, voilà le soleil d’Austerlitz. »

Dans cette désastreuse campagne de Russie, Napoléon veut galvaniser les officiers en évoquant la plus éclatante victoire de l’Empire. Il entre dans la ville comme en pays conquis et toujours sans combat, « transporté de joie ». On croit à une nouvelle victoire, les soldats sont sûrs de trouver des vivres et un repos bien mérité. Mais la ville est vidée de ses habitants, 300 000 Moscovites ont fui avec tous leurs biens. Pis encore, un gigantesque incendie va détruire la cité construite en bois et qui brûlera jusqu’au 20 septembre.

« Voilà le commencement de la fin. »1869

TALLEYRAND (1754-1838), à l’annonce du désastre de la retraite de Russie, décembre 1812. Monsieur de Talleyrand (1870), Charles-Augustin Sainte-Beuve

Le « Général Hiver » a opéré comme prévu par le tsar Alexandre et le maréchal Koutousov. La météorologie joue plus que jamais un rôle décisif dans l’histoire.

Les soldats sont victimes d’un ennemi inconnu d’eux : le froid colle l’acier des armes aux doigts des hommes et rend fous les chevaux. Le passage de la Bérézina (25 au 29 novembre) est un épisode devenu légendaire : par –20 °C le jour, –30 °C la nuit, ce qui reste de la Grande Armée réussit à franchir la rivière, grâce aux pontonniers du général Eblé et aux troupes qui couvrent le passage (Ney et Victor). 8 000 traînards n’ont pas le temps de passer, ils seront tués par les Cosaques.

De retour à Paris dans la nuit du 18 décembre, Napoléon avoue à ses ministres : « J’ai été à Moscou, j’ai cru signer la paix. J’y suis resté trop longtemps […] J’ai fait une très grande faute, mais la fortune peut encore la réparer. » Il apprend quelques jours plus tard la tragédie, après son départ de Russie. Murat s’est querellé avec Davout, abandonnant le commandement au prince Eugène et regagnant son royaume de Naples. Eugène de Beauharnais (fils de Joséphine, adopté par l’empereur) évite l’encerclement et accomplit un exploit. Il ramènera tant bien que mal 100 000 hommes. C’est quand même la débâcle. Bilan total de cette campagne : 530 000 morts, victimes surtout du typhus, de la faim et du froid.

« J’ignore, Sire, si je suis toujours un oiseau de mauvais augure, mais il est décidé que je serai toujours un oiseau des temps d’orage, et celui qui tonne sur nos têtes prend un aspect formidable. »2025

Baron de VITROLLES (1774-1854), au roi Charles X, château de Saint-Cloud, 28 juillet 1830. 1830, la révolution tricolore (1965), Jean Louis de Courson

Métaphore météorologique parfaitement adaptée à la situation révolutionnaire, à la fin de la Restauration.

Deuxième des  « Trois Glorieuses journées » : Paris, dès le matin, construit ses barricades pour faire obstacle aux forces de l’ordre. Vitrolles, ambassadeur et pair de France, représentant des ultras, est enfin reçu par Charles X. Aveugle à la situation, il tient toujours à ses quatre ordonnances réactionnaires et refuse la proposition du baron, aller discuter avec les chefs de l’insurrection parisienne. Ce serait perdre la face pour le roi qui ne comprend pas qu’il va perdre son trône.

« Quand les fruits sont pourris, ils n’attendent que le passage du vent pour se détacher de l’arbre. »2121

Louis BLANC (1811-1882), Banquet politique tenu à Dijon, fin décembre 1847. Histoire de la Révolution de 1848 (1870), Louis Blanc

Métaphore météorologique qui fait toujours image.

Le militant républicain qui attaque la Monarchie de Juillet à coup de pamphlets prédit la prochaine révolution. La multiplication des banquets est une réplique astucieuse et bien française à l’interdiction des réunions.

La campagne des Banquets commence le 9 juillet 1847, sur le thème républicain de la réforme électorale avec abaissement du cens à 100 francs : seul moyen pour l’opposition de faire entendre la voix sinon du peuple, du moins de la petite bourgeoisie, et seule façon de sortir de l’immobilisme conservateur qui bloque la vie politique.

Jeune journaliste, Louis Blanc s’est fait connaître par un essai, L’Organisation du travail (1839) : « Pour chaque indigent qui pâlit de faim, il y a un riche qui pâlit de peur. » Au nom de quoi la fraternité doit guider l’économie. Il préconise des associations ouvrières de production, ateliers nationaux expérimentés l’année suivante, sous la Deuxième République.

