Portrait de Mazarin en citations

 

Louis XIV est un enfant de 5 ans à la mort de son père Louis XIII (1643). Un autre grand ministre va gouverner la France, digne successeur de Richelieu qui le tenait en haute estime et l’avait pris à son service dès 1638 : Mazarin né Giulio Mazarini.

Sitôt confirmé comme « Principal ministre » par la reine régente Anne d’Autriche, il est jalousé, mais surtout attaqué en tant qu’étranger, Italien de basse extraction, joueur et noceur. L’hostilité des Grands du Royaume se manifeste dans la « cabale des Importants » (août 1643) : le complot pour l’assassiner est déjoué.

Les premiers succès militaires et diplomatiques mettent fin à la guerre de Trente Ans (traité de Westphalie en 1648), mais les difficultés financières s’aggravent, les lourdes mesures fiscales rendant Mazarin et la reine régente de plus en plus impopulaires.
Le couple au pouvoir doit faire face à la Fronde (1648-1653), dernier épisode du siècle portant au paroxysme la rébellion des Grands, des parlementaires et du peuple contre l’absolutisme royal. Quelque 6 500 pamphlets (mazarinades) attaquent le maître de la France, éclaboussant aussi sa « pute de reine ».

Ayant triomphé de cette guerre civile « tragi-grotesque », Mazarin rétablit l’ordre et prépare le règne de Louis XIV. Il l’initie à son métier de roi en l’associant à son travail. La guerre de 35 ans gagnée contre l’Espagne aboutit enfin au traité des Pyrénées (1659) et au mariage avec l’infante Marie-Thérèse, consolidant la position de la France, arbitre en Europe.

Grand amateur d’art, confondant le mécénat et l’enrichissement personnel qui conforte son pouvoir, Mazarin finit par acquérir la plus grosse fortune du siècle, gérée par Colbert.
À sa mort, il laisse à Louis XIV une France aux frontières assurées, un État restauré, des collaborateurs dévoués (1661).

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1. Mazarin, un personnage surdoué et contesté.

« L’autorité du Roi, c’est le repos de l’État. »754

MAZARIN (1602-1661). Encyclopædia Universalis, article « Jules Mazarin, l’homme d’État »

Mazarin pense et parle ici comme Richelieu dont il fut le principal collaborateur, avant de lui succéder au Conseil du roi et au pouvoir. Il reflète l’opinion universellement admise à l’époque. Les désordres de la Fronde et les désastreuses conséquences de ces cinq années d’anarchie lui donnent a contrario raison.

Le jeune roi dont Mazarin fait l’éducation politique en l’initiant aux affaires se révèlera l’élève surdoué de ce maître en politique. Mazarin dit encore – autre leçon de l’histoire de France et de la Fronde : « Une souveraineté pleine et entière peut seule faire prévaloir l’intérêt général et juguler les féodalités renaissantes. L’obéissance au roi est gage de la paix publique. » Là encore, c’est Richelieu qui parle, théoricien de la raison d’État qu’il mit également en pratique.

« Pour porter les affaires de la France au plus haut point […], une seule chose est nécessaire : que les Français soient pour la France »

MAZARIN (1602-1661). Cité par Gérard Montassier, Mazarin (2015)

Cet Italien de naissance est déjà aussi français que de Gaulle ! Le plus surprenant, c’est que la péninsule italienne où il vécut jusqu’en 1639 est depuis les origines une mosaïque de petits États avant l’unité italienne, idée lancée par Cabourg deux siècles plus tard.

« Ce que l’intérêt a uni, l’intérêt peut le désunir. »755

MAZARIN (1602-1661). Encyclopædia Universalis, article « Jules Mazarin, l’homme d’État »

Les opposants – nobles, représentants du clergé, parlementaires, tous les acteurs de la Fronde – se jalousent et leurs intérêts divergent. Mazarin le sait. Suivant le précepte de Louis XI (Divise afin de régner), il négociera donc sans cesse pour diviser ses adversaires et asseoir son pouvoir, souvent très habilement, mais parfois louvoyant à l’excès en « glissante couleuvre » (Michelet).

« Est-il heureux ? »756

MAZARIN (1602-1661). Mémoires de madame la duchesse d’Orléans, princesse Palatine (1832), Busoni

Mot bien connu du ministre, rapporté en ces termes par la Palatine, mère du futur Régent : « Le cardinal Mazarin ne pouvait souffrir autour de lui des gens malheureux. Quand on lui proposait quelqu’un pour entrer à son service, sa première question était celle-ci : « Est-il heureux ? » »

Mais prenons garde au contresens ! Il n’est pas question de bonheur. En réalité, cela signifie : « La chance est-elle avec lui ? » Notons que Mazarin fut un homme heureux dans les deux sens du terme : passionné de jeu et souvent gagnant, jouisseur amateur de jolies femmes et de belles choses, c’est plus encore un chanceux qui vivra une incroyable ascension sociale et politique dans son pays d’adoption, la France.

Il saura s’entourer des meilleurs collaborateurs au gouvernement, à tel point que Louis XIV prenant le pouvoir à sa mort les garde à son service – notamment Colbert, Le Tellier, Lionne. Seul le surintendant des Finances Fouquet, devenu richissime, sera éliminé et condamné pour avoir été « trop heureux » dans ses affaires personnelles et fait de l’ombre au Roi Soleil – crime de lèse-majesté.

« En tout cas, pour ma consolation, il me reste de savoir qu’au galant homme tout pays est patrie. »724

MAZARIN (1602-1661), Lettre à de Montagu, septembre 1637, Londres. Mazarin et ses amis (1968), Georges Dethan

Diplomate au service du pape Urbain VIII et indirectement de l’Italie, il ne cesse de voyager en Europe, même si depuis sa première rencontre avec Richelieu en 1630, il espère plus que tout se fixer en France. Rêve accompli quand le cardinal l’appellera à son service en 1638. Dès lors et sitôt naturalisé, Giulio Mazarini aura trouvé sa véritable patrie et se consacrera tout entier à son service.

« Jamais personne n’eut les manières si douces en public, si rudes dans le domestique. »757

Hortense MANCINI (1646-1699), Mémoires

La duchesse de Mazarin est la plus jolie des cinq « Mazarinettes », nièces de Mazarin qui ont quitté leur Rome natale pour suivre l’oncle allant faire carrière en France. Sa vie amoureuse et mondaine défraie la chronique, mais toute la famille Mazarin fait parler d’elle. Bien que le cardinal ait assuré la fortune des siens, ils ne lui en ont nulle reconnaissance.

« Grand Cardinal, que la fortune
Qui t’élève en un si haut rang,
Ne te fasse oublier ton sang,
Et que tu es de la commune. »758

Avertissement des enfarinés. La Vieille Fronde, 1648 (1832), Henri Martin

Le peuple détestera ce parvenu, cet Italien de petite extraction qui, au terme d’une irrésistible ascension, possède un si grand pouvoir en quelque sorte volé à la régente, puis au jeune roi Louis XIV devenu majeur.

