Polignac : « La troupe fraternise avec le peuple. — Eh bien, il faut tirer aussi sur la troupe ! »

Révolution de juillet 1830. Trois jours pour renverser le régime - une royauté rendue fragile par l’aveuglement des hommes au pouvoir et la détermination d’une opposition de gauche, longtemps divisée et tactiquement unie, des républicains aux orléanistes. Les « Trois Glorieuses » feront peu de morts.

« La troupe fraternise avec le peuple. — Eh bien, il faut tirer aussi sur la troupe ! »2027

Réponse du prince de POLIGNAC (1780-1847), chef du gouvernement, au chef d’escadron Delarue, 28 juillet 1830

Révolution française : histoire de dix ans, 1830-1840 (1846), Louis Blanc.

Une perle, catégorie « humour involontaire ». Polignac est un ultra, choisi par le roi qui a opté pour la crise politique. L’opposition a triomphé aux élections des 23 juin et 3 juillet. Charles X, comme le lui permet la Charte, dissout la nouvelle Chambre et fixe la date des prochaines élections. Il modifie la loi électorale – en élevant le cens, il élimine la bourgeoisie du corps électoral. Et il suspend la liberté de la presse – en rétablissant la censure et l’autorisation ministérielle préalable.

Au total, quatre ordonnances qualifiées de « scélérates » par l’opposition majoritaire. Cette bombe ultra va déclencher le lendemain la révolution des Trois Glorieuses (journées des 27, 28, 29 juillet) et la fin du règne des Bourbons !

Dès le 27 juillet, deux compagnies des troupes royales, bombardées de jets de pierre, sont passées aux émeutiers. Le 28, dans Paris hérissé de barricades, Marmont résiste avec ses 10 000 hommes. Il reçoit enfin les ordres du roi : concentrer ses troupes autour des Tuileries et du Louvre. Il abandonne aux insurgés tous les quartiers de l’est et du nord de Paris.

Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.

« La dernière raison des rois, le boulet. La dernière raison des peuples, le pavé. »2028

Victor HUGO, Littérature et philosophie mêlées (1834)

Leçon de l’histoire tirée par le jeune auteur romantique, témoin passionné. Le récit national est ponctué de « journées des Barricades » – murailles improvisées, faites de pavés, de galets, de poutres, construites par le peuple pour barrer la route aux troupes chargées du maintien de l’ordre. La première Journée remonte à la Sainte Ligue (catholique), qui tenait Paris en 1588. En 1649, c’est la Fronde contre Mazarin. La Révolution de 1830 va dépaver les rues de Paris en trois jours.

« Mettez en note que le 29 juillet 1830, à midi cinq minutes, la branche aînée des Bourbons a cessé de régner sur la France ! »2029

TALLEYRAND, L’Esprit de M. de Talleyrand : anecdotes et bons mots (1909), Louis Thomas

Travaillant à ses Mémoires qu’il dicte à son secrétaire, il entend les troupes de Marmont qui refluent sous ses fenêtres, rue de Rivoli – le Louvre est pris par les insurgés, les soldats se débandent. Le vieux pair de France qui a vécu tous les tournants de l’histoire depuis la Révolution et survécu à tant d’épreuves, s’interrompt et dicte cette note à son secrétaire. Ce même jour, les députés font cause commune avec le peuple : « Troisième Glorieuse » de cette brève Révolution.

« Charles X a essayé de sauver la légitimité française et avec elle la légitimité européenne : il a livré la bataille et il l’a perdue […] Napoléon a eu son Waterloo, Charles X ses journées de juillet. »2030

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Le 30, Charles X retire les ordonnances. Trop tard. Thiers et Mignet font placarder un manifeste orléaniste. Louis-Philippe attend son heure. Tandis que La Fayette, septuagénaire fringant, est de retour pour son dernier rendez-vous avec l’Histoire, de nouveau à la tête de la garde nationale rétablie, qui occupe l’Hôtel de Ville : on hisse le drapeau tricolore.

« Voilà ce que nous avons pu faire de plus républicain. »2034

LA FAYETTE, Hôtel de Ville, 31 juillet 1830

Rallié à la cause du duc d’Orléans, drapé dans le drapeau tricolore, il lui donne l’accolade et fait de lui le futur roi des Français. Fin de carrière pour l’ex-jeune héros de la guerre d’Indépendance américaine et de la Révolution française.

« Puisqu’ils ne veulent pas de moi, qu’ils se débrouillent ! »2035

Duc d’ANGOULÊME, dernier dauphin de l’histoire de France, château de Rambouillet, 2 août 1830

Piteuse sortie de scène des Bourbons. Charles X a signé l’acte d’abdication en faveur de son petit-fils (10 ans), Henri de Bordeaux. Il tend la plume à son fils aîné, Louis de France, devenu Louis XIX le temps du règne le plus court – quelques secondes d’hésitation, il pourrait garder la couronne. Il abdique à son tour - Henri V fera valoir ses droits en 1871.