L’Europe, enjeu majeur des derniers référendums. Résultats de plus en plus décevants, peuples de moins en moins « croyants » en ce projet qui a fait rêver.
Malentendu, refus de voir la réalité, jusqu’au Brexit. Au-delà des référendums, les responsables politiques ne peuvent plus éluder les vraies questions.
« Dès lors que, dans un territoire donné, il n’existe qu’une seule monnaie, les écarts de niveau de vie entre les régions qui le composent deviennent vite insupportables. Et en cas de crise économique, c’est le chômage qui s’impose comme seule variable d’ajustement. »3300
(1943-2010), Discours à l’Assemblée nationale, 5 mai 1992
Voilà le péché originel de cette Europe nouvelle, qui instaure prématurément la création d’une monnaie unique, l’euro, pièce maîtresse de la construction. L’argument économique, pessimiste en 1992, apparaît prémonitoire, avec la crise survenue en 2008, où nombre de pays européens s’enlisent.
Séguin ébranle quelques consciences, mais la réforme de la Constitution, indispensable pour que le traité de Maastricht s’applique, va passer : par 398 voix contre 77 et 99 abstentions - plus du double de ce qu’espérait Séguin ! Et le président Mitterrand accède à sa demande : les Français seront appelés à se prononcer sur le traité, par référendum. Même battu par l’arithmétique, Séguin a gagné la bataille de l’opinion : ce sera lui, le leader du non dans la campagne référendaire.
Le débat intéresse les Français. Abstention plus faible qu’aux deux référendums précédents (élargissement de la CEE et statut de la Nouvelle Calédonie). Le oui l’emporte (de peu), ce 20 septembre : 51,05 % des suffrages exprimés, soit quelque 500 000 voix. Seuls les Danois ont voté non. Après certains aménagements au traité, le oui l’emportera : 56,8 %, au second référendum du 18 mai 1993. Le traité de Maastricht, ou Traité sur l’Union européenne (TUE), entre en vigueur le 1er novembre 1993. L’union monétaire devient effective le 1er janvier 1999.
« C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui. »3385
Valéry GISCARD D’ESTAING (1926-2020), Le Monde, 6 mai 2005
VGE parle du projet de Constitution européenne : « C’est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit : je le dis d’autant plus aisément que c’est moi qui l’ai rédigé. » L’humour giscardien est bien noté par le Press Club.
L’Europe est donc de retour, sur la scène politique. Le 19 juin 2004, les chefs d’État et de gouvernement des 25 pays membres ont adopté le « Traité établissant une Constitution pour l’Europe », signé à Rome le 29 octobre. Reste à obtenir la ratification par tous les membres de l’Union : par voie parlementaire ou par référendum. Le référendum, sacre populaire, donne plus de poids au texte, si tout se passe bien. Et 10 pays font ce pari, dont la France : par décision du président de la République, après consultation des partis.
« NON. »3386
Réponse au référendum français sur le Traité constitutionnel européen, 29 mai 2005
Le non l’emporte avec près de 55 % des suffrages exprimés (plus de 30 % d’abstention). Un séisme politique, dont les ondes sismiques se font encore sentir, en 2016.
Si les Français rejettent l’Europe, il faut analyser cette « fracture européenne » et les partis – divisés sur la question, mais majoritairement européens – vont tenter de mieux « vendre » l’Europe, trop facilement prise en bouc émissaire, symbolisant le bureaucratisme, l’interventionnisme, le libéralisme, la mondialisation - en attendant l’émigration (clandestine et mal maîtrisée). Tout ce qui fait peur.
Le référendum exprime aussi un « malaise français » : pessimisme viscéral, inquiétude sociale et crise perpétuellement ressentie, l’Europe n’étant qu’un prétexte à exprimer son mécontentement et sa perte de foi en la politique.
« Un jour, les Européens remercieront les Français d’avoir voté non, car la seule Europe qui peut marcher est celle des nations et des projets. »3387
Lech Walesa (né en 1943), au lendemain du 29 mai 2005
Le Monde, 25 mai 2006, « Référendum du 29 mai 2005 : le « non » un an après »
« L’Union européenne va continuer à fonctionner sur les bases des traités actuels », dit le président Chirac. Un traité modificatif (futur Traité de Lisbonne) reprendra les bases du Traité constitutionnel et sera approuvé par les 27 États membres (Bulgarie et Roumanie nouveaux venus), lors du Conseil européen du 23 juin 2007. Les opposants à cette Europe ne manqueront pas l’occasion de dénoncer la manœuvre, non sans raison.
Le Brexit de la Grande-Bretagne est le dernier épisode, en date du 23 juin 2016. Traduction d’un malaise dont on ne cesse de dénoncer les causes et les conséquences. L’Europe, ce grand projet, ne fait plus rêver les peuples.
Notre série de citations sur les plébiscites et référendums :
- Napoléon : « On ne fait de grandes choses en France qu’en s’appuyant sur les masses… »
- Parole des Savoyards : « Nos cœurs ont suivi le cours de nos rivières. »
- Constitution de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple… »
- De Gaulle : « Il va peser lourd le oui que je demande… »
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