Mazarin accumulera une immense fortune. Avec le cardinalat acquis sans même qu’il soit prêtre (fait exceptionnel) et à défaut de noblesse, c’est une manière de conforter son pouvoir et de légitimer sa présence à la tête de l’État. À sa mort, il fera don au roi et à l’État de ses collections et de sa bibliothèque personnelle : la Mazarine, première bibliothèque ouverte au public dès 1643, bâtie dans l’aile gauche du palais de l’Institut, édifié à ses frais.

« Qu’ils chantent, pourvu qu’ils paient. »759

MAZARIN (1602-1661). Dictionnaire de français Larousse, au mot « payer »

Un impôt de plus, des relations supposées avec la reine, une impopularité grandissante, tout est occasion de mazarinade (pamphlet), mais Mazarin se moque de ces chansons et de ceux qui les chantent. Il bravera toutes les formes d’opposition, gardant et renforçant son pouvoir jusqu’à sa mort. C’est dire que la « glissante couleuvre » avait aussi une force de caractère et un courage évident – comparable en cela à son premier protecteur, Richelieu.

Notons aussi que ce mot, le plus connu de Mazarin, s’inspire sans doute du roi légendaire de Mycènes, Atrée qui donnera la funeste dynastie des Atrides au cœur des tragédies grecques. Il régnait par la terreur pour se maintenir au pouvoir et un auteur de tragédie latine, Accius, fait dire au tyran parlant de ses ennemis : « Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent. »

« Son esprit, qui lui a rendu de si bons services en sa vie, était assurément de premier ordre, fin, délié, pénétrant, sage, judicieux, grave, modeste, grand et élevé. »753

Louis-Henri de LOMÉNIE de BRIENNE (1635-1698), Mémoires de Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne (posthume, 1720)

Conseiller d’État à 16 ans et secrétaire d’État aux Affaires étrangères à 23, surnommé le Jeune pour le distinguer de son père (Henri-Auguste de Loménie de Brienne), il juge en connaisseur et il approuve en professionnel de la chose publique les capacités exceptionnelles de l’homme d’État qui se révéla, plus de vingt ans au service de la France.

« Il se fit de la honte de tout ce que l’autre [Richelieu] s’était fait de l’honneur. Il se moqua de la religion. Il promit tout, parce qu’il ne voulut rien tenir. Il ne fut ni doux ni cruel, parce qu’il ne se ressouvenait ni des bienfaits ni des injures. Il s’aimait trop, ce qui est le naturel des âmes lâches… »752

Cardinal de RETZ (1613-1679), Mémoires (1671-1675)

Portrait évidemment à charge ! Paul de Gondi, prélat sans vocation ecclésiastique, mais chef de parti aux grandes ambitions politiques sous la Fronde, est l’un des vaincus de Mazarin. Même si son témoignage sur le nouveau cardinal à la réussite politique exemplaire est partial, ses Mémoires n’en sont pas moins une précieuse évocation de ces temps de trouble. Il écrit aussi : « L’un des plus grands défauts du cardinal Mazarin est qu’il n’a jamais pu croire que personne lui parlât avec une bonne intention. » Il est vrai qu’il pouvait soupçonner tout le monde en cette époque de complots et de Fronde où les plus grands noms du royaume changeaient de camp, tels Turenne et Condé.

Reflétant l’opinion de cette noblesse française, il évoque le point faible de l’Italien : « Sa naissance était basse et son enfance honteuse. La fortune l’ayant ébloui et tous les autres, il s’érigea et on l’érigea en Richelieu ; mais il n’en eut que l’impudence de l’imitation (…) Il prévoyait assez bien le mal, parce qu’il avait souvent peur ; mais il n’y remédiait pas à proportion, parce qu’il n’avait pas tant de prudence que de peur. Il avait de l’esprit, de l’insinuation, de l’enjouement, des manières ; mais le vilain cœur paraissait toujours au travers, au point que ces qualités eurent, dans l’adversité, tout l’air du ridicule, et ne perdirent pas, dans la plus grande prospérité, celui de fourberie. Il porta le filoutage dans le ministère, ce qui n’est jamais arrivé qu’à lui ; et ce filoutage faisait que le ministère, même heureux et absolu, ne lui seyait pas bien… » Le « filoutage » est un mot commun à toute politique.

Quant à l’autre cardinal qu’il aurait d’ailleurs voulu assassiner à l’époque de tous les complots, de Retz porta sur lui ce jugement indiscutable : « Richelieu avait foudroyé plutôt que gouverné les humains. » Le rapprochement entre les deux cardinaux qui se succèdent au pouvoir est historiquement et psychologiquement passionnant.

« Mazarin, le rusé s’est posé, donné à l’histoire comme l’élève chéri de Richelieu, une espèce de fils adoptif. Il voyait, comprenait très bien où visait cette glissante couleuvre dans ses douces ondulations et son frétillement. Mais il était tellement seul ! Il ne voyait guère mieux autour de lui. »

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, Richelieu et la Fronde, volume XII (1858)

L’historien préféré des Français tranche entre les deux personnages radicalement différents… Mais il se montrait également critique sur Richelieu : « Quelle tragédie plus sombre que sa personne même ! Auprès Macbeth est gai […] Le plus souvent il ravalait le fiel et la fureur, couvrait tout de respect, de décence ecclésiastique. »

Le roman historique (à distinguer du récit national) a naturellement utilisé ce personnage complexe et tout en contraste. Pour Dumas père, cela s’imposait. Il lui donna donc la parole avec son génie propre.

« Étranger ! murmurait-il ; Italien ! voilà leur grand mot lâché ! avec ce mot, ils ont assassiné, pendu et dévoré Concini (favori de Marie de Médicis), et si je les laissais faire, ils m’assassineraient, me pendraient et me dévoreraient comme lui, bien que je ne leur aie jamais fait d’autre mal que de les pressurer un peu. Les niais ! ils ne sentent donc pas que leur ennemi, ce n’est point cet Italien qui parle mal le français, mais bien plutôt ceux-là qui ont le talent de leur dire des belles paroles avec un si pur et si bon accent parisien. »

Alexandre DUMAS (1802-1870), Vingt ans après (1845)

L’auteur des Trois Mousquetaires (1844) remet en scène ses quatre héros (avec d’Artagnan) au temps de la Fronde et accorde un grand rôle plus ou moins historique à « l’illustrissime faquin Mazarini. » Son ego blessé se manifeste face à sa reine Anne d’Autriche : « Je souffre tous les jours les affronts que me font vos princes et vos valets titrés, tous automates qui ne voient pas que je tiens leur fil, et qui, sous ma gravité patiente, n’ont pas deviné́ le rire de l’homme irrité qui s’est juré à lui-même d’être un jour le plus fort. »

De même face au roi d’Angleterre Charles Ier (décapité sous la révolution en 1649) : « Je veux qu’on respecte la reine et qu’on respecte son ministre, puisque aux yeux de tous je ne suis que cela. Votre Majesté sait-elle, que je ne suis pas, comme beaucoup de gens le disent, un pantin venu d’Italie ; il faut que tout le monde le sache comme Votre Majesté ! » Dont acte.