« Les Parisiens ne font jamais de révolution en hiver. »

LOUIS-PHILIPPE (1773-1850), lors des premiers incidents de février 1848

Météorologie politique et vérité historique bientôt démenties.

Le roi se trompe : la liberté n’a pas de saison et les Parisiens oublient le froid en dressant des barricades.

Son troisième fils, le prince de Joinville, sait que « Le roi est arrivé à cet âge (74 ans) où l’on n’accepte plus les observations, mais où les forces manquent pour prendre une résolution virile. » (Lettre au duc d’Aumale, 7 novembre 1847).

Louis-Philippe décide d’interdire le banquet de clôture qui doit clore la campagne : « Ils voulaient un banquet. Ils n’en auront même pas les miettes ! » Il ne fait confiance qu’à Guizot dont le conservatisme confine à l’immobilisme. Aveugle et sourd, il affirme au préfet de la Seine Rambuteau qui s’inquiète : « Dans huit jours, vous serez honteux des sottes peurs qu’on vous a données, mon cher préfet ! »

La révolution commence le lendemain, 23 février, avec les premières barricades. L’assaut est donné à une barricade, rue Quincampoix : 16 soldats tués. Le sang versé l’atterre, la garde nationale sympathise avec les émeutiers.

Louis-Philippe renvoie Guizot, appelle Molé au gouvernement. Paris illumine, la rue semble se calmer. Le roi se rassure : « Les Parisiens ne font jamais de révolution en hiver. » Mais les républicains ne veulent pas laisser passer cette occasion.

Malgré la pluie glacée, le soir, un groupe de manifestants va huer Guizot sous ses fenêtres, boulevard des Capucines, devant le ministère des Affaires étrangères. La troupe se croit menacée, un coup de feu part, les forces de l’ordre ripostent : la fusillade des Capucines laisse plus de 50 cadavres sur le pavé, promenés en charrette dans la nuit, à la lueur des torches, sur fond de tocsin.

Le « printemps des peuples »

Expression non sourcée, mais très souvent utilisée

Métaphore météorologique heureuse – et recyclée à l’envi.

« L’expression qui associe un acteur collectif à une saison désigne un mouvement révolutionnaire européen se déroulant pour l’essentiel entre fin février et début juillet 1848. » Le mot sonne si bien et si juste qu’il est partout repris.

Pierre Dupont, ex-apprenti canut et l’un des premiers chansonniers de la classe ouvrière, l’exprime à sa manière dans le Chant des soldats : « Toute l’Europe est sous les armes, / C’est le dernier râle des rois : / Soldats, ne soyons point gendarmes, / Soutenons le peuple et ses droits […] Refrain Aux armes, courons aux frontières,  Les peuples sont pour nous des frères ! »

La révolution française de 1848 – après celle de 1830 – entraîne une flambée de mouvements révolutionnaires un peu partout en Europe : Allemagne, Autriche, Italie, Hongrie, Pologne. C’est vraiment le « printemps des peuples » et la France qui retrouve sa mission libératrice reprend avec Pierre Dupont le Chant des soldats : « Que la République française / Entraîne encore ses bataillons / Au refrain de La Marseillaise / À travers de rouges sillons / Que la victoire de son aile / Touche nos fronts et, cette fois / La République universelle / Aura balayé tous les rois (Refrain) Aux armes, courons aux frontières… »

Mais l’été qui suit ce printemps sera celui de toutes les répressions.

« Tremblez tyrans portant culotte !
Femmes, notre jour est venu ;
Point de pitié, mettons en vote
Tous les torts du sexe barbu !
Notre patience est à bout,
Debout, Vénusiennes, debout […]
Refrain
Liberté sur nos fronts verse tes chauds rayons,
Tremblez, tremblez, maris jaloux,
Respect aux cotillons ! »2162

Louise de CHAUMONT (XIXe siècle), La Marseillaise des femmes (ou Marseillaise des cotillons), chanson de 1848. L’Illustration, volume XI (1848), J. Dubouchet

Les « chauds rayons » évoquent un soleil féministe qui tarde à se lever au XIXe, l’un des siècles les plus misogynes.

Les « Vénusiennes » chantent et défilent, jupes retroussées, corsage en bataille, jeunes ouvrières vivant parfois en communauté à la mode saint-simonienne. La Marseillaise, parmi tous les chants de l’histoire, est le plus constamment repris, parodié, récupéré, exploité en d’innombrables versions. C’est la rançon du succès, disons même de la gloire.

« Laissez le neveu de l’empereur s’approcher du soleil de notre République ; je suis sûr qu’il disparaîtra dans ses rayons. »2181

Louis BLANC (1811-1882). Histoire parlementaire de l’Assemblée nationale, volume II (1848), F. Wouters, A.J.C. Gendeblen

Métaphore météorologique du soleil (devenu républicain !).

