Napoléon et Pie VII : duo parfait, devenu duel au sommet. Ce sont deux grands premiers rôles sur la scène européenne.
L’empereur sait qu’il a besoin du pape et il s’en sert. Mais il sous-estime (toujours) l’autre. Et la religion reste un facteur politique capital, au XIXe siècle.
« Commediante ! Tragediante ! »« Comédien ! Tragédien ! »1781
(1742-1823)
Servitude et grandeur militaires (1835), Alfred de Vigny.
Ces deux mots n’ont peut-être pas été prononcés tels qu’ils sont passés à la postérité, mais ils reflètent ce que ce pape de caractère pensait de l’empereur.
Don de la simulation et sens théâtral, deux qualités reconnues au grand premier rôle que fut Napoléon, sur la scène de l’histoire. Son don de la mise en scène, il en joue en artiste : « Rien n’interrompt aussi bien une scène tragique qu’inviter l’autre à s’asseoir ; lorsqu’il est assis, le tragique devient comique. » Il a pris des cours avec le plus célèbre sociétaire de la Comédie-Française, son ami Talma. Il sait donner une dimension épique aux défaites comme aux victoires, revues et corrigées par les peintres voués à sa propagande. Le sommet de l’art reste le sacre, dont Pie VII est témoin, et acteur, condamné au second rôle : Napoléon tint à se couronner lui-même, et le pape n’a béni que la couronne !
« Les conquérants habiles ne sont jamais brouillés avec les prêtres. »1719
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Lettre à Lucien Bonaparte, ambassadeur à Madrid, 18 avril 1801
Dans cet esprit, le Premier Consul signe avec le pape Pie VII (représenté à Paris par le cardinal Consalvi, secrétaire d’État du Saint-Siège) le Concordat du 15 juillet 1801, adopté le 8 avril 1802 par les Assemblées. Ce compromis religieux règle les relations entre l’Église et l’État, jusqu’à la loi consacrant leur séparation, en 1905.
Une brouille viendra des « Articles organiques » ajoutés unilatéralement au Concordat et rétablissant en fait l’emprise de l’État sur l’Église – indispensables pour faire passer le Concordat. C’est l’un des nombreux épisodes du gallicanisme en France. Il y a eu et il y aura bien pire.
« Lorsqu’en 1801 Napoléon rétablit le culte en France, il a fait non seulement acte de justice, mais aussi de grande habileté […] Le Napoléon du Concordat, c’est le Napoléon vraiment grand, éclairé, guidé par son génie. »1721
TALLEYRAND (1754-1838), Mémoires (posthume, 1891)
Parole de grand diplomate et d’habile politicien. Son nom est souvent associé à celui de Sieyès et de Fouché : c’est le « brelan de prêtres », selon l’ironique expression de Carnot.
Rappelons l’histoire. Rendu boiteux par un accident qui lui interdit la carrière militaire, évêque d’Autun (en 1780) sans vocation religieuse, Talleyrand fut l’un des premiers prêtres à prêter serment à la Constitution civile du clergé au début de la Révolution. Par la suite, une véritable guerre civile et religieuse déchire la France, durant dix ans. Il fallait en finir au plus vite et il y a contribué, approuvant l’ensemble de la politique religieuse, sous le Consulat, à commencer par le Concordat avec Pie VII. Il sera l’inspirateur des Articles organiques, pour faire passer le Concordat.
« Je n’ai pas succédé à Louis XVI, mais à Charlemagne. »1799
NAPOLÉON Ier (1769-1821), à Pie VII, le jour du sacre en la cathédrale Notre-Dame de Paris, 2 décembre 1804
La cérémonie dure cinq heures, entre la marche guerrière et le Te Deum, un premier serment religieux de Napoléon, la messe, l’Alléluia, les oraisons, les cris de « Vive l’empereur ». Et ce nouveau serment, sur les Évangiles. C’est l’instant le plus heureux des relations entre le pape et l’empereur. L’histoire a voulu que se croisent ces deux hommes qui ont la même volonté de fer.
Napoléon a déjà imposé sa volonté durant le sacre, il a pris la couronne présentée, l’a posée lui-même sur sa tête, avant de couronner son épouse Joséphine. C’est sans doute à cet instant qu’il s’est adressé à son frère aîné, pour la seule « improvisation » (authentique) de cette spectaculaire cérémonie : « Joseph, si notre père nous voyait ! »
À peine couronné empereur des Français par le pape, il dévoile sa véritable ambition, le titre d’empereur d’Occident à la tête du Grand Empire. Le 7 septembre, résidant à Aix-la-Chapelle, il s’est recueilli devant le tombeau de Charlemagne, il a ordonné une procession solennelle avec tous les symboles impériaux (couronne, épée, main de justice, globe, éperons d’or). Et le sacre se tient à Paris, non pas à Reims, comme de tradition pour les rois de France.
« Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j’en suis l’Empereur. »1812
NAPOLÉON Ier (1769-1821), Lettre à Sa Sainteté le Pape, Paris, 13 février 1806
En vertu du Concordat (1801), il précise : « Nos conditions doivent être que Votre Sainteté aura pour moi, dans le temporel, les mêmes égards que je lui porte pour le spirituel. » Mais les relations commencent à se gâter sérieusement, entre ces deux fortes personnalités. Pie VII voit d’un mauvais œil toute l’Italie passer sous la domination française, les territoires annexés au fur et à mesure des conquêtes impériales et au gré des circonstances, et les enclaves pontificales occupées par Joseph Bonaparte, nouveau roi de Naples.
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