Et face au quatrième mousquetaire qui le sert avant de le trahir : « Ces Gascons, dit Mazarin en riant, valent presque les Italiens pour la bravade. – En tout cas, dit d’Artagnan avec un sourire pareil à celui du cardinal, ils valent mieux pour l’estocade. » Ce qui n’est pas prouvé, vu l’acte de bravoure militaire qui lance en 1630 la première carrière italienne de Giulio Mazzarino (ou Mazzarini).

Paradoxalement, la popularité dont jouit aujourd’hui encore Mazarin provient du portrait au vitriol de Dumas dans Vingt Ans Après (1845) et Le Vicomte de Bragelonne (1847), un Mazarin couronné prince des fourbes et roi des intrigants. Ce machiavélisme à l’italienne, transposé maintes fois au cinéma et à la télévision, sera l’occasion de beaux rôles de composition pour François Périer, Philippe Noiret, Gérard Depardieu, Jean Rochefort, Philippe Torreton.

2. Chronique d’une irrésistible ascension : le fabuleux destin de Mazarin au service de la France.

« Pace ! Pace ! »15

Giulio MAZARINI (1602-1661), 26 octobre 1630, Bréviaire des Politiciens (posthume, 1684)

Surgissant monté sur un âne, brandissant un crucifix dans une main et une liasse de feuillets dans l’autre, le jeune nonce apostolique représentant le Pape Urbain VIII s’élance entre l’armée de Louis XIII et les troupes espagnoles, empêchant le choc frontal sous les murs de Casal (ville assiégée du Piémont italien), dans un énième épisode de de la Guerre de Trente ans (mai 1618-mai 1648).

Cette audace aurait pu coûter la vie au jeune Romain de 28 ans, mais c’est un joueur heureux, la chance est avec lui et ce coup d’éclat rend célèbre le diplômé de droit canon de modeste extraction.

« Monsignore Colmardo (« coupe-choux », surnom de Mazarin) connaîtra combien il est bon (de) s’attacher au service des grands princes et bons maîtres, comme est celui que nous servons (Louis XIII). Il connaîtra ensuite qu’il fait bon avoir de bons amis et que je ne suis pas des moindres qu’il ait au monde. ».

RICHELIEU (1585-1642), lettre de janvier 1639 au futur « Mazarin », Georges Dethan, Mazarin, un homme de paix à l’âge baroque (1981)

(Littré : Frère coupe-choux, religieux qui n’est d’aucune considération dans son couvent, et, par dérision, un moine. Étymologie. Couper, et chou ; dénomination passée sans doute du frère chargé du soin des légumes à un sens de moquerie. Richelieu appelait Mazarin son frère coupe-choux).

Première rencontre à Lyon, 28 janvier 1630 : le cardinal-duc et le modeste mais ambitieux émissaire pontifical se parlent plus de deux heures. Richelieu est fort intéressé par le jeune Mazarini, lui-même très impressionné par notre cardinal français qui en impose toujours. De ce jour, il décide de se donner à lui et ne changera jamais d’avis, quelles que soient les autres occasions et tentations sur la route de cet arriviste-né.

Il retrouve la France en 1634 comme Nonce apostolique (agent diplomatique du Saint-Siège, accrédité comme ambassadeur de ce dernier auprès des États) et se crée un réseau d’amitiés qu’il saura cultiver… Ainsi fait-il ses classes et ses preuves auprès du pape Urbain VIII qui souhaite avant tout la paix : « Pace ! Pace ! », but inlassablement poursuivi par Mazarin en ces temps de guerres, qu’il soit au service du pape ou du roi de France.

Cinq ans après, nouvelle chance : la mort du « Père Joseph » (François Leclerc du Tremblay), capucin surnommé « l’éminence grise » de Richelieu, laisse une place libre. Louis XIII approuve le choix de son Principal ministre qui compte sur ce jeune protégé pour alléger sa charge de travail littéralement épuisante.

« Monsignor Colmardo » est donc naturalisé français en avril 1639 et se dépense sans compter en cette fin de règne difficile, avec deux grands malades à la tête de l’État… 5 décembre 1642, le lendemain de la mort de Richelieu, ses efforts se trouvent récompensés au-delà de ses espérances : il est nommé principal ministre d’État par Louis XIII qui le choisit aussi comme parrain du dauphin, le futur Louis XIV. Après la mort de Louis XIII, il crée à nouveau la surprise en obtenant le soutien de la régente. On imagine aisément les jalousies face à une telle promotion !

« Savez-vous bien la différence
Qu’il y a entre son Éminence
Et feu Monsieur le Cardinal ?
La réponse en est toute prête :
L’un conduisait son animal,
Et l’autre monte sur sa bête. »765

César BLOT (1610-1655), mazarinade. Mazarin (1972), Paul Guth

(Un des 6 500 pamphlets contre Mazarin, exceptionnellement signé)

L’Éminence (Mazarin) succède en 1643 au Cardinal (Richelieu). L’« animal » est Louis XIII et la « bête » Anne d’Autriche, par ailleurs qualifiée de « pute de reine ». En termes peu galants, cela signifie que la pratique du ministériat est reconduite sous la régence avec l’ancien collaborateur de Richelieu comme principal ministre : Mazarin déjà impopulaire, déjà personnellement menacé.

La Cabale des Importants, faction regroupant les Grands, victimes de la politique de Richelieu et voulant leur revanche, ourdit un complot (27 mai 1643). À sa tête, la duchesse de Chevreuse et le duc de Beaufort, petit-fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées : proche du peuple, le « roi des Halles » n’a pas la morgue des Importants. Ils veulent éliminer « le Mazarin », dépouiller la Maison de Condé (comblée de biens et privilèges par Richelieu), signer la paix avec l’Espagne et l’Autriche.

Mazarin apprend la conspiration qui menaçait la France autant que sa personne : Beaufort est embastillé, la duchesse et les autres conjurés, exilés. C’est une répétition générale de la Fronde où les mêmes acteurs se retrouveront, cinq ans après.

« Un vent de Fronde
S’est levé ce matin
Je crois qu’il gronde
Contre le Mazarin. »744

Paul SCARRON (1610-1660), mazarinade. Poésies diverses : la mazarinade, Virgile travesti, roman comique

Tout-puissant ministre, Mazarin sera l’homme d’État le plus durement chansonné de l’histoire, durant la Fronde. Rappelons le mot d’auteur d’Eugène Scribe dans son Discours de réception à l’Académie française (1836) : « En France et sous nos rois, la chanson fut longtemps la seule opposition possible ; on définissait le gouvernement d’alors comme une monarchie absolue tempérée par des chansons. »

Scarron reste l’un des rares auteurs osant signer ses mazarinades. Celle-ci, selon d’autres sources, est également attribuée à Barillon l’aîné. Quoiqu’il en soit, le coup de force du Parlement de Paris (15 juin 1648) fait l’effet d’une bombe : la déclaration des vingt-sept articles énonce la limitation des pouvoirs du souverain. Il met aussitôt le feu aux poudres, car les causes du mouvement sont profondes, à la fois politiques, économiques, sociales.

Sous la régence d’Anne d’Autriche et sur fond de guerre étrangère avec l’Espagne, la France fragilisée, Paris en tête, se déchaîne dans un tourbillon révolutionnaire où les parlements (Paris en tête), le peuple et les Grands se relaient en une série de Frondes. La cible numéro un est quand même le cardinal au pouvoir, l’amant (supposé) de la Reine, l’Italien (naturalisé), le parvenu (enrichi), l’homme à abattre : Mazarin.