Mais un historien peut faire erreur sur son temps ! C’est la (Deuxième) République qui va bientôt disparaître devant l’Empire restauré. Il est vrai que les premiers témoins n’ont pas cru dans le destin du nouvel homme, élu député sur son Nom, mais particulièrement falot et peinant à incarner ce prestigieux héritage.

Louis Blanc fait ici allusion à une déclaration du député visant la présidence de la République en empruntant au lyrisme hugolien : « L’oncle de Louis-Napoléon, que disait-il ? Il disait : « La république est comme le soleil. » »

« La Révolution et la République sont indivisibles. L’une est la mère, l’autre est la fille. L’une est le mouvement humain qui se manifeste, l’autre est le mouvement humain qui se fixe. La République, c’est la Révolution fondée […] On ne sépare pas l’aube du soleil. »2214

Victor HUGO (1802-1885), Assemblée législative, Discours du 17 juillet 1851. Actes et Paroles. Avant l’exil (1875), Victor Hugo

Métaphore météorologique du soleil, historiquement récurrente !

Ce discours violent et célèbre est prononcé devant une assemblée houleuse. Élu le plus célèbre de l’époque, Hugo est contre la révision de la Constitution en débat. Elle permettrait à Louis-Napoléon Bonaparte de se représenter pour se maintenir au pouvoir… Le 19 juillet, elle ne réunit que 446 voix contre 270. Il fallait la majorité des trois quarts (543 voix). L’article 45 interdisant la rééligibilité est donc maintenu. Les députés n’ont pas été dupes, la manœuvre a échoué.

Louis-Napoléon Bonaparte n’a plus le choix. Il prépare son coup d’État, avec ses hommes bien placés dans l’armée, la police. Il prépare aussi l’opinion, entretient la peur, dénonce l’imminence du complot : Le Spectre rouge de 1852, brochure signée Romieu, en dit assez par son titre.

« L’extrême rapidité des voyages en chemin de fer est une chose antimédicale. Aller, comme on fait, en vingt heures, de Paris à la Méditerranée, en traversant d’heure en heure des climats si différents, c’est la chose la plus imprudente pour une personne nerveuse. Elle arrive ivre à Marseille, pleine d’agitation, de vertige. »2282

Jules MICHELET (1798-1874), La Mer (1861)

Le climat a bon dos !

On peut aujourd’hui sourire de la sombre prédiction signée de l’historien le plus populaire et par ailleurs doué ! 

Presque tous les progrès techniques ont commencé par susciter la peur ou le déni d’utilité. Le XIXe siècle, si riche en inventions, pourrait alimenter un étonnant bêtisier technologique.

Le chemin de fer n’échappe pas à la règle. Rappelons le mot de Thiers, en 1836 : « Il faudra donner des chemins de fer aux Parisiens comme un jouet, mais jamais on ne transportera ni un voyageur ni un bagage. »

« Elles ont pâli, merveilleuses
Au grand soleil d’amour chargé,
Sur le bronze des mitrailleuses
À travers Paris insurgé. »2329

Arthur RIMBAUD (1854-1891), Les Mains de Jeanne-Marie (1871)

Le grand soleil fait à nouveau image, mais dans un sombre tableau.

Adolescent de 17 ans, bouleversé par la déclaration de guerre, puis par l’échec de la Commune, Rimbaud fugue deux fois à Paris, en 1870 et 1871, chante Le Dormeur du val, jeune soldat cueilli par la mort, mais aussi les communardes sur les barricades, mêlant poésie, révolte, soif de révolution sociale et morale. Il comprend très vite l’impuissance des vers à « changer la vie » et après un silence de dix-huit ans, il meurt à 37 ans.

« En province, la pluie devient une distraction. »

Edmond de GONCOURT (1822-1896) et Jules de GONCOURT (1830-1870), Idées et Sensations (1866)

Les frères Goncourt décident de vivre en rentiers avec l’héritage maternel. Après un voyage à Alger au cours duquel ils ont fait de l’aquarelle, ils rentrent à Paris en 1850. L’année suivante, ils se lancent dans la littérature à quatre mains avec la rédaction d’un Journal qui sera tenu par Edmond après la mort de Jules et jusqu’à sa propre mort en 1896. Écrit au jour le jour et décliné en neuf tomes, il retrace la vie artistique de l’époque, leurs souvenirs et quelques anecdotes.

La vente de leur collection d’œuvres d’art qui finance la Fondation du prix Goncourt perpétue leurs noms.

