Philippe le Bel et les Templiers. Quelle Affaire ! Déjà évoquée - voir indexation, « affaires ».
Philippe IV dit le Bel est le dernier grand Capétien du Moyen Âge. Mais son règne est entaché par les mutations monétaires de ce roi « faux-monnayeur » toujours à court d’argent et par la liquidation de l’ordre des Templiers, surtout coupables d’être trop riches. Tragique duel, et pourtant, ce fut d’abord un duo parfait.
« Les œuvres de piété et de miséricorde, la libéralité magnifique qu’exerce dans le monde entier et en tout temps le saint ordre du Temple, divinement institué depuis de longues années, son courage […] nous déterminent justement […] à donner des marques d’une faveur spéciale à l’ordre et aux chevaliers pour lesquels nous avons une sincère prédilection. »247
(1268-1314), Lettre datée de 1304
Histoire des sociétés secrètes, politiques et religieuses (1847), Pierre Zaccone.
Les Templiers, premier ordre militaire d’Occident, créé en 1119 pour la défense des pèlerins, reviennent de Terre sainte d’où les derniers descendants des croisés ont été chassés. Disposant d’une force armée considérable pour l’époque (15 000 lances), ils se replient sur leurs possessions européennes. Devenus banquiers des pèlerins et des marchands, puis des rois et des papes, pratiquant l’usure, ils ont amassé des richesses immenses. Ainsi, un tiers de Paris – tout le quartier du Temple, qui a gardé ce nom – vit sous leur protection. Le roi leur octroie de nouveaux privilèges et songe même à entrer dans l’ordre - sa candidature est refusée, selon d’autres sources, le refus concerne le fils du roi.
Leur puissance fait des jaloux, leur arrogance est une injure aux pauvres et leur sens du secret permet de tout imaginer. D’où les dictons : Jurer comme un Templier, Boire comme un Templier. Le roi contribue à répandre cette rumeur, préparant son « mauvais coup » contre les Templiers avec le chancelier Nogaret.
« L’an 1307 le 22 septembre, les sceaux furent confiés au seigneur Guillaume de Nogaret ; on traita ce jour-là de l’arrestation des Templiers. »250
Registre du Trésor des Chartes
Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Lavisse, Vidal de La Blache
Répression décidée dans le plus grand secret, le roi étant au monastère de Maubuisson : plis scellés envoyés aux baillis et sénéchaux des provinces. Chaque pli en contient un second également scellé, à n’ouvrir que le 12 octobre 1307.
13 octobre, les Templiers sont arrêtés dans l’enceinte du Temple à Paris et pareillement saisis dans leurs châteaux en province. Ils n’opposent aucune résistance : l’effet de surprise est total et la Règle des moines soldats leur interdit de lever l’épée contre un chrétien. Une douzaine a pu fuir ; les autres, environ 2 000, sont livrés à l’Inquisition.
« Cette engeance comparable aux bêtes privées de raison, que dis-je ? dépassant la brutalité des bêtes elles-mêmes […] commet les crimes les plus abominables. Elle a abandonné son Créateur, sacrifié aux démons. »251
PHILIPPE IV le Bel (1268-1314), parlant des Templiers
Les Templiers (1963), Georges Bordonove
On voit jusqu’où va la duplicité du roi pour justifier une action injustifiable, en terme d’équité. L’affaire va durer sept ans. Sur demande du chancelier Nogaret, l’Inquisition mène les interrogatoires. Cette juridiction d’exception traite les crimes d’hérésie et d’apostasie, les faits de sorcellerie et de magie. 138 Templiers comparaissent, sous l’accusation de mœurs obscènes, sodomie, hérésie, idolâtrie, pratique de messes noires.
Face aux bourreaux, ils avouent en masse, tout ce qu’on veut. Même le grand maître Jacques de Molay, vraisemblablement pas torturé. Cela donne naissance au « mystère des Templiers » : étaient-ils si innocents ?
« Que le pape prenne garde […] On pourrait croire que c’est à prix d’or qu’il protège les Templiers, coupables et confès, contre le zèle catholique du roi de France. »254
Pierre DUBOIS (vers 1250-vers 1320), Pamphlet, 1308
La Magie et la sorcellerie en France (1974), Thomas de Cauzons
Clément V s’est tardivement ému du destin des Templiers, suspendant l’action des inquisiteurs et annulant les procédures engagées par le roi. Dubois se fait son avocat, pour effrayer le pape, et conclut en clouant au pilori « les indécis [qui] sont les nerfs des testicules du Léviathan » ! Image propre à faire trembler un pape hésitant par nature, bien embarrassé par l’affaire et par ailleurs malade. Il se soumet à la volonté du roi et abandonne les Templiers à leur sort, demandant seulement qu’on y mette les formes juridiques. Il y aura donc un nouveau procès et quelques bulles.
Les Templiers qui ont avoué en 1307 vont se rétracter, au risque du bûcher. La bulle « Vox clamantis » dissout l’ordre (3 avril 1312). Ad providam (2 mai) transmet les biens des Templiers aux Hospitaliers. Le roi en a déjà prélevé la plus forte part possible, mais le fameux « trésor » demeure introuvable. Autre mystère.
« Les corps sont au roi de France, mais les âmes sont à Dieu ! »258
Cris des Templiers brûlés vifs dans l’îlot aux Juifs, 19 mars 1314
Les Templiers (2004), Stéphane Ingrand
Le peuple est friand de ce genre de spectacle, les Templiers attirent la foule. Une trentaine rejoint dans le supplice les deux principaux dignitaires, de Molay, grand maître de l’Ordre, et de Charnay, le précepteur : après quatre ans de prison et de silence, ils ont proclamé leur innocence et dénoncé la calomnie. L’histoire des « Rois maudits » va commencer.
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