« Notre France est ruinée,
Faut de ce Cardinal
Abréger les années,
Il est auteur du mal. »751

La Chasse donnée à Mazarin, chanson populaire anonyme. Bulletin de la Société de l’histoire de France (1835), Renouard éd

Le cardinal Mazarin succédant au cardinal de Richelieu est également détesté en raison de la crise des subsistances et de la lourdeur des impôts nécessaires pour financer la guerre qu’il n’a évidemment pas déclarée, mais qu’il doit assumer.

Le peuple toujours taillable et corvéable à merci chante : « Pour payer les subsides / J’ai vendu mon godet / Ma poêle, ma marmite / Jusques à mon soufflet / Moi, pour payer les tailles / J’ai vendu mes moutons / Je couche sur la paille / Je n’ai pas le teston [monnaie royale] / Moi, j’ai chose certaine / Vendu un gros pourceau / Mes chèvres et mes gélines / Pour payer les impôts. »

« L’état de la France était tel qu’il n’était plus temps de se porter à la rigueur, sans la hasarder à de grandes révolutions. »722

Mme de MOTTEVILLE (1602-1689), Mémoires de Mme de Motteville pour servir à l’histoire d’Anne d’Autriche (posthume, 1822)

Elle tient une chronique de la Fronde et le tome IV de ses Mémoires commence par cette phrase, au chapitre de l’Année 1648. C’est le témoin et l’amie la plus fidèle de la reine.

Suite au premier coup de force du Parlement de Paris, Mazarin commence par « céder au torrent », selon de mot de Retz. Les intendants sont abolis le 13 juillet (et jusqu’en 1653). Mais la victoire de Condé sur les Espagnols (à Lens) raffermit momentanément le pouvoir – en attendant que Condé change de camp.

« Il est des occasions où le meilleur moyen de servir les princes, c’est de leur désobéir. »773

Pierre BROUSSEL (1575-1654). L’Éloquence politique et parlementaire en France avant 1789 (1882), Charles Aubertin

Conseiller au Parlement de Paris, le plus en vue des meneurs est arrêté le 26 août 1648 sur l’ordre d’Anne d’Autriche. Ce coup d’autorité, qui vient en fait de Mazarin, déclenche un soulèvement populaire.

Richelieu a dit, parlant de Paris : « N’éveillez pas cette grosse bête. » La chose est faite et malgré la libération de Broussel et des deux autres meneurs arrêtés, le 29 août 1648, la Fronde parlementaire s’organise vraiment.

« Ce n’est là qu’un Pantalon. »776

Pierre BROUSSEL (1575-1654), parlant de Mazarin au cardinal de Retz. Mémoires du cardinal de Retz (posthume, 1717)

Pantalon, vieillard amoureux, avare et salace, cible perpétuelle de toutes les moqueries, habillé d’une ample culotte, est un personnage bien connu de la commedia dell’arte ! Et personne ne l’oublie, Jules Mazarin est né Giulio Mazarini, donc italien.

Broussel, conseiller au Parlement de Paris et surnommé le « père du peuple » se plaît ainsi à rabaisser son ennemi le cardinal, dans cet épisode de Fronde parlementaire. De Retz se plaît naturellement à rapporter cet aparté, en note dans ses Mémoires. Alors que Mazarin, toujours d’après son témoignage, l’avait couvert d’éloges, pour son rôle dans cette histoire… De Retz ne va cesser d’intriguer et de changer de camp, l’ambitieux n’ayant en fait qu’une obsession : le chapeau de cardinal… dont Mazarin fut gratifié sans même passer par la prêtrise !

Cette guerre sera l’occasion de multiples volte-face de la part des Grands. Pour l’heure, l’ordre est rétabli à Paris, de façon provisoire. La régente s’est réfugiée avec toute la cour à Rueil. Mazarin a momentanément cédé au Parlement et rappelé les intendants (symbole de l’absolutisme royal).

« La guerre d’Allemagne n’est point guerre de religion, mais seulement guerre pour réprimer la grande ambition de la maison d’Autriche. »777

MAZARIN (1602-1661). Mazarin (1972), Paul Guth

Parallèlement à la Fronde qui commence s’achève cette guerre contre la maison de Habsbourg, entreprise par Richelieu il y a treize ans et continuée par son successeur dans le même esprit. Le but est atteint, l’empereur est contraint de signer les deux traités de Westphalie, le 24 octobre 1648 : « Pace ! Pace ! » C’est véritablement l’un des objectifs du Premier ministre au pouvoir – le siècle de Louis XVI sera beaucoup plus belliqueux !

« La paix de Westphalie a fait la France et défait l’Allemagne. »778

Prince Bernhard de BÜLOW (1849-1929), Déclaration au Reichstag (1906)

Parole du chancelier impérial de Guillaume II – qui déplorera de la même manière le traité de Versailles mettant fin à la Première Guerre mondiale, en 1919.

La France est donc la principale bénéficiaire des traités du 24 octobre 1648 : elle gagne l’Alsace. La grande perdante est l’Allemagne : morcelée en plus de 350 villes indépendantes et principautés, dépeuplée, ruinée, elle se retrouve si épuisée par la guerre que son économie ne se redressera pas avant un siècle. L’affaiblissement du pouvoir impérial, avec la victoire des particularismes, entraîne une paralysie politique dont Louis XIV jouera.

Mais l’Espagne continue la guerre. La paix de Westphalie, laissant désœuvrés les grands chefs militaires de la race des Turenne et Condé, va les jeter dans la Fronde, l’ennemi espagnol étant trop heureux de s’en faire à l’occasion des alliés – comme sous le précédent règne.

« Le Roi sera le maître partout, hors dans cette ville-là. »779

MAZARIN (1602-1661), furieux contre l’attitude de Paris et de son Parlement frondeur, fin 1648. La Fronde (1954), Ernst Heinrich Kossmann

Après la journée des Barricades au printemps, Mazarin a passé l’été et l’automne à ruser, la famille royale est revenue à Paris en novembre 1648, mais le Parlement fait encore la loi, prétend contrôler le gouvernement, et la reine en octobre a dû confirmer la suppression des intendants.

Mazarin décide alors d’assiéger Paris et de le réduire par la famine (et la propagande). Il se réfugie au château de Saint-Germain avec la famille royale et ses fidèles, partant subrepticement dans la nuit du 5 au 6 janvier 1549. Condé, toujours à la tête des troupes royales, dispose de 10 000 hommes pour se rendre maître de la capitale : opération répressive mal calculée, mal menée, et plus de quatre années de trouble vont s’enchaîner.

« Point de paix, point de Mazarin ! Il faut aller à Saint-Germain quérir notre bon Roi ; il faut jeter dans la rivière tous les mazarins. »781

Cris du peuple de Paris assiégé, début mars 1649. Mémoires du Cardinal de Retz (posthume, 1717)

Des pourparlers de paix s’engagent entre la cour (à Saint-Germain) et le Parlement de Paris.