« Après la pluie, le beau temps. ».

Comtesse de SÉGUR (1799-1874), titre de son roman publié en 1871 et devenu proverbe

Elle commence à écrire l’âge où Balzac meurt – 51 ans. Encouragée par le succès de trois contes de fées, elle fait une vingtaine de romans autobiographiques sur son enfance ou celle de ses petites-filles plus ou moins modèles.

Louis Hachette, son éditeur, lance une collection vendue dans les gares du (nouveau) chemin de fer : la « Bibliothèque rose » affiche une vision souriante et moralisante de l’enfance dans la haute bourgeoisie du XIXe siècle. Cette littérature peut sembler désuète et pourtant Les Malheurs de Sophie, Un bon petit diable ou Les Mémoires d’un âne sont devenus des classiques toujours best-sellers, de génération en génération.

Quant aux proverbes climatiques ou météorologiques, ils font florès : “Petite pluie abat grand vent.” “Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin.” “Tonnerre de midi amène la pluie.” “En fuyant la pluie, on rencontre la grêle.” “Qui sème le vent récolte la tempête.”

“Autant en emporte le vent.” (en vo, Gone with the Wind). Roman de Margaret Mitchell publié en 1936, prix Pulitzer en 1937, adapté en 1939, film magnifiquement hollywoodien, réalisé par Victor Fleming et George Cukor avec Vivien Leigh, Clark Gable, Leslie Howard et Olivia de Havilland. Huit Oscars, un des plus gros succès de l’histoire du cinéma, malgré une vision raciste et colonialiste d’Atlanta (Géorgie, état sudiste) au temps de la guerre de Sécession (1861-1885).

« L’insurgé, son vrai nom c’est l’homme !
Qui n’est plus la bête de somme,
Qui n’obéit qu’à la raison
Et qui marche avec confiance
Car le soleil de la science
Se lève rouge à l’horizon. »2407

Eugène POTTIER (1816-1888), paroles, et Pierre DEGEYTER (1848-1932), musique, L’Insurgé (1884), chanson

Encore et toujours le soleil, plus métaphorique que jamais !

Poète et révolutionnaire, chansonnier socialiste le plus important (et sincère) du XIXe siècle, Pottier est déjà l’auteur de l’Internationale. Membre de la Commune, réfugié aux États-Unis après la Semaine sanglante de la Commune, il rentre de son exil après la loi d’amnistie et dédie cette chanson « à Blanqui et aux Communards » : « Devant toi, misère sauvage, / Devant toi, pesant esclavage, / L’insurgé se dresse / Le fusil chargé. / On peut le voir en barricades / Descendr’ avec les camarades, / Riant, blaguant, risquant sa peau… »

Beaucoup de chansons communistes naissent dans les années 1880 : lutte des classes, guerre sociale contre les patrons, appel à la révolte armée des ouvriers, mineurs, paysans. L’agitation sociale connaîtra une nouvelle flambée avant la Première Guerre mondiale. Ni l’État, ni les patrons, ni les syndicats français de cette époque ne sont aptes à résoudre les conflits sociaux nés du développement économique et du capitalisme sauvage.

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. »2411

Jean JAURÈS (1859-1914). Le Socialisme selon Léon Blum (2003), David Frapet

Métaphore météorologique et lyrique dans le style du grand orateur.

Socialiste à la fois internationaliste et pacifiste, Jaurès va vivre dramatiquement l’approche de la guerre, cherchant appui auprès du mouvement ouvrier pour l’éviter, avant d’être assassiné le 31 juillet 1914 par un nationaliste. Ce que n’a pu faire la République, cahotant de crises en « affaires » et d’« affaires » en scandales, la guerre l’accomplit : l’union sacrée des Français, l’unité nationale retrouvée.

« Ce gazon que le soleil dore
Quand mai sort des bois réveillés,
Ce mur que l’Histoire décore
Qui saigne encore,
C’est le tombeau des fusillés. »2435

Jules JOUY (1855-1887), Le Tombeau des fusillés, chanson. La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 (1991), Robert Brécy

De nouveau le soleil, évoqué dans un contexte tragique : la répression sauvage de la Commune.

Ce chant d’un poète montmartrois résonne comme une menace : que le bon bourgeois tremble, car le peuple tout entier s’assemble et pleure ceux qu’on croit oublier. Mais jusqu’à la Première Guerre mondiale, toute apologie de la Commune reste interdite. Devant le mur des Fédérés au cimetière du Père-Lachaise, la cérémonie du 28 mai, dernier jour de la Semaine sanglante, deviendra ensuite tradition.