Mais il y a des opposants irréductibles, une part du peuple se soulève, neutralise les échevins et les magistrats fidèles au roi (les « mazarins »). Cependant que les Grands deviennent le « piètre état-major d’une révolution incertaine » (Georges Duby). On retrouve le duc de Beaufort (le roi des Halles refaisant le coup de la Cabale des Importants qui voulut assassiner Mazarin en 1643), l’inévitable de Retz (porté par son ambition politique et bientôt perdu par ses propres subtilités « à l’italienne »), le prince de Conti – « un zéro qui ne multipliait que parce qu’il était prince du sang », selon de Retz – et la belle duchesse de Longueville (frère et sœur du Grand Condé qui se bat dans le camp du roi). Tout ce beau monde se querelle ou s’aime, intrigue, hésite, fanfaronne, enchaîne les volte-face et s’étonne de tant d’audace.

Les nouvelles des révolutionnaires de Cromwell vont terrifier les plus rebelles : ils ont osé exécuter le roi Charles Ier d’Angleterre ! Le président du Parlement de Paris, Molé, signe alors la paix de Rueil, le 11 mars 1649 : au prix de concessions mutuelles, c’est la fin (provisoire) de la Fronde parlementaire.

« Or, sus, bourgeois, ne soyez plus en peine,
Cessez vos pleurs, vos cris,
Le Roi, Monsieur, et la Reine Régente
Reviennent à Paris,
Ha ! qu’ils ont fait une belle bévue !
Elle est revenue, Dame Anne, elle est revenue. »782

L’Enlèvement du Roi (1649), chanson. Recueil de plusieurs pièces curieuses contre le cardinal de Mazarin (1649)

Rien moins que 28 couplets pour fêter le retour triomphal à Paris du petit Louis XIV (11 ans), mais aussi de son frère Philippe et de leur mère Anne d’Autriche, le 18 août 1649.

« Après ton compte rendu
Cher Jules, tu seras pendu
Au bout d’une vieille potence,
Sans remords et sans repentance. »787

Paul SCARRON (1610-1660), mazarinade. Poésies diverses : la mazarinade, Virgile travesti, roman comique

Le ministre toujours visé est aussi accusé de « rapine publique, fausse politique et sot gouvernement ». Mais il tient bon.

La Fronde des princes qui s’essouffle dans ses querelles de personnes va quand même s’unir, fin 1650, à un nouvel accès de Fronde parlementaire pour réclamer le départ du ministre. Le 7 février 1651, le duc de Beaufort soulève les Halles, bloque la reine au Palais-Royal. Crime de lèse-majesté, on n’est pas loin de la Révolution… Mazarin juge prudent de s’exiler pour un temps en Allemagne, cependant que de loin, il conseille la reine, toujours par lettres.

« Mon Dieu, que je serais heureux et vous satisfaite si vous pouviez voir mon cœur, ou si je pouvais vous écrire ce qu’il en est, et seulement la moitié des choses que je me suis proposé. Vous n’auriez pas grand-peine, en ce cas, à tomber d’accord que jamais il n’y a eu une amitié approchante à celle que j’ai pour vous. »

MAZARIN (1602-1661), Lettre à la reine du 11 mai 1651, cité par Thierry Sarmant, Les Énigmes de l’histoire de France (2021)

Les lettres parlent de politique, elles sont le lien nécessaire entre les deux « têtes de l’État » souvent séparées sous les cinq ans de Fronde. Reste l’énigme des relations personnelles entre le principal ministre et « la pute de reine » également ciblée dans les mazarinades. On peut invoquer le style de l’époque et l’extrême politesse de l’ex-Nonce apostolique, mais quand même…

À propos de cette amitié, il écrit aussi à la reine : « Je vous avoue que je ne me fusse pu imaginer qu’elle allât jusqu’à m’ôter toute sorte de contentement lorsque j’emploie le temps à autre chose qu’à songer à vous : mais cela est, à tel point qu’il me serait impossible d’agir en quoi qui en pût être, si je ne croyais d’en devoir user ainsi pour votre service […] Je voudrais aussi vous pouvoir exprimer la haine que j’ai contre ces indiscrets qui travaillent sans relâche pour faire que vous m’oubliez et empêcher que nous ne nous voyions plus […] La peine qu’ils nous donnent ne sert qu’à échauffer l’amitié qui ne peut jamais finir. »

À Paris, en mars, une assemblée de représentants de la noblesse et du clergé demandait la réunion des États généraux, mais Parlement, bourgeois et princes y sont hostiles – rien que le mot fait peur ! L’assemblée se disperse. Les frondeurs recommencent à se quereller.

« Faut sonner le tocsin, din-din
Pour pendre Mazarin. »793

La Chasse donnée à Mazarin, chanson. Bulletin de la Société de l’histoire de France (1835), Renouard éd

« Prendre » est devenu « pendre » ! Il y a plus qu’une nuance : c’est un appel au meurtre. Là encore, on pense à la Révolution…

Le Parlement de Paris, qui a banni Mazarin en janvier 1649, met sa tête à prix en décembre 1651 : 50 000 écus, payables par la vente de sa bibliothèque et ses collections (471 tableaux de maître référencés à sa mort). Mazarin, confondant parfois ses affaires et celles de l’État, a déjà accumulé une immense fortune qui devait lui donner une forme de légitimité politique, mais qui présentement ne sert à rien.

Le cardinal a de nouveau pris la fuite avec la reine et rejoint le jeune roi à Poitiers. Le Parlement envoie des émissaires dans les provinces, tente de les soulever contre Mazarin, mais nul ne bouge.

Turenne, à la tête de l’armée royale, bat Condé qui a recruté de son côté une armée espagnole ! Condé se réfugie dans Paris (avril 1652), ses partisans y font régner la terreur. La Grande Mademoiselle (fille du Grand Monsieur, Gaston d’Orléans) se lance dans la Fronde à cœur perdu.

« Ce sont des Mazarins, faites-en ce que vous voudrez ! »794

Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand CONDÉ (1621-1686) à ses soldats, 4 juillet 1652. Mémoires de Valentin Conrart (posthume, 1826)

C’est un contemporain qui témoigne, homme de lettres beaucoup plus discret que de Retz, se contentant d’être l’un des premiers Académiciens et secrétaire perpétuel de 1635 à sa mort, en 1675.

Parlement et bourgeois de Paris sont réticents, mais les partisans de Condé manœuvrent les milieux populaires, exploitent leur haine contre Mazarin et entretiennent un climat de terreur, depuis quelques mois.

Le 2 juillet, Turenne bat de nouveau Condé, mais la Grande Mademoiselle le sauve en faisant tirer le canon de la Bastille sur les troupes royales et sur Turenne ! Une anarchie sanglante s’ensuit : le 4 juillet, Condé laisse massacrer les « Mazarins » (magistrats et bourgeois de Paris), tandis que l’incendie dévaste l’Hôtel de Ville et le palais Mazarin. C’est la « journée des Pailles ».

Mazarin fuit cette fois à Cologne. D’où il dirige la France, toujours par lettres à la reine. On a véritablement frôlé la Révolution, mais la France n’était sans doute pas prête et Mazarin est finalement un « homme heureux » (chanceux).

« Tel qui disait : « Faut qu’on l’assomme ! »
Dit à présent : « Qu’il est bon homme ! »
Tel qui disait : « Le Mascarin !
Le Mazarin ! Le Nazarin ! »
Avec un ton de révérence
Dit désormais : « Son Éminence ! » »795

Pamphlet pour Mazarin (1652). Histoire de la Bibliothèque Mazarine depuis sa fondation jusqu’à nos jours (1860), Alfred Franklin

Juste retour des choses. La France est à bout de souffle et Paris se lasse de tant d’excès, après la journée des Pailles et le massacre qui suivit. Les bourgeois deviennent hostiles à Condé qui fuit à son tour aux Pays-Bas espagnols – la Belgique actuelle.

Dans le même temps, les marchands de Paris et les officiers de la garde bourgeoise rappellent le jeune roi qui rentre – définitivement cette fois, et triomphalement ! Le 21 octobre 1652, Louis XIV s’installe au Louvre. Mazarin, rappelé par le roi et la reine mère, rentre à son tour. L’opinion s’est complètement retournée.

« Louis XIV le reçut comme un père et le peuple comme un maître. »796

VOLTAIRE (1694-1778) évoquant le retour de Mazarin, 3 février 1653. Le Siècle de Louis XIV (1751), Voltaire

C’est la fin de la Fronde. Le roi, majeur depuis deux ans, va laisser le cardinal gouverner la France jusqu’à sa mort en 1661. Il va apprendre son royal métier auprès de son Premier ministre et tuteur. Mais la Fronde lui servira de leçon et renforcera son penchant naturel pour l’absolutisme royal et la verticalité politique.

« Ces agitations terribles avant et après ma majorité, une guerre étrangère où les troubles domestiques firent perdre à la France mille et mille avantages, un prince de mon sang et d’un très grand nom [Condé] à la tête de mes ennemis. »797

LOUIS XIV (1638-1715), Mémoires pour l’instruction du Dauphin (1662)

Jamais le roi n’oubliera l’humiliation et l’insécurité de sa jeunesse. Le souvenir de la Fronde commande et explique bien des aspects de sa politique intérieure et l’absolutisme du règne à venir.

La France n’oublie pas non plus le bilan désastreux de cette guerre civile, aggravée par la guerre étrangère et l’appui des Espagnols aux rebelles : famines et pestes endémiques ont fait mourir dans la seule année 1652 un quart de la population, dans certains villages en Île-de-France, Champagne et Picardie ! Le commerce extérieur est désorganisé, la marine ruinée. Le pays doit penser : tout plutôt que cette anarchie. Il est prêt pour une monarchie absolue. La chronique est indispensable pour comprendre une époque de l’Histoire.

Dès son retour, Mazarin rétablit les intendants, incarnation du pouvoir royal et gage de l’ordre sur tout le territoire. Gaston d’Orléans l’éternel comploteur est exilé à vie dans son château de Blois. Et Condé, condamné à mort (par contumace) par le Parlement, passe au service de l’Espagne.

« L’État, c’est moi. »807

LOUIS XIV (1638-1715). L’État baroque : regards sur la pensée politique de la France du premier XVIIe siècle (1985), H. Méchoulan, E. Le Roy Ladurie, A. Robinet

Mot réputé apocryphe, souvent cité, qui reflète la réalité et fut prononcé avant le début du règne personnel, selon l’historien Louis Madelin (La Fronde). Louis XIV vient d’être sacré roi à Reims (1654), Mazarin exerçant toujours le pouvoir. À sa demande, le roi signe divers édits financiers pour renflouer le Trésor et poursuivre la guerre contre l’Espagne. Certains magistrats du Parlement de Paris en discutent la légalité. Or, il faut à tout prix éviter une nouvelle fronde parlementaire.

Louis XIV, en costume de chasse, se rend devant le Parlement réuni en lit de justice : « Chacun sait combien ces assemblées ont excité de troubles dans mon État et combien de dangereux effets elles y ont produits. J’ai appris que vous prétendiez encore les continuer sous prétexte de délibérer sur les édits qui ont été lus et publiés en ma présence. » Le président invoque l’intérêt de l’État dans cette affaire et le roi le fait taire, en affirmant : « L’État, c’est moi » (13 avril 1655). Il a 16 ans. Cela promet… et Mazarin veille sur son royal élève.

« Si une fois vous prenez en main le gouvernail, vous ferez plus en un jour qu’un plus habile que moi en six mois, car c’est d’un autre poids, ce qu’un roi fait de droit fil, que ce que fait un ministre, quelque autorisé qu’il puisse être. »801

MAZARIN (1602-1661), Lettre à Louis XIV, 29 juin 1659. Les Annales conferencia, volume XIX (1925), Université des Annales

Ainsi le conseille-t-il deux ans avant sa mort, tout en continuant de l’initier infatigablement à son métier de roi. Le conseil sera bien suivi par l’élève ! En attendant, le cardinal qui a tiré les leçons de la Fronde tient fermement le gouvernail : Parlements réduits au silence, interdiction à la noblesse de s’assembler (édit de 1657). En 1659, des assemblées secrètes de nobles se tiennent en certaines provinces. Le roi va sévir en personne dans le Midi. Il y a toujours, entre eux deux, cette étonnante division du travail – Richelieu avec Louis XIII eut plus de mal.

L’un des principaux acquis du « règne » de Mazarin sera la paix avec l’Espagne au traité des Pyrénées : le 7 novembre 1659, dans l’île des Faisans sur la Bidassoa qui sert de frontière aux deux pays, Mazarin signe pour Louis XIV. C’est également lui qui a très diplomatiquement arrangé son mariage avec Marie-Thérèse d’Autriche, infante d’Espagne.

Il a aussi veillé, avec la complicité de la reine mère Anne d’Autriche, à ce que son frère cadet de deux ans, Philippe de France dit « Monsieur », se tienne à l’écart de toute gestion politique du royaume et ne devienne pas l’éternel comploteur de la famille, rôle fâcheux tenu par Gaston d’Orléans, frère du roi Louis XIII. Mission accomplie au-delà de l’imaginable…

« C’était un petit homme ventru, monté sur des échasses tant ses souliers étaient hauts, toujours paré comme une femme, plein de bagues, de bracelets et de pierreries partout, avec une longue perruque toute étalée devant, noire et poudrée et des rubans partout où il pouvait mettre, plein de sortes de parfums et en toutes choses la propreté même. »

Duc de SAINT-SIMON (1675-1755), Mémoires (posthume)

L’impitoyable mémorialiste du règne de Louis XIV décrit Monsieur à l’âge adulte.

Mazarin avait présenté Philippe d’Orleans à son neveu Philippe Mancini, capitaine des Mousquetaires et homosexuel notoire, pour qu’il l’initie au « vice italien », expression courante à l’époque - sa deuxième épouse la princesse Palatine, d’origine allemande, parlera de « mal français ». Enfant, il montrait des prédispositions, jouant avec ses poupées, s’habillant en fille, se maquillant à plaisir. Il multipliera plus trad les favoris, ce qui ne l’empêche pas de se marier deux fois… pour obéir au roi et avoir des enfants. Il se montra même si brave au combat dans la guerre de Hollande qu’il se verra retiré tout commandement par Louis XIV !