« Que d’eau, que d’eau ! »2445

MAC-MAHON (1808-1893) à la vue des inondations catastrophiques, Toulouse, 26 juin 1875. Mac-Mahon (1895), abbé Berry

Catastrophe naturelle qu’un président digne de ce titre se doit toujours de déplorer publiquement.

Le maire de la ville sinistrée, voulant recevoir dignement le président de la République, s’est lancé dans un long discours. Le maréchal, pour couper court à ce déluge de paroles, regardant les plaines envahies par les eaux, a ce mot pour lequel il sera mal à propos plaisanté.

Durant la guerre de Crimée et le siège de Sébastopol (1855), tenant le fort de Malakoff, son militaire « J’y suis, j’y reste » avait plus fière allure.

« Dans un élan généreux, Paris et la France ont secouru les inondés. »

Le Petit Journal, 13 février 1910

Le cinématographe inventé en 1895 par les frères Lumière (ça ne s’intente pas !) donne d’impressionnantes images d’archive : https://www.youtube.com/watch?v=POz6F4MTsvw

Une gravure allégorique exprime l’élan qui a précipité Paris, la France et le monde civilisé au secours des victimes de l’inondation : foule des sauveteurs et des bienfaiteurs, soldats, matelots, ouvriers ou bourgeois. Chacun donne ce qu’il peut : ses forces, son courage pour sauver les malheureux, ou son argent pour réparer les ruines « union sacrée » comme à la guerre. Tous partis confondus, haines politiques et religieuses apaisées, dans une République si souvent divisée, déchirée.

Le journaliste signale aussi un trait de caractère : « Le Parisien voulait voir. La curiosité est chez lui plus forte que la prudence. Songez donc ! On ne reverrait probablement plus jamais ça. Il y avait plus d’un siècle que pareille inondation n’avait pas ravagé la capitale. Et l’on eût voulu que le Parisien, si curieux de sa nature, restât chez lui. Allons donc ! (…) Certains jours, il y eut cinq cent mille personnes qui se pressèrent tout le long de la Seine, s’arrêtant sur les ponts où la circulation était permise, contemplant le fleuve en furie. Tout cela, sans désordre, sans bousculade, sans un cri… Et puis, le Parisien ne perd jamais le sens pratique. Certains inondés ne manquèrent pas de se livrer à ce sport passionnant. À la gare d’Orsay, on vit les employés réduits à l’inaction par l’invasion de l’eau, prendre à la ligne et aussi au filet, de superbes fritures de gardons et de brèmes. C’était toujours autant de repris à la Seine. »

On en revient à la pêche décrite par Scarron, au XVIIe siècle.

Bilan : 20.000 immeubles inondés dans la capitale, 30.000 maisons touchées en banlieue, 150.000 sinistrés : les inondations de janvier 1910 font figure de catastrophe naturelle majeure pour Paris et sa région. L’eau atteint 8,62 m sous le Pont d’Austerlitz (8,96 en 1658). Et le Zouave du pont de l’Alma devient célèbre, son corps devenant l’échelle de mesure d’une inondation historique.

« Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Bercent mon cœur
D’une langueur
Monotone. »2807

Paul VERLAINE (1844-1896), vers entendus à la BBC le 5 juin 1944. Extrait de « Chanson d’automne », Poèmes saturniens (1866)

C’est le code (étrange) choisi pour annoncer sur la radio anglaise le jour J du débarquement en France, autrement dit, l’opération Overlord (Suzerain, en anglais) sous le commandement suprême du général Eisenhower.

Ces mots tant attendus sont enfin entendus, le soir du 5 juin : le débarquement est donc pour le lendemain.

« Vieille Terre, rongée par les âges, rabotée de pluies et de tempêtes, épuisée de végétation, mais prête, indéfiniment, à produire ce qu’il faut pour que se succèdent les vivants ! Vieille France, accablée d’Histoire, meurtrie de guerres et de révolutions, allant et venant sans relâche, mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau ! »2830

Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 (1959)

« … Vieil homme, recru d’épreuves, détaché des entreprises, sentant venir le froid éternel, mais jamais las de guetter dans l’ombre la lueur de l’espérance ! »

Derniers mots des Mémoires du grand premier rôle et grand témoin de cette période, qui évoque et invoque la France et s’identifie à elle. Saluons également le styliste, entré dans la prestigieuse collection de la Pléiade en 2010.

« La guerre froide avait trouvé un point chaud, même brûlant. »2877

Edgar FAURE (1908-1988), parlant de la guerre de Corée, déclarée le 25 juin 1950. Mémoires (1982), Edgar Faure

Le climat géopolitique invente une nouvelle expression imagée, pour une réalité très commentée à l’époque.

« Guerre froide » : un équilibre de la terreur qui va durer cinquante ans, entre les deux grandes puissances mondiales qui disposent de l’arme atomique, les États-Unis et l’URSS. Churchill le premier dénonce en 1946 le rideau de fer qui est tombé sur le continent européen. L’opinion publique comprend l’évidence en 1948, lors du coup de Prague : les communistes prennent le pouvoir en Tchécoslovaquie. L’année suivante, l’OTAN crée une alliance militaire occidentale et Staline riposte avec le Pacte de Varsovie.

La guerre de Corée est la première bataille de la guerre froide, bien vue par Edgar Faure (alors ministre des Finances) : « La magistrature de René Pleven débutait dans une période de cyclone international. L’invasion de la Corée créait une situation nouvelle pour le monde et bouleversait les données des problèmes posés à la France. »

« Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir de froid sur le trottoir du boulevard de Sébastopol. Elle serrait dans ses mains le papier par lequel on l’avait expulsée de son logement. Chaque nuit dans Paris, ils sont plus de deux mille à geler dans la nuit, sans toit, sans pain. »2887

Abbé PIERRE (1912-2007), Premiers mots de l’appel lancé à la radio dans l’hiver 1954. Emmaüs et l’abbé Pierre (2008), Axelle Brodiez-Dolino

Référence météorologique spontanée, diffusée en direct sur les ondes de la station la plus populaire.

1er février. Ce soir-là, dans un élan de colère, l’abbé Pierre fonce à Radio Luxembourg et s’empare du micro. Ce prêtre catholique, résistant pendant la guerre et député MRP jusqu’en 1951, est revenu à sa vocation de prêtre aumônier, dans le cadre du « Mouvement Emmaüs », organisation caritative laïque, créée en 1949 et Fondation toujours vivante.

L’abbé, d’une voix vibrante, demande que le soir même, dans tous les quartiers de Paris, s’ouvrent des centres de dépannage, qu’on y apporte couvertures, paille, pour accueillir tous ceux qui souffrent quels qu’ils soient, et qu’ils puissent y dormir, y manger, reprendre espoir, savoir qu’on les aime et qu’on ne les laissera pas mourir. C’est la misère des laissés-pour-compte de la croissance économique propre aux « Trente glorieuses » - les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, jusqu’au premier choc pétrolier en 1973.

Trente ans plus tard, Coluche lancera ses « Restos du cœur ». Le quart-monde existe toujours et chaque époque crée ses nouveaux pauvres. En 2020, la crise économique et sanitaire de la Covid-19 relance le phénomène.

« [Le marxisme], c’est le climat de nos idées, le milieu où elles s’alimentent, c’est le mouvement vrai de ce que Hegel appelait l’Esprit objectif […] Il est à lui seul la culture. »2905

Jean-Paul SARTRE (1905-1980). Les Temps modernes, nos 121 à 125 (1956), Jean-Paul Sartre

Métaphore courante du climat : climat de crise, d’insécurité, climat social, politique… C’est presque devenu un tic de langage, preuve que la météo (souvent confondue avec le climat) est un thème sensible à l’opinion publique. Cette évidence vaut plus encore de nos jours qu’au temps où Sartre faisait office de « maître à penser ».

Peu de temps avant le XXe Congrès du PC de l’Union soviétique (février 1956), Sartre assure : « Porté par l’Histoire, le PC manifeste une extraordinaire intelligence objective, il est rare qu’il se trompe. » La suite va vite démentir ces propos.

« En moins d’une semaine, dans un printemps sans histoire, une tempête fait lever sur Paris les pavés de l’émeute, les mousquetons du pouvoir et les idées de tout le monde. Une partie de la jeunesse française a déclaré sa guerre. Elle l’a déclarée à tous, faute de savoir à qui. »3048

L’Express, 13 mai 1968

La météo politique s’emballe, au mois de Mai 68. Le Quartier latin à Paris est tout particulièrement touché.

La presse écrite et parlée s’emballe aussi. L’Express, qui est encore un « journal d’opinion »  (de gauche), donne un premier résumé des événements et pose LA question existentielle – dont personne ne pourra donner la réponse, malgré les flots de commentaires écrits, parlés, pensés à l’infini. Le happening va continuer, dans le génie de l’improvisation.

« Regarde : Quelque chose a changé.
L’air semble plus léger.
C’est indéfinissable.
Regarde : Sous ce ciel déchiré,
Tout s’est ensoleillé.
C’est indéfinissable.
Un homme, Une rose à la main,
A ouvert le chemin,
Vers un autre demain… »3209

BARBARA (1930-1997), Regarde. Chanson dédiée à François Mitterrand et ovationnée en novembre 1981 à l’hippodrome de Pantin, emplacement actuel du Zénith de Paris

Toujours le soleil et un climat d’euphorie en ce mois de mai historique, pour le peuple de gauche.

Beaucoup d’artistes ont accompagné le président en campagne, puis au lendemain de sa victoire. Les mots, la musique, la voix, l’émotion de Barbara étonnent toujours et résonnent encore (sur You Tube, Daily Motion) : « Regarde : Plantée dans la grisaille, / Par-delà les murailles, / C’est la fête retrouvée. / Ce soir, Quelque chose a changé. / L’air semble plus léger. / C’est indéfinissable. / Regarde : Au ciel de notre histoire, / Une rose, à nos mémoires, / Dessine le mot espoir ! »

Le 21 mai, 11 jours après l’élection, Mitterrand prend ses fonctions de président de la République. Journée ponctuée de cérémonies officielles et de manifestations publiques. Presque trop bien mis en scène (par Serge Moati), le président remonte la rue Soufflot au milieu de la foule et se retrouve seul, franchit la porte du Panthéon pour se rendre dans la crypte et déposer une rose sur les tombes de Jean Jaurès, Victor Schœlcher et Jean Moulin…

La rose, symbole du PS, naturellement présente dans Regarde : « Et l’homme, Une rose à la main, / Étoile à son destin, / Continue son chemin. / Seul, Il est devenu des milliers, / Qui marchent, émerveillés, Dans la lumière éclatée… »

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. L’humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au nord comme au sud, et nous sommes indifférents. La Terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. »3377

Jacques CHIRAC (1932-2019), Sommet mondial de Johannesburg, Afrique du Sud, 2 septembre 2002

Le réchauffement climatique va devenir un thème quasi-consensuel dans le constat qui en est fait.

Plus de 100 chefs d’État (et quelque 60 000 participants) font le bilan du Sommet de la Terre, tenu à Rio de Janeiro en 1992, et du Protocole de Kyoto (Japon) en 1997, les États signataires s’engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, dioxyde de carbone en tête (le fameux CO2).

Centré sur le développement durable, le Sommet de Johannesburg adopte un plan d’action ambitieux : lutte contre la paupérisation, contrôle de la globalisation, gestion des ressources naturelles, respect des droits de l’homme, etc.

« Au regard de l’histoire de la vie sur Terre, celle de l’humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà, par la faute de l’homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. L’Homme, pointe avancée de l’évolution, peut-il devenir l’ennemi de la Vie ? Et c’est le risque qu’aujourd’hui nous courons par égoïsme ou par aveuglement. Il est apparu en Afrique voici plusieurs millions d’années. Fragile et désarmé, il a su, par son intelligence et ses capacités, essaimer sur la planète entière et lui imposer sa loi. Le moment est venu pour l’humanité, dans la diversité de ses cultures et de ses civilisations, dont chacune a droit d’être respectée, le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau, un lien de respect et d’harmonie, et donc d’apprendre à maîtriser la puissance et les appétits de l’homme. »

Discours du président français, bien écrit par Jean-Paul Deléage, physicien, géopoliticien, maître de conférences universitaire, militant et historien de l’écologie.

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire (…) Le paysan africain, qui depuis des millénaires vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. »3425

Nicolas Sarkozy (né en 1955), Discours de Dakar (Sénégal), 26 juillet 2007

Autre grand discours, écrit par Henri Guaino, gaulliste de gauche, la plume (le nègre) du président, désormais chargé de donner à sa pensée une forme présidentielle.

L’opinion ne retient (injustement) que la première phrase qui fait polémique : relent de racisme, sur fond d’ancienne colonisation, assorti d’une confusion entre civilisation et progrès technique.

La suite rappelle étrangement le « Discours sur l’Afrique » prononcé par Hugo en 1879 : « L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire ; l’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. […] Déjà les deux peuples colonisateurs, qui sont deux grands peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique ; la France la tient par l’ouest et par le nord ; l’Angleterre la tient par l’est et par le midi. Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal. L’Amérique joint ses efforts aux nôtres ; car l’unité des peuples se révèle en tout. […] Au dix-neuvième siècle, le blanc a fait du noir un homme ; au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. […]

« Le Printemps arabe, c’est « un immense mur de Berlin qui tombe ». »3448

Tahar BEN JELLOUN (né en 1944), entretien à l’AFP, 24 mai 2011

Ce printemps métaphorique fait naturellement écho au « printemps des peuples » de 1848.

Écrivain franco-marocain, Tahar Ben Jelloun rend hommage au premier martyr (le jeune tunisien Mohamed Bouazizi qui s’est immolé), publiant deux essais sur cette révolution en marche : Par le feu et L’Étincelle. Révolte dans les pays arabes (2011).

Le « Printemps arabe » est une série de contestations populaires, de forme et d’ampleur variables, touchant divers pays du monde arabe à partir du 17 décembre 2010. La révolution, commencée en Tunisie, oblige Ben Ali à quitter le pouvoir, puis Moubarak en Égypte. D’autres peuples reprennent le slogan « Dégage ! » (« Erhal ! » en arabe). Outre le départ des dictateurs et l’instauration d’une démocratie, les manifestants exigent le partage des richesses, des emplois et la dignité (« karama »).

Le « Printemps des peuples » de 1848 fut une série de révolutions éclatant simultanément dans plusieurs pays d’Europe, Italie, Allemagne, Autriche, au nom d’aspirations libérales, nationales et démocratiques.

Évoquons aussi la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1999 : cette insurrection contre la tutelle communiste suit les mouvements d’émancipation qui ont secoué les pays du glacis soviétique tout au long de l’année, en Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, et précède les révoltes en Roumanie et Bulgarie.

Leçon de l’Histoire ? Il existe une vraie contagion révolutionnaire, mais l’installation de la démocratie est un problème plus complexe, en particulier dans les pays musulmans où l’islamisme est incompatible avec la laïcité.

« C’est une imposture de prétendre qu’on peut prévoir le climat du globe dans un siècle et que cette augmentation serait apocalyptique pour le monde. »

Claude ALLÈGRE (né en 1937), L’Imposture climatique ou la fausse écologie (Plon, 2010)

Ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie dans le gouvernement Jospin de 1997 à 2000, il prend de bonnes mesures, mais se fait remarquer par un mot malheureux : « Il faut dégraisser le mammouth. »

Chercheur reconnu par ses confrères, géochimiste médaillé et primé (membre de l’Académie des sciences, prix Crafoord en 1986, médaille d’or du CNRS en 1994), auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique, il suscite la controverses avec ses prises de position sur l’origine et l’évolution du réchauffement climatique.

Dans ce livre d’entretiens avec le journaliste Dominique de Montvalon, il accuse les climatologues, à commencer par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), « système mafieux » ayant conspiré afin de faire passer aux yeux du monde un « mythe » pour un fait scientifique. « C’est le seul cas de figure où les Verts évoquent positivement la science » et « l’imposture du groupe des scientifiques qui s’occupent du climat, c’est de profiter de cet appui politique ambigu et intéressé des Verts, pour obtenir, par pur corporatisme, des crédits et un début de reconnaissance scientifique. »

Politiquement très incorrect, ce livre trouve un large écho dans les médias, mais les journalistes sont critiques et les chercheurs en sciences du climat dénoncent les « approximations et erreurs factuelles à même de tromper le public. » Le grand prix de la Société de géographie lui est attribué en 2010 pour L’Imposture climatique, mais Claude Allègre reconnaît des « inexactitudes » et des « exagérations » qu’il justifie par un « choix éditorial » et la volonté d’écrire « un livre politique avant tout. » D’autres « climato-sceptiques » vont faire la une !

« Je ne crois pas au changement climatique, c’est juste de la météo. Ça a toujours été comme ça, le temps change, il y a des tempêtes, de la pluie, et des belles journées. »

Donald TRUMP (né en 1946 ) interrogé sur CNN, candidat à la Maison Blanche, septembre 2015

Climato-scepticisme institutionnel et « de bon sens ».

Président républicain élu pour quatre ans après le démocrate Barack Obama, il tourne le dos à la planète et à la réalité du réchauffement climatique. 1er juin 2017, il annonce le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat signé le décembre 2015. Ce texte issu des négociations à la COP 21 (21è Conference of Parties), fruit d’années de tractations laborieuses entre près de 200 pays et entités différentes, vise à limiter sous les 2°C l’augmentation de la température moyenne sur terre, provoquée par l’activité humaine.

Mais fidèle à sa promesse de campagne, Trump privilégie les emplois américains : « America First ».

Consternation dans le monde, multiples signaux positifs et volontaires des autres participants, l’avenir de l’Accord reste quand même incertain. L’élection du démocrate Joe Biden ne signifie pas pour autant le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris. Il l’a certes annoncé, il l’a même promis par tweet (nouvelle com médiatique), mais les moyens à sa disposition semblent plus que limités, dans le « climat » mondial de crise économique et sanitaire.

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