« Il faut quitter tout cela »

MAZARIN (1602-1661), quelques jours avant sa mort, propos rapporté dans ses Mémoires par Loménie de Brienne, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Gallica, BNF

Né italien dans un pays de tradition culturelle envié par la France depuis la Renaissance, Mazarin fut un amateur à la fois éclairé et passionné. Ce n’est pas encore le mécénat d’État et la politique culturelle initiée sous Louis XIV et  tout à l’honneur du Grand Siècle. Il a quand même révélé aux Français l’opéra italien, invitant à Paris la plus célèbre cantatrice du temps, Leonora Baroni qui enchanta littéralement la reine. Il fit venir le compositeur Francesco Cavalli, rival de Monteverdi mais beaucoup plus populaire, le machiniste Giacomo Torelli, peintre et scénographe, véritable magicien de la scène célèbre en Europe - le public payait rien que pour voir le changement à vue de ses lourds décors. I stregone gran « le grand sorcier » fit triompher à Paris la « pièce à machines » Andromède de Corneille en 1650.

Mazarin reste surtout comme un fastueux collectionneur. Avant de mourir, amaigri, paralysé par la goutte, les jambes décharnées, il se fit promener en chaise à porteur pour voir une dernière fois ses très chères collections. Sous la Fronde, on avait pillé le palais du cardinal, symbole de sa réussite. Il avait prudemment mis à l’abri une partie de ses trésors, trop nombreux pour être tous dissimulés. Revenu au pouvoir, il récupéra la plupart des œuvres. Le premier inventaire est dressé par Colbert en 1653. Il enrichit encore ses collections : derniers biens acquis, de magnifiques meubles importés d’Italie.

Sa fortune est impossible à estimer : comment donner la valeur des 471 tableaux de maître référencés, signés de Vinci, Titien, Raphaël, Caravage… Des sculptures, des bijoux et médailles disséminés dans un grand nombre de ses palais et des livres rares de la bibliothèque Mazarine ? « Il faut quitter tout cela » dit-il. C’est sans doute la plus grande fortune privée de l’Ancien Régime. Il lègue l’essentiel au roi qui refuse élégamment, de sorte que Mazarin put en disposer jusqu’à la fin.

« Sire, je vous dois tout, mais je m’acquitte envers Votre Majesté en lui donnant Colbert. »805

MAZARIN (1602-1661) à Louis XIV, le 9 mars 1661. C’est son « mot de la fin » politique. Le Plutarque français, vie des hommes et femmes illustres de la France (1837), Édouard Mennechet

Il meurt dans la forteresse de Vincennes aménagée à son intention. L’air d’un vieillard à 58 ans (âge déjà respectable à l’époque), il n’a plus de jambes, mais il a gardé toute sa tête et peut se féliciter d’une carrière réussie !

Premier ministre d’Anne d’Autriche, gardé par Louis XIV à sa majorité, se donnant tout entier à son métier de « principal ministre », il assuma la totalité du pouvoir. Il recommande au roi le financier Jean-Baptiste Colbert qui gérait avec succès sa fortune depuis dix ans. Louis XIV le gardera à son service jusqu’à sa mort, durant plus de vingt ans. Il fera de même avec la plupart des collaborateurs tout dévoués dont l’habile Mazarin a su s’entourer.

« Dieu merci, il est crevé. »806

Hortense MANCINI (1646-1699), Mémoires (posthume)

Cri du cœur de la famille (son frère et une de ses sœurs) à la nouvelle de la mort du cardinal Mazarin, leur oncle. La belle et spirituelle mazarinette ajoute : « À vrai dire, je n’en fus guère plus affligée ; et c’est une chose remarquable qu’un homme de ce mérite, après avoir travaillé toute sa vie pour élever et enrichir sa famille, n’en ait reçu que des marques d’aversion, même après sa mort. »

Parti de rien, parvenu grâce à ses mérites personnels au service du pape comme ambassadeur extraordinaire, puis au service de deux rois de France, Louis XIII et Louis XIV, il passa plus de trois décennies à fomenter les intrigues les plus diverses, à faire feu et flèche de tout bois sur la scène diplomatique et dans les alcôves de la cour, s’attirant tour à tour les haines et la bonne grâces de tout ce que l’Europe compte de personnages importants.

3. Bréviaire des politiciens : petite bible du cardinal, éloge de la simulation et de la séduction.

« Pour ce qui est des préceptes de gouvernement, on peut faire confiance à l’homme qui, sachant gagner les bonnes grâces des puissants, a su éliminer ses ennemis, accéder à la première place et la conserver, pendant deux règnes, jusqu’à sa mort. »

Umberto ECO (1932-2016), Préface du Bréviaire des politiciens (posthume, nouvelle édition en 1997)

Universitaire, grand érudit et écrivain italien connu pour ses essais sur la sémiotique, l’esthétique médiévale, la communication de masse, la linguistique et la philosophie, il devient célèbre avec son premier roman, Le Nom de la rose (1980) : plusieurs millions d’exemplaires vendus, des traductions en quarante-trois langues, malgré un contenu complexe et ardu. Dans ce « policier médiéval », il applique les concepts qu’il enseigne à Turin. Adapté au cinéma en 1986 par Jean-Jacques Annaud avec Sean Connery en vedette, c’est un nouveau succès inattendu.

Il préface ce Bréviaire signé d’un autre Italien et met l’œuvre en perspective intellectuelle et historique.

« Contrairement à Machiavel, Mazarin n’est pas un théoricien. Lui importe avant tout l’efficacité. Il ne s’encombre ni de morale, ni, il faut bien le dire, d’équité. Nous avons là un modèle de stratégie « démocratique » - à l’âge de l’absolutisme ! Mazarin nous donne une splendide image de l’obtention du pouvoir grâce à la pure et simple manipulation du consensus. »

Umberto ECO (1932-2016), Préface du Bréviaire des politiciens (posthume, 1997)

Suite de maximes et de prescriptions jalonnant l’action de l’homme public, ce Bréviaire constitue aujourd’hui encore un memento pratique pour tout homme de pouvoir : « Vous y trouverez plein de gens que vous connaissez pour les avoir vus à la télé ou rencontrés en entreprise. »

Au second degré, ce traité peut se lire comme une mise en garde sur les dérives possibles du système démocratique, du charisme en politique et du populisme, comme dans certains chapitres de Tocqueville au XIXe siècle.
Pour ce qui est des préceptes de gouvernement, on peut faire confiance à l’homme qui, sachant gagner les bonnes grâces des puissants, a su éliminer ses ennemis, accéder à la première place et la conserver pendant deux règnes, jusqu’à sa mort.

Le préfacier souligne très justement dans sa présentation qu’écrit aux grandes heures de l’absolutisme et de l’apparente verticalité et rigidité du pouvoir, ce texte exclut quasiment l’usage de la violence en politique, sauf en tout dernier recours. « Pace ! Pace ! » Toute sa vie, Mazarin eut cet objectif de Paix.

« Les futurs hommes publics, s’ils lisent ce bréviaire, verront que mazariner n’est pas obligatoirement à leur mesure, ce qui sera dommage, au fond, pour leurs administrés. »

Umberto ECO (1932-2016), Préface du Bréviaire des politiciens, Mazarin, (posthume, 1997)

Le Sommaire détaille l’ouvrage en deux parties (une très courte, l’autre beaucoup plus détaillée) pour finir par quelques axiomes.

Partie I : Connais-toi toi-même - Et connais les autres.

Partie II- Les hommes en société : Obtenir la faveur d’autrui - Les amis des autres - Bonne renommée - Les affaires - Lire, écrire - Les bienfaits – Solliciter – Conseiller - Ne pas se laisser surprendre - La bonne santé - Haines et rancunes - Les secrets - Les intentions - Ne jamais offenser - Inciter à l’action - La sagesse - Agir avec prudence - Les fâcheux - La conversation - Les plaisanteries - Éviter les pièges - L’argent : en gagner et le garder - Les honneurs - Les sollicitations - La simulation des sentiments - Fêtes et agapes - Limiter les dégâts - Les innovations - Sauver sa mise - Dissimuler ses erreurs - Exciter à la haine contre un adversaire - Mettre un terme à une amitié - L’éloge d’autrui - Empêcher quelqu’un de refuser une charge - Contenir sa colère – Fuir – Punir - Mettre fin à une sédition - Écouter et prononcer de justes louanges - Conserver sa sérénité - Mépriser les attaques verbales - L’habileté dans les propos - Détourner les soupçons - Se débarrasser d’un adversaire - En voyage - Ne pas courir après les satisfactions - Critiquer, reprocher - Dissimuler ses sentiments - Savoir la vérité – Accuser - Être accusé - Voyages en province ou à l’étranger - Les livres théoriques.

Axiomes : En résumé - Simule, dissimule - Ne te fie à personne - Dis du bien de tout le monde - Réfléchis avant d’agir.

Quel bonheur de résumer sans plus de commentaire et en quelques citations cette méthode de parfaite manipulation politique. Cela peut servir aux candidats, comme une mise en garde sur les dérives possibles du système démocratique et du charisme en politique. Cela doit surtout éclairer le grand public des citoyens et nous aider à décoder les manœuvres politiciennes.

« Entraîne-toi à simuler chacun des sentiments qu’il peut t’être utile de manifester, jusqu’à en être comme imprégné. Ne dévoile à personne tes sentiments réels. Farde ton cœur comme on farde un visage. »

« Que personne n’assiste à ton lever, à ton coucher, ni à tes repas »

« Chaque fois que tu paraîtras en public — le moins souvent possible de préférence —, tâche de te conduire de manière irréprochable ; une seule bévue suffit à entacher une réputation, et le mal est alors bien souvent irréversible. »

« L’homme heureux est celui qui reste à égale distance de tous les partis. »

« Le centre vaut toujours mieux que les extrêmes. »

« Conduis les gens, sans qu’ils s’en aperçoivent, à te raconter leur vie. Le meilleur moyen pour y parvenir est de faire semblant de raconter la tienne. Ils te confieront comment ils ont réussi à abuser les autres, ce qui sera fertile d’enseignement pour interpréter leur comportement actuel. Mais de ta vie à toi, naturellement, prend garde de ne rien dévoiler. »

« La maladie, l’ivresse, les banquets, les moments de détente et de rire, les jeux d’argent, les voyages, bref, toutes les circonstances où les esprits ont tendance à se débrider, ou les cœurs s’ouvrent, et où, pourrait-on dire, les fauves se laissent attirer hors de leur gîte, te seront autant d’occasions de recueillir des renseignements précieux sur les uns et les autres. »

« Donne-toi pour règle absolue et fondamentale de ne jamais parler inconsidérément à qui que ce soit – pas plus en bien qu’en mal -, et de ne jamais révéler les actions de quiconque bonnes ou mauvaises. En effet, il est toujours possible qu’un ami de celui que tu critiques soit présent et s’empresse de rapporter tes propos en les exagérant, te faisant un ennemi de plus. En revanche, si tu fais l’éloge de quelqu’un en présence d’autrui qui le hait, c’est de cet autre que tu t’attireras l’inimitié. »

« Quand un parti est nombreux et puissant, même si tu n’en es pas, n’en dis jamais de mal. »

« Montre-toi l’ami de tout le monde, bavarde avec tout le monde, y compris avec ceux que tu hais, ils t’apprendront la circonspection. De toute façon, cache tes colères, un seul accès nuira plus à ta renommée que toutes les vertus ne pourront l’embellir. Préfère les entreprises faciles pour être plus facilement obéi et quand tu as à choisir entre les deux voies d’actions, préfère la facilité à la grandeur avec tous les ennuis qu’elle comporte. »

« Quand tu auras triomphé d’un adversaire, ne cède pas à la tentation de l’insulter par-dessus le marché. Ne te gausse pas de tes rivaux, retiens-toi de les provoquer et, chaque fois que tu seras vainqueur, contente-toi du plaisir de la victoire sans t’en glorifier en paroles ou en actes. »

« Attribue tes réussites et tes succès à autrui. Par exemple, à une personne d’expérience qui t’a aidé de sa prévoyance et de ses avis prudents. »

« Si tu es nommé à une fonction à laquelle sont attachés des honneurs, fais nommer en même temps que toi ton rival pour éviter qu’il ne provoque des rébellions. A lui les honneurs de la charge, à toi ses vrais bénéfices. »

« Quelles que soient tes fonctions, sache que tu peux toujours t’attirer les bonnes grâces d’un supérieur en lui assurant des profits. Quant aux inférieurs, il vaut toujours mieux faire preuve de mansuétude à leur égard, même si elle n’est qu’apparente, plutôt que de rigueur excessive. »

« Si tu veux t’attirer la sympathie du peuple, promets personnellement à chacun des gratifications matérielles : c’est cela qui touche ; les gens du peuple sont indifférents à la gloire et aux honneurs. »

« Veille, pour flatter le peuple, à rendre compte de tes actes, mais seulement après coup, afin que personne ne se mêle de contester tes décisions. »

« Si tu dois quitter une charge, fais en sorte que tes successeurs ne possèdent pas de talents qui surpassent trop visiblement les tiens. »

« Si quelqu’un te manifeste sa haine, sache que ce sentiment est toujours authentique : à la différence de l’amour, la haine ignore l’hypocrisie. »

« Sache qu’un homme qui se contredit ne répugnera pas à te voler. »

« Méfie-toi des hommes de petite taille : ils sont butés et arrogants. »

« Aie toujours présent à l’esprit ces cinq préceptes : 1. Simule 2. Dissimule 3. Ne te fie à personne 4. Dis du bien de tout le monde 5. Prévois avant d’agir. »

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Les personnages marquent leur époque et bien au-delà : ils sont les auteurs et acteurs de l’Histoire, avant que les historiens ne commentent et réécrivent le récit national.
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Plus ou moins connus, voire célèbres et toujours à redécouvrir, voici 200 noms avec plus d’un quart de femmes et un invité surprise, le peuple anonyme (chansons, slogans